Journée européenne des langues : « Apprendre une nouvelle langue, ça veut dire accepter une nouvelle réalité »

Photo: Andreu Bauça

Créée en 2001 par le Conseil de l’Europe, la Journée européenne des langues est célébrée le 26 septembre chaque année. A Prague, c’est la plateforme Library of Languages qui a organisé pour la deuxième fois cet événement au Kampus Hybernská.

Photo: Andreu Bauça

Mini-cours de langues, conférences sur la place des technologies dans l’apprentissage des langues, ateliers de déchiffrage d’alphabets historiques : voilà quelques-unes des activités au programme de la Journée européenne des langues qui s’est tenue jeudi dans les locaux du Kampus Hybernská, un espace créatif résultat d’un projet commun de l’Université Charles et de la ville de Prague. Eva Lehečková, professeure de tchèque à la Faculté de lettres de l’Université Charles et coordinatrice de Library of Languages, nous présente l’activité de la plateforme responsable de l’événement :

« Il s’agit d’une plateforme de formation qui se consacre à la vulgarisation de la formation en langues, au multilinguisme et à l’enseignement des langues au grand public. C’est la deuxième fois que nous organisons la Journée européenne des langues au Kampus Hybernská : l’année dernière, il s’agissait d’une journée pilote, et cette expérience nous a incités à élargir le programme. Il est quasiment deux fois plus conséquent cette année, et nous l’avons conçu de façon à ce qu’il soit véritablement destiné au grand public. »

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Des écoles de Prague et d’ailleurs avaient d’ailleurs répondu présent à l’invitation, et les lycéens et leurs professeurs étaient nombreux à assister à la quarantaine de cours de langue proposés. Cette année, les langues minoritaires étaient à l’honneur, avec, entres autres, des cours de iakoute, de romani, de sorabe et de sercquiais, ainsi que des conférences sur les langues en voie de disparition.

Andreu Bauça, professeur de catalan à l’Université Charles depuis plus de vingt ans, participait pour la seconde fois à cette journée. Il estime que cet événement est un bon moyen de soutenir les langues minoritaires.

« Il faut soutenir ces langues minoritaires, car à notre époque, la mondialisation a deux aspects : d’un côté, les langues minoritaires disposent de plus de moyens pour s’exprimer, sur des plateformes, sur Internet, etc., elles sont partout ; de l’autre, la mondialisation renforce l’influence des langues majoritaires sur ces langues minoritaires. Je le constate actuellement avec l’influence de l’espagnol sur le catalan. Je pense qu’il est donc important de soutenir ces langues minoritaires. Pour moi, il est nécessaire de changer de mentalité, car beaucoup voient les choses de façon pratique, et ils s’intéressent uniquement aux langues majoritaires. Pourtant, les langues minoritaires sont importantes pour notre société, car elles apportent un regard différent sur la réalité et sur la vie. Il serait donc dommage de les perdre. Il faudrait qu’elles soient plus aidées : comme on encourage à trier les déchets, il faudrait que dès l’âge scolaire on apprenne les langues minoritaires, qu’on apprenne à les respecter. »

Photo: Andreu Bauça
Le français avait également sa place au programme, avec – en plus d’un cours destiné aux débutants – une conférence sur les difficultés de prononciation du français pour les étrangers. Tomáš Dubeda, de l’Institut de traduction et d’interprétation de l’Université Charles, y a donné sa définition de l’apprentissage d’une langue étrangère :

« Apprendre une nouvelle langue, ça veut dire accepter une nouvelle réalité, ne pas en avoir peur, et faire l’effort d’adapter son système de perception de la langue et de la prononciation. »

Tomáš Dubeda nous a par ailleurs donné son avis sur l’évolution de la place du français parmi les langues étrangères enseignées en République tchèque.

Photo: Andreu Bauça
« Je ne pense pas que le français soit menacé [en tant que langue], mais en République tchèque, il faut se battre pour le français, car il est menacé – comme toutes les autres langues – par l’anglais. Ça ne veut pas dire qu’il faut se battre contre l’anglais : il faut aussi étudier l’anglais, mais à part ça, il faut que des efforts soient faits pour sensibiliser les gens d’ici à l’existence du français, leur expliquer que c’est une langue internationale extrêmement utile, et qu’elle n’est pas si difficile que ça. Je dois malheureusement constater un déclin progressif [de l’intérêt pour le français], lent mais bien réel, et c’est pour ça qu’il faut maintenant être plus actifs pour attirer les étudiants. »

Enfin, le programme faisait la part belle à la thématique des langues artificielles, avec notamment un cours de langue inter-slave, la principale langue du récent film tchèque The Painted Bird.

Et qu’ils soient linguistes débutants ou confirmés, tous les visiteurs avides de langues étrangères ont pu satisfaire leurs papilles en visitant les stands de spécialités culinaires du monde entier.