Erasmus + : la République tchèque reste un pays exotique pour les jeunes Français
A la Maison de l’Europe, située au centre de Nîmes, ville jumelée avec Prague, Michael Stange forme des jeunes qui s’apprêtent à partir à l’étranger, dans le cadre du programme européen d'échanges universitaires Erasmus lancé il y a un peu plus de trente ans. Les Français sont-ils nombreux à entreprendre cette aventure ? Sont-ils intéressés par la République tchèque et les pays d’Europe centrale en général ? Autant de questions que nous avons posées au directeur de la Maison de l'Europe tout en évoquant la riche histoire qui lie Nîmes à la ville de Prague et qui est rappelée notamment par un Parcours tchèque dans les rues de la belle ville romaine du sud de la France.
Michael Stange, vous êtes originaire de l’ancienne RDA. Comment vous vous êtes retrouvé en France ?
« Je suis venu en France grâce au programme Erasmus. En Allemagne de l’Est, nous apprenions le russe et l’anglais. Après la chute du mur de Berlin, nous avions l’occasion d’apprendre des langues occidentales, notamment l’italien et le français. Lorsque l’ai étudié le français à l’Université de Leipzig, on m’a proposé, à la fin des années 1990, un échange Erasmus. En 2000, je suis parti pour un an à Paris. Je suis tombé sous le charme de ce pays, de sa culture. Ce séjour m’a tellement plu qu’il est devenu inimaginable pour moi de retourner en Allemagne. Je voulais construire ma vie en France. »Partagez-vous cette expérience avec les jeunes Nîmois ?
« Tout à fait, c’est notre tâche à la Maison de l’Europe au sein de laquelle nous choisissons nos collaborateurs en fonction de leurs expériences européennes. Mon travail consiste à éveiller l’intérêt des jeunes pour l’Europe et à les inciter à saisir des opportunités qui se présentent à eux. J’ai l’impression que beaucoup de jeunes ignorent ces multiples possibilités d’échange entre les différents pays. J’estime que partir à l’étranger, s’ouvrir à de nouveaux horizons, est une expérience particulièrement enrichissante et indispensable dans notre univers de plus en plus mondialisé. Ce matin, j’ai reçu un groupe de jeunes apprentis qui s’apprêtent à partir en stage Erasmus en Roumanie. Je leur ai dit qu’il fallait rester ouvert à toute expérience, sans préavis et préjugés. Pour ma part, je me souviens encore qu’avant de partir en stage Erasmus à Paris, j’étais persuadé que j’allais retourner en Allemagne, c’était une évidence pour moi. Maintenant, je vois comment la personnalité et la vision des choses d’un jeune adulte peuvent évoluer en l’espace d’un an. »Un million de bébés Erasmus
Toutefois, l’objectif de ces stages n’est pas que les jeunes restent à l’étranger…
« Bien sûr que non. Néanmoins, les statistiques démontrent qu’un nombre important de jeunes poursuivent leur expérience d’une vie à l’étranger. Nous l’avons constaté aussi à la Maison de l’Europe qui est une structure de coordination, d’accueil et d’envoi des jeunes en Service Volontaire Européen. Sur les neuf jeunes personnes que nous avons accueillies l’année dernière, provenant de Turquie, d’Espagne, de République tchèque et d’autres pays encore, quatre ont choisi de rester en France, pour poursuivre leurs études, effectuer un service civique etc. Enfin, les jeunes qui partent en stage à l’étranger sont aussi nombreux à y trouver leur compagnon de vie. Les statistiques, bien qu’approximatives, font état d’environ un million d’enfants qui seraient nés grâce au programme européen d'échanges universitaires Erasmus. On les appelle ‘les futurs ambassadeurs de l’Europe’. Les 12 et 13 octobre, à l’occasion des ‘Erasmus Days’, nous accueillerons une exposition sur ces ‘bébés Erasmus’ à la Maison de l’Europe. »Les jeunes Français partent-ils volontiers en Erasmus ?
« Bien sûr, mais nous observons des différences régionales. Le Nord et le Nord-Est de la France, qui bénéficient d’une coopération transfrontalière avec la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne, sont très actifs dans les projets de mobilité. Dans le Sud de la France et encore davantage dans le Massif central, l’intérêt pour les séjours Erasmus + est plus faible. Ici, dans le département du Gard, nous enregistrons un nombre inférieur de départs comparé aux autres départements. Toutefois, les statistiques démontrent que dans leur ensemble, les Français sont assez mobiles. »
Partir en stage professionnel à Prague
Les étudiants français sont-ils intéressés par la République tchèque et les pays d’Europe centrale et orientale ?
« Je n’ai pas remarqué un intérêt particulier pour la République tchèque. Ceux qui souhaitent partir à l’étranger sont plutôt attirés par l’Europe occidentale, très occidentale : le Royaume-Uni, l’Espagne, pour des raisons linguistiques. C’est aussi notre mission à la Maison de l’Europe de leur proposer des destinations un peu plus ‘exotiques’ de leur point de vue, par exemple la République tchèque. Lorsque nous leurs présentons ces destinations, cela les intéresse fortement. Quand ils apprennent que Nîmes est jumelée avec Prague, que le Lycée Alphonse Daudet accueille chaque année douze élèves tchèques, que l’on peut trouver à Nîmes le Boulevard de Prague ou la statue d’Ernest Denis (historien nîmois qui a participé à la fondation de la Tchécoslovaquie en 1918, ndlr), cela éveille leur curiosité. »Par ailleurs, vous envoyez chaque année de jeunes Nîmois en stages professionnels dans différents pays européens, dont la République tchèque…
« Depuis le lancement du programme Erasmus +, les stages ne sont plus réservés aux étudiants. Le nouveau projet, lancé en 2016, s’intitule ‘Euro-formation, la mobilité accessible à tous’. Nous avons créé un groupe de travail avec des centres de formation en France, des lycées professionnels et des missions locales qui sont des structures destinées aux jeunes gens en difficultés, sans formation et sans emploi. Nous disposons de trente bourses en République tchèque, en Italie, en Espagne, en Allemagne et en Pologne. Dans chaque pays, nous sommes en contact avec une structure qui organise des stages. Chaque année, souvent pendant la période février-mai, quatre jeunes Nîmois effectuent des stages professionnels dans des entreprises pragoises. En 2017, quatre élèves du Lycée professionnel Jules Raimu ont effectué des stages dans la capitale tchèque, dans les secteurs IT et audio-visuel. »Un chêne tchèque dans les Jardins de la Fontaine
Grâce à un Parcours tchèque, les visiteurs de Nîmes peuvent découvrir la ville d’une manière ludique et peu habituelle. De quoi s’agit-il ?
« La Maison de l’Europe est une structure grand public. Nous avons voulu présenter la République tchèque aussi aux gens qui n'en savent rien sur le jumelage historique entre Nîmes et Prague. L’idée de créer un parcours, un jeu de piste, est venue d’une jeune volontaire tchèque que nous avions accueillie il y a quelques années à la Maison de l’Europe. Nous avons identifié les différents sites liés à la République tchèque et nous avons mis en place un joli parcours, avec une plaquette. Les participants sont invités à répondre à quinze questions indiquées dans une brochure. Pour chaque question, il existe un indice à trouver en ville qui les aide à répondre. Nous avons édité 2 000 exemplaires de la brochure. Chaque année, à l’occasion de la Journée de l’Europe, célébrée le 9 mai, nous allons à la découverte de ce patrimoine tchèque avec une centaine d’écoliers nîmois. »Il existe donc la statue d’Ernest Denis située place d’Assas, le Lycée Alphonse Daudet qui accueille des élèves tchèques et qui se trouve juste à côté des Arènes de Nîmes… Peut-on trouver un autre lieu « tchèque » à Nîmes ?
« A l’occasion du 90e anniversaire de l’accueil des élèves tchèques à Nîmes, un chêne a été offert en 2011 par la République tchèque à la ville de Nîmes. Ce chêne a été planté dans les Jardins de la Fontaine. Il marque la fin de ce parcours qui commence aux Arènes. »