Un an après l’entrée à vigueur de la loi anti-tabac, où en est-on ?
Il y a un an entrait en vigueur la loi anti-tabac en République tchèque. Alors qu’une proposition de loi demandant son assouplissement vient d’être rejetée en première lecture à la Chambre des députés, revenons aujourd’hui sur cette loi et ce qu’elle changé dans les habitudes des gens, des fumeurs notamment, dans le pays.
Avec sa loi anti-tabac entrée en vigueur en 2017 seulement et en devenant le 23e pays européen à introduire cette interdiction de fumer dans les bars et restaurants, la République tchèque faisait un peu office de mauvais élève. Et quand le président tchèque lui-même, gros consommateur de cigarettes, assortissait la signature de la loi d’un commentaire réprobateur – « une absurdité absolue » selon ses propres mots -, on pouvait aisément imaginer que la pilule aurait du mal à passer.
Et pourtant… un an après, les habitudes semblent avoir été prises. Selon un sondage récent, réalisé par la Faculté des sciences sociales de l’Université Charles en coopération avec l’agence Ipsos, 71 % des Tchèques soutiennent l’interdiction de fumer dans les restaurants, le reste du panel y étant opposé. Une position qui correspond à une tendance de fond depuis plus longtemps, puisque deux ans avant l’entrée en vigueur de la loi déjà, un sondage faisait état d’un total de 78 % de personnes favorables à cette interdiction.
Cette proscription généralisée a d’ailleurs eu un effet boomerang. Depuis 2005, il était déjà interdit de fumer dans certains lieux publics, comme par exemple aux arrêts de bus ou de tramways en plein air. Depuis un an, les autorités ont infligé moitié moins d’amendes que par le passé, comme le relève Irena Seifertová, de la direction de la police municipale de Prague :
« En 2016, les agents de police ont enregistré 15 246 infractions liées à la consommation de tabac dans des lieux où fumer est interdit. En 2017, on n’en dénombre que 9 143. »
Comme ailleurs en Europe, où des lois similaires ont été adoptées, une des craintes exprimées et un des arguments brandis par les opposants, étaient le supposé manque-à-gagner que l’interdiction pourrait causer aux établissements de restauration et débits de boisson. Là encore, le sondage de l’Université Charles montre que seuls 21 % des exploitants souffrent de l’interdiction de fumer.
Pourtant des voix discordantes continuent de se faire entendre. Mardi, une proposition de loi visant à assouplir la loi anti-tabac a été rejetée par 91 députés sur 171, 68 d’entre eux soutenant un projet qui transcende les partis politiques : si certaines formations sont plus favorables que d’autres à un maintien de la loi anti-tabac, ses opposants se retrouvent plus ou moins dans tous les groupes parlementaires. Mais pour le ministre de la Santé, Adam Vojtěch (ANO), la cause est entendue, les douze mois écoulés sont une période trop courte pour évaluer correctement les conséquences directes de la loi :« Les arguments en faveur du maintien de cette loi sont bien plus nombreux et valables que ceux des personnes qui se plaignent par exemple qu’il y a des mégots devant les bars… Regardons à l’étranger, par exemple en Angleterre. Regardons quelles sont les conséquences là-bas, après dix ans depuis l’entrée en vigueur d’une interdiction similaire. Le nombre de fumeurs chez les jeunes de 16 à 23 ans a chuté de 26 à 17 %. Chez les personnes de plus de 35 ans, le nombre de décès dus à des maladies cardio-vasculaires liées à la consommation de tabac a diminué d’un cinquième. »
En avril dernier déjà, l’Institut national des informations et statistiques relatives au secteur de la santé (ÚZIS) évoquait déjà de possibles effets positifs sur la santé de la population tchèque, moins d’un an après l’entrée en vigueur de la loi (http://radio.cz/fr/rubrique/faits/deja-des-effets-positifs-a-la-loi-antitabac).
A terme, difficile en tout cas d’imaginer que des arguments invoquant la liberté d’entreprise, le tapage nocturne lié aux personnes fumant dans la rue ou tout simplement la liberté individuelle des fumeurs, puissent l’emporter sur une question majeure de santé publique.