A Lety, les tombes des victimes roms des nazis mises au jour
Une équipe d’archéologues a mis au jour les tombes individuelles de prisonniers roms, datant de la Seconde Guerre mondiale. A Lety u Písku, en Bohême du Sud, plus d’un millier de Roms ont été internés dans un camp de concentration avant d'être déportés vers Auschwitz.
Jusqu’en 2018, le site de l’ancien camp de concentration de Lety se trouvait à proximité d’une porcherie en activité depuis le début des années 1970. Si les bâtiments s’y trouvent toujours aujourd’hui, ils sont voués à disparaître d’ici 2020 : en effet, après des années de tergiversations et sous la pression des critiques internationales ainsi que de la communauté rom, l’Etat tchèque a fini par racheter l’an dernier la porcherie en question pour un total de 450,8 millions de couronnes. Un soulagement pour les membres de la communauté qui, via le Musée de la culture rom chargé de la gestion du site, vont pouvoir en faire enfin un lieu de mémoire.
Sur les 1 308 hommes, femmes et enfants à avoir été enfermés dans le camp de Lety, 327 y ont péri. Avant de liquider définitivement les bâtiments de la porcherie et de faire construire un mémorial, le Musée de la culture rom souhaitait faire effectuer des fouilles archéologiques afin de déterminer les lieux de sépulture de ces prisonniers. Pavel Vařeka est le chef de ce chantier de fouilles très particulier :
« Nous avons découvert la dépouille d’une prisonnière âgée d’une quarantaine d’années. Sur la foi des sources écrites et des archives, 120 prisonniers devraient être inhumés ici. Plus de 70 d’entre eux étaient des petits enfants. D’après les documents d’époque, le cimetière devait faire environ 400 mètres carrés. Nous n’avons mis au jour qu’une petite parcelle, mais elle nous permet assez bien de nous représenter ce lieu. »Les tombes découvertes par les archéologues sont individuelles, mais plus loin se trouvent également des fosses communes. A la demande des descendants et proches, les dépouilles mises au jour ne seront ni montrées au public ni déplacées. Plus de 70 ans après les faits, une clôture devrait être installée et une croix érigée, afin de rappeler la présence des victimes. Comme le souligne Pavel Vařeka, la découverte de ces tombes de Roms persécutés par les nazis est une première en Europe.
Pour Čeněk Růžička, le président du Conseil pour l’indemnisation de l’Holocauste rom, la découverte des sépultures est une étape supplémentaire vers la dignité retrouvée de l’ensemble du site.
« Personnellement, c’est comme un poids qui m’est tombé du cœur. Je me demandais comment nous allions faire pour le mémorial si l’on ne retrouvait pas les tombes ou si elles se trouvaient ailleurs. Sans compter qu’apparemment, ils enterraient aussi des soldats de la Wehrmacht dans la zone. »Cet automne, le Musée de la culture rom prévoit de lancer un concours d’architectes pour la construction du mémorial. Les résultats devraient être connus l’an prochain, lorsque les travaux de démolition de la porcherie seront en cours. Objectif final : des travaux de construction en 2021 et une inauguration en 2023.
Longtemps oublié des historiens et des autorités publiques, l’Holocauste des Roms bénéficie aujourd’hui d’une certaine reconnaissance, même tardive. Selon les estimations des historiens, les nazis ont été responsables de l'assassinat de 90% des Roms de Bohême et de Moravie.