La Tchéquie, destination des étudiants étrangers en quête d’études « de qualité et abordables »
Depuis vingt ans, le nombre d’étudiants étrangers qui fréquentent les universités tchèques n’a cessé d’augmenter : en 2022, ils représentaient ainsi 18 % des 304 500 étudiants du pays, une tendance en hausse constante que la pandémie de Covid-19 et la fermeture des frontières n’ont ni ralentie ni stoppée. Attractive pour les étudiants originaires de pays de langue slave que ne freine pas la barrière linguistique, la Tchéquie l’est aussi pour ceux d’autres pays qui viennent y chercher des études de haut niveau, à un coût moindre que dans certains pays occidentaux, ainsi qu’une certaine qualité de vie quotidienne. Près de la moitié d’entre eux décident d’ailleurs de rester travailler en Tchéquie après leurs études. Pour en parler, Radio Prague Int. a interrogé Michal Uhl, directeur de l’Agence nationale tchèque pour l’internationalisation de l’éducation et la recherche (DZS) qui chapeaute ces programmes universitaires.
Michal Uhl, l’Agence nationale tchèque pour l’internationalisation de l’éducation et la recherche s’intéresse depuis plus de vingt ans à la coopération internationale dans le domaine des études, aux différents programmes d’échanges comme Erasmus+ et autres, mais aussi aux étudiants étrangers en République tchèque. Vous avez récemment publié une vaste étude sur les raisons qui les ont poussés à choisir la Tchéquie comme destination d’études et sur leur perception du processus d’études. Comment est née l’idée de cette étude et dans quel but ?
« En réalité, l’origine de l’agence remonte même jusqu’aux années 1960. Elle a été fondée par l’Etat tchécoslovaque pour développer les échanges pendant la période communiste. L’agence a évolué et en 1998, elle a acquis le programme Erasmus. Cette année nous fêtons les 20 ans de la Tchéquie dans l’UE, mais Erasmus fonctionne dans le pays déjà depuis 1999. Le programme d’‘incoming’, visant à attirer ici les étudiants internationaux, a été lancé il y a 7-8 ans. C’est un programme important car nous voyons l’évolution démographique en Tchéquie où le nombre de décès est plus important que celui de naissances. Il faut donc avoir une stratégie d’immigration particulière. Et comme nous sommes une économie tournée vers l’export et que nous avons de bonnes universités, la Tchéquie s’oriente vers les étudiants : on veut avoir des étudiants étrangers parce que cela aide à la qualité des universités tchèques et ça aide aussi la société elle-même. Or cette étude nous aide à avoir des informations sur ce qui se passe sur le terrain : c’était le but de l’étude, savoir ce qui se passe avec ces étudiants, quelle est la perception de la Tchéquie, quelles étaient leurs motivations pour choisir ce pays comme destination, quelles sont les futures trajectoires de ces étudiants. »
Erasmus, phénomène le plus important pour la jeune génération
Depuis l’entrée de la Tchéquie dans l’Union européenne, dont on célèbre cette année les 20 ans, le nombre de jeunes ressortissants étrangers qui veulent étudier en Tchéquie n’a cessé d’augmenter. Quelle est cette évolution en chiffres ?
« Il y a une différence entre les étudiants qui viennent faire l’ensemble de leurs études en Tchéquie, au niveau Bac +3 ou Bac +5 et ceux qui viennent faire un échange. Le programme typique pour les échanges, c’est Erasmus, avec par exemple un étudiant de Paris qui va passer six mois à l’Université Masaryk de Brno, avant de revenir à la Sorbonne. Le nombre d’échanges est très lié au budget d’Erasmus qui augmente chaque année. Erasmus est un programme iconique. Si on demande aux gens ce que l’Europe leur a apporté, ils répondent en général : Schengen, l’itinérance des données (ou roaming) et Erasmus. C’est l’un des phénomènes les plus importants à avoir influencé la jeune génération. Les chiffres d’Erasmus le montrent. Un tiers de la population des jeunes en Tchéquie a bénéficié d’Erasmus et on est ces dernières années à un quart, au niveau de la population européenne. C’est beaucoup, cela a un impact, notamment sur les valeurs de la jeune génération : partir visiter et vivre ailleurs en Europe, cela change les perceptions. On ne peut pas avoir un sentiment positif vis-à-vis de l’Europe si on ne comprend pas ce qu’est l’Europe. Et on ne peut pas comprendre l’Europe si on ne l’a pas vécue. Pour ceux qui viennent faire un programme d’études complet en Tchéquie, leur nombre augmente chaque année depuis 20 ans : en 2000, on avait ainsi 3 % d’étudiants étrangers, aujourd’hui, c’est 18 %. On a plus de 55 000 étudiants étrangers en Tchéquie, un chiffre important, et exceptionnel si on le compare à d’autres pays européens. »
La Slovaquie voisine est traditionnellement un des plus gros pourvoyeurs de contingents d’étudiants. Hormis la Slovaquie, d’où viennent majoritairement ces étudiants étrangers ?
« Les Slovaques sont en effet le groupe le plus important en termes de nombre : 40 % des étudiants étrangers sont slovaques. Il n’y a pas de barrière linguistique. Mais sinon, actuellement, le plus grand nombre d’étudiants étrangers, ce sont les Ukrainiens. Cela a été beaucoup influencé par la guerre. Avant, l’Ukraine était troisième, et la Russie deuxième. Désormais, les deux pays ont échangé leurs places. Il y a eu une grosse augmentation du nombre d’étudiants ukrainiens parce que nombre d’entre eux vivent désormais en Tchéquie, sont intégrés, entrent dans le système universitaire. On a aujourd’hui près de 7 000 étudiants ukrainiens. Les Russes sont 6 000. Puis, on a 3 000 étudiants kazakhs, près de 2 000 étudiants indiens, suivis par ceux originaires de Biélorussie, d’Italie, d’Allemagne et de Chine. »
Des études en tchèque gratuites
En vingt ans, peut-on observer une évolution de la qualité et la diversité des programmes d’études des universités tchèques ? Quels types de cursus attirent les étudiants étrangers et pourquoi ?
« Au début des années 1990, il y avait eu une discussion pour savoir s’il fallait impliquer les universités régionales. Finalement cela a été le cas, et je pense que cela a beaucoup aidé à l’évolution positive des régions. De ce fait, la qualité des universités régionales a beaucoup augmenté. L’étude dit que les étudiants étrangers choisissent la Tchéquie parce que la qualité des études y est à niveau exceptionnel. La qualité a vraiment beaucoup changé en vingt ans. On le constate aussi dans les classements internationaux : une dizaine d’universités tchèques se trouve désormais dans le TOP 1000 des meilleures universités au monde. »
Quels types de filières les attirent en Tchéquie ? Plutôt les sciences dures ou les sciences humaines ?
« On peut rappeler que deux options se présentent à eux : la possibilité d’étudier en tchèque et celle d’étudier en anglais. 70 % des étudiants étrangers étudient en tchèque. Ce sont beaucoup les Slovaques, mais aussi les étudiants originaires des pays de l’ex-URSS. Le fait de parler déjà une langue slave aide aussi à choisir la Tchéquie comme destination d’études, à la fois pour la proximité et la facilité à apprendre la langue tchèque. Ainsi des étudiants qui arrivent d’Ukraine ou du Kazakhstan sont capables d’apprendre le tchèque en un an. Leur niveau est suffisant pour ensuite pouvoir étudier à l’université en tchèque. Pourquoi en tchèque ? Parce que les études en tchèque sont gratuites, même pour les ressortissants étrangers hors UE. C’est quelque chose qui est très intéressant pour eux, de même que la qualité des études dispensées en tchèque qui sont gratuites. 30 % des étudiants étrangers étudient en anglais : là, on voit trois cursus importants, la médecine suivie par des jeunes venus des Etats-Unis, d’Asie, du monde entier, ensuite l’économie et enfin l’ingénierie, donc des études plus techniques. »
L’éternel problème des visas
Selon leur pays d’origine, UE ou hors UE, le processus d’arrivée de ces étudiants et leur expérience d’arrivée peut s’avérer différente : certains ont besoin de visas, d’autres non. Qu’est-ce qui ressort à cet égard de votre étude ? Eprouvent-ils des difficultés au niveau administratif notamment ?
« 52 % des étudiants viennent de pays hors UE donc ils ont besoin de visas. Pour tous les autres qui n’ont pas besoin de visas, c’est très facile d’étudier en Tchéquie, c’est de la mobilité domestique. La mobilité internationale, hors UE, est compliquée car obtenir son visa est vraiment une question de temps. Cela peut prendre des mois. Notre étude montre que les étudiants éprouvent des difficultés à les obtenir, souvent ils ne peuvent pas commencer leur semestre en octobre, faute de visa obtenu à temps, et n’arrivent qu’en novembre. Et puis certains étudiants ne l’obtiennent finalement pas du tout. En tout cas, les visas sont le plus grand problème au niveau de la mobilité en Tchéquie parce que la politique de l’Etat est d’avoir un contrôle sur les entrants. Donc le processus prend du temps. Il est bien de communiquer avec l’ambassade tchèque concernée bien en avance et d’avoir tous ses documents à jour. »
Quelles sont les principales motivations évoquées par ces étudiants dans leur choix de la Tchéquie, par rapport à un autre pays ?
« On sait qu’il y a des étudiants qui choisissent la Grande Bretagne ou les Etats-Unis mais souvent, les étudiants issus de la classe moyenne n’ont pas les moyens pour suivre leurs études dans des universités très prestigieuses et très chères. Souvent, l’Europe centrale est donc soit le second choix, soit le premier choix de la classe moyenne parce qu’ils savent qu’ils veulent un équilibre entre la qualité de l’enseignement dispensé et son financement. L’étude montre que la Tchéquie est pour eux un ‘choix intelligent’ : des études de qualité pour un montant correct. Souvent les études aux Etats-Unis ou en Europe de l’Ouest s’avèrent très onéreuses pour beaucoup de gens. Les études en Tchéquie, même si on doit payer pour le cursus en anglais, restent dans tous les cas plus avantageuses financièrement. Des études de médecine en Tchéquie vous coûteront 10 000 à 12 000 euros par an, mais aux Etats-Unis, ce sera dix fois plus. Or la qualité des études de médecine en Tchéquie est aussi une des meilleures au monde, voire elles peuvent être meilleures que dans certains pays occidentaux. »
Le « bouche à oreille » comme moteur de la mobilité
L’expérience d’un étudiant peut varier selon ses conditions de vie matérielle, bonnes ou mauvaises. Quel est leur retour sur la qualité de vie de ces étudiants étrangers en Tchéquie ?
« Ils en parlent en effet. Beaucoup d’étudiants apprécient des plus petites villes, comme Zlín, Olomouc, Ostrava, Brno, Liberec, Pardubice etc. Donc pas seulement Prague. Ce sont de belles villes avec de très bonnes universités, plus petites, l’atmosphère est plus intimiste, mais la qualité de vie va de pair. La vie y est également moins chère, quelque chose qui compte. Prague est très belle, mais aussi plus chère. Ces universités sont des centres d’intelligence des petites villes et c’est donc intéressant d’aller faire ses études à Liberec, Olomouc ou Zlín. »
Dans quelle mesure le « bouche à oreille » a-t-il joué selon vous dans le succès de la Tchéquie comme lieu d’études pour les étudiants étrangers ?
« Oui, les chiffres le montrent d’ailleurs. Il est très important d’avoir une émotion positive après les études parce que la meilleure publicité sont les alumni qui passent le témoin, qui parlent de l’expérience formatrice qu’ils ont vécue en Tchéquie. Le marketing, c’est une partie, mais le bouche à oreille c’est le plus important. »
Peut-on dire que d’une certaine façon, c’est un gain mutuel : si les étudiants étrangers ont apprécié leur séjour universitaire et leur vie en Tchéquie, leur expérience ici peut, en retour, bénéficier à la Tchéquie ? Et à leur pays d’origine ?
« Bien sûr. On sait qu’il y a des étudiants qui restent en Tchéquie. C’est le cas de la moitié des étudiants internationaux : c’est bien pour la démographie, pour les impôts et pour le marché du travail, ainsi que pour les entreprises tchèques. On sait qu’on a un problème de formation en Tchéquie, de même que nous avons le taux de chômage le plus faible en Europe, avec une pénurie de main d’œuvre. Donc on est ravis que les gens restent et travaillent. Mais aussi quand les gens repartent car cela crée une relation entre les pays : les alumni peuvent rentrer chez eux ou alors aller travailler dans un troisième pays, et surtout, ils ont une relation positive à vie avec la Tchéquie. On peut travailler avec eux. S’ils travaillent dans les affaires, on peut faire du business avec eux, si c’est dans le domaine de la culture, ils entretiennent aussi leur lien avec la Tchéquie. Cela crée des ponts entre la Tchéquie et d’autres pays, cela fait partie de notre diplomatie culturelle. C’est aussi important. Il vraiment faut travailler avec les étudiants étrangers qui rentrent chez eux pour créer et entretenir ces ponts. »
En relation
-
Les 5 meilleures universités de Tchéquie
Pourquoi partir étudier en Tchéquie ? Quelle est la qualité de l'enseignement ? La nouvelle série de RPI apporte quelques réponses.