De verre et d’acier : l’architecte Eva Jiřičná fête ses 80 ans
Dans une profession longtemps considérée comme le pré carré des hommes, l’architecte tchéco-britannique Eva Jiřičná a réussi à se faire une place, au même titre que quelques-unes de ces pionnières dont l’Irakienne Zaha Hadid est un autre exemple fameux. Le 3 mars, Eva Jiřičná a fêté ses 80 ans, l’occasion de revenir sur sa carrière.
Avec humilité, Eva Jiřičná s’était penchée, il y a deux ans de cela, pour la Radio tchèque, sur sa façon d’envisager sa vie et sa carrière. Pourtant, l’architecte britannique d’origine tchèque peut se targuer d’avoir derrière elle une longue liste de bâtiments et de projets ambitieux, en Grande-Bretagne mais aussi dans son pays d’origine : une grande serre moderne près du Fossé aux cerfs au Château de Prague, les espaces intérieurs de la Maison dansante dans la capitale tchèque ou encore le Palais des Congrès de sa ville natale, Zlín, pour ne citer que quelques exemples.
L’alliance de l’acier et du verre, deux matériaux omniprésents, est une des caractéristiques de ses ouvrages, comme le détaille Zdeněk Lukeš, historien de l’architecture :
« Eva s’est rapprochée de ce style high-tech pendant une formation dans le cabinet d’un des plus grands architectes au monde : Richard Rogers qui est par ailleurs co-auteur du Centre Pompidou à Paris et qui a réalisé de nombreux ouvrages à travers le monde. »
Née en 1939 à Zlín, la ville des chaussures Baťa représentative de l’architecture fonctionnelle, Eva Jiřičná a toutefois grandi à Prague où elle a fait ses études. Alors qu’elle est en stage à Londres en 1968, les autorités tchécoslovaques lui interdisent de revenir après l’invasion du pays par les troupes soviétiques. C’est donc en Grande-Bretagne que se déroulera l’essentiel de sa carrière, où elle réalisera plus tard de grands projets, comme notamment le terminal pour autobus de Canada Water à Londres. Son nom est lié un temps à celui d’un autre architecte tchèque de renom qui a également fait carrière en Grande-Bretagne : Jan Kaplický, auteur du projet avorté de la Bibliothèque nationale sur la colline de Letná, dont elle a été la compagne pendant dix ans.Designer tout autant qu’architecte, Eva Jiřičná réalise également les projets d’aménagement intérieur de nombreuses boutiques, comme le rappelle Zdeněk Lukeš :
« Elle a trouvé des clients chez les propriétaires de boutiques de mode qui cherchaient à avoir quelque chose de spécial, de différent de ce qui se faisait. Elle est vraiment devenue maîtresse en la matière, avec notamment ses fameux escaliers qui l’ont rendue célèbre. »
Symboles de son travail, les escaliers d’Eva Jiřičná, conçus le plus souvent en spirale, sont aériens, presque vertigineux, jouant sur les effets de transparence et de lumière. Une vraie prouesse technique et surtout esthétique qui inscrit son œuvre dans la lignée de réalisations similaires qui ont marqué l’histoire, comme le fameux escalier à double révolution du château de Chambord.« Ce que j’aime dans son travail, c’est qu’au premier abord cela semble très technique, mais en réalité il y a beaucoup de fantaisie voire un côté romantique. A priori, c’est quelque chose de contradictoire, mais pas chez Eva. De ses ouvrages émane une étrange fragilité. »
A noter que du 22 mars au 12 août, le Centre d’art contemporain DOX propose une exposition rétrospective du travail d’Eva Jiřičná, à l’occasion de son 80e anniversaire.