Notre Père qui es aux Cieux... Les Tchèques ne connaissent pas
Les Tchèques, qui sont généralement étiquetés comme un peuple athée, savent-ils réciter la première prière des chrétiens et ont-ils noté sa nouvelle version proposée par le pape François ? C’est là, alors que se profilent les fêtes de Noël, une question à laquelle nous répondrons dans cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée. Ce passage en revue du contenu des principaux journaux et magazines nous permettra également d’analyser les tendances qui ont prédominé tout au long de l’année 2017 en Europe en les confrontant à celles du monde anglo-saxon. Nous nous intéresserons aussi à l’attrait de l’enseignement supérieur tchèque pour les ressortissants étrangers ou encore aux émotions qui, en Tchéquie, accompagnent les débats concernant le repas du Réveillon.
L’enquête a été effectuée afin de sonder ce que pense l’opinion publique de la modification de la sixième demande de la prière récemment entrée en vigueur conformément au vœu du pape. Celle-ci stipule qu’au lieu de « ne nous soumets pas à la tentation », les croyants doivent désormais dire « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Il apparaît évident que pour les personnes interrogées, cette modification ne constitue qu’une question marginale. En ce qui concerne les réactions au sein des cercles religieux tchèques, Lidové noviny observe qu’elles sont majoritairement positives. Mais le vrai débat sur le sujet est encore à attendre. Dans un texte publié dans les pages du journal, un théologien universitaire remarque à ce propos :
« Le pape ne s’est pas exprimé en faveur d’une véritable modification de la prière. Il a seulement critiqué une partie de sa traduction italienne... Ses paroles exprimant le besoin d’une meilleure traduction peuvent sembler audacieuses, mais elles ne constituent pas une nouveauté, car elles sont conformes aux textes bibliques et aux avis partagés par les théologiens et les documents religieux. Il existe d’ailleurs d’autres initiatives allant dans ce sens, comme celles au sein de l’Eglise évangélique des Frères tchèques qui a récemment donné son aval à certaines légères modifications de la prière ainsi que du Credo ».
Lidové noviny cite aussi le primas tchèque, le cardinal Dominik Duka, selon lequel les propos du Pontif romain sont justes et compréhensibles.
L’Europe occidentale face au monde anglo-saxon
« Le monde occidental est divisé. Pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, un fossé s’est clairement creusé entre l’Europe occidentale et le monde anglo-saxon. » Voilà ce que l’on pouvait lire en introduction d’un texte publié dans le dernier numéro de l’hebdomadaire Respekt, un texte dans lequel l’auteur analyse les événements survenus ces douze derniers mois avant de parvenir à cette conclusion. A la lumière de l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis et du Brexit décidé par les Britanniques, l’auteur observe :« Ces deux événements ont un dénominateur commun, à savoir que ce sont les populistes qui ont gagné les duels clés dans les pays anglo-saxons. C’est là le contraire de ce qui s’est passé en Europe, ou du moins dans sa partie occidentale. La montée en puissance et l’influence grandissante des radicaux se manifestent certes aussi en Europe, mais ces forces n’ont jusqu’à présent encore jamais obtenu la suprématie. Il convient de constater que l’Europe occidentale s’en est bien tirée cette année, car les craintes de voir le continent envahi par une vague victorieuse des partis antisystèmes sont restées du domaine de la théorie. Vu sous cet angle, l’Europe occidentale émerge du chaos des mois écoulés comme un bastion de la démocratie libérale traditionnelle. Elle a par ailleurs surmonté la crise économique, tandis que les perspectives de la zone euro sont plus optimistes que jamais. »
Ces différents constats conduisent l’auteur du texte à souligner que l’Europe occidentale, qui a finalement agréablement surpris cette année, se transforme en un véritable îlot en Occident. L’heure reste pourtant toujours, selon lui, à un optimisme très prudent :
« L’Europe occidentale, elle non plus, n’est pas assez forte pour résister aux influences néfastes. Certes, les populistes n’ont pas gravi le sommet, mais ils restent suffisamment forts pour désagréger les bases des pays européens. Certaines victoires sur les radicaux n’ont été remportées que parce que les partis traditionnels ont, dans une certaine mesure, adopté un discours populiste. »
L’attrait de l’enseignement supérieur tchèque pour les étrangers
En 2017, quelque 43 000 jeunes étrangers, parmi lesquels la moitié sont des Slovaques, ont choisi la République tchèque pour poursuivre leurs études supérieures. Les universités et les écoles supérieures tchèques accueillent également un grand nombre de Russes, Ukrainiens et Kazakhs. Au total, les étrangers représentent près de 14 % de l’ensemble des étudiants de l’enseignement supérieur. Le quotidien économique Hospodářské noviny rapporte a à ce sujet :« Le nombre de ressortissants des Républiques postsoviétiques qui souhaitent étudier en Tchéquie, parmi lesquels les filles sont majoritaires, augmente d’année en année. Selon l’Office des statistiques, leur total représente désormais un quart des étudiants étrangers inscrits dans les écoles supérieures publiques et privées. En revanche, l’intérêt des jeunes Slovaques tend à baisser. Dans les écoles publiques, qui sont les plus sollicitées, les études sont gratuites pour ceux qui maîtrisent le tchèque, ce qui leur permet ainsi de bénéficier de conditions identiques à celles des étudiants tchèques. Inversement, étudier dans une langue étrangère et dans les écoles privées fait l’objet de frais de scolarité. »
Le journal rappelle également que les diplômés de l’enseignement supérieur tchèque originaires d’un pays tiers de l’Union européenne peuvent travailler en Tchéquie sans avoir besoin de permis.
La salade de pommes de terre soulève des émotions
La carpe panée accompagnée d’une salade de pommes de terre est le plat traditionnel dans les foyers tchèques pour le réveillon de Noël. C’est même là, et ce depuis très longtemps, un des symboles du Noël tchèque. Le supplément magazine du quotidien Mladá fronta Dnes a évoqué les émotions qui accompagnent les discussions relatives aux préparatifs de cette fameuse salade, chaque famille ayant sa propre recette ; une recette qui non seulement se transmet de génération en génération, mais est bien entendu meilleure que toutes les autres. Il existe même un championnat national de préparation de cette salade traditionnelle qui se tient chaque année à Měřín, commune située dans la région de Vysočina. Le magazine cite à ce propos celui qui a remporté ce championnat à cinq reprises. Technicien des services vétérinaires au quotidien, Martin Pánek explique:« Tout le monde est persuadé de posséder la meilleure recette. Me concernant, je ne discute de cela avec personne car je pense naturellement moi aussi que je suis le meilleur. La compétition dont je suis sorti cinq fois vainqueur accueille des adeptes en provenance des quatre coins du pays et chacun d’entre eux a sa propre recette. L’année dernière, j’ai préféré être membre du jury pour laisser une chance aux autres. Mais gagnant ou perdant, l’important est que tout le monde s’amuse ».
La version classique de la salade de pommes de terre peut-elle faire l’objet d’expérimentations et, si oui, ne s’agit-il pas alors d’un sacrilège culinaire ? Une question à laquelle il est bien difficile de répondre, comme en témoignent les débats qui s’animent sur les réseaux sociaux à l’approche de Noël. Et qui, comme l’observe le Magazine Dnes, sont parfois très enflammés.