Les sociaux-démocrates envisagent de tolérer eux aussi le gouvernement minoritaire d’Andrej Babiš
La République tchèque possède un nouveau gouvernement depuis ce mercredi. Près de deux mois après la tenue des élections législatives, le président de la République, Miloš Zeman, a nommé l’équipe composée de quatorze ministres - parmi lesquels quatre femmes - formée par Andrej Babiš. Pour le leader du mouvement ANO, qui représentera la République tchèque pour la première fois en qualité de chef du gouvernement lors du Conseil européen à Bruxelles ces jeudi et vendredi, la prochaine étape de son grand projet visant à pouvoir « diriger le pays comme une entreprise » consistera désormais à obtenir la confiance des députés.
« Nous devons gouverner. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que le Parlement nous accorde sa confiance ou que les autres partis se décident à nous rejoindre au gouvernement. Ce n’est pas possible. Nous nous mettrons au travail dès ce mercredi, les nouveaux ministres auront jusqu’à 10 heures ce soir pour prendre leur poste et s’installer dans leurs nouvelles fonctions. »
Pour l’heure, peu importe donc que les huit autres partis représentés à la Chambre basse du Parlement aient tous refusé de s’allier à lui et à son mouvement ANO pour former une coalition viable. Andrej Babiš ne s’est pas embarrassé d’états d’âme et a formé un gouvernement minoritaire dans lequel deux portefeuilles ont été supprimés par rapport au précédent cabinet qui était dirigé par le social-démocrate Bohuslav Sobotka. Un gouvernement minoritaire que seuls les communistes, voire peut-être le SPD à l’autre extrémité de l’échiquier politique tchèque, seraient prêts à « tolérer » à certaines conditions en s’abstenant de voter. Andrej Babiš en est toutefois convaincu, du moins l’affirme-t-il : les priorités de son gouvernement, dont il cite quelques exemples, devraient faire l’unanimité, et ce quelles que soient les tendances et orientations des partis.
« Nous voulons réformer le système de retraites. Cela fait vingt-cinq ans que tout le monde en parle et que personne n’a jamais rien fait. Nous aurons aussi un chargé d’affaires pour les technologies de l’information et la numérisation, une autre chose que tout le monde a promise avant les élections. Nous voulons nous inspirer du modèle estonien, le but étant que dans un proche avenir les Tchèques et les entreprises puissent régler toutes leurs démarches administratives par voie informatique. »Nommé ce mercredi par le chef de l’Etat Miloš Zeman, le gouvernement dispose de trente jours pour solliciter la confiance des députés, une échéance programmée le 9 janvier prochain. Toutefois, les Pirates, comme les sociaux-démocrates, les chrétiens-démocrates ou encore l’ensemble des partis de droite, ont déjà fait savoir qu’ils étaient opposés à la poursuite de ce cabinet au sein duquel cohabitent ministres ANO majoritaires et « experts » sans appartenance politique, selon les dires d’Andrej Babiš. Président du groupe des députés du parti conservateur ODS, Zbyněk Stanjura explique la position de ses troupes avant ce vote de confiance :
« Nous pensons que la première solution qui doit être envisagée lors des négociations post-électorales est de mettre sur pied un cabinet majoritaire. Un gouvernement minoritaire ne peut être formé qu’en dernier recours. Or, ce n’est pas le cas. Le premier gouvernement pour lequel Andrej Babiš sollicite notre confiance est un gouvernement minoritaire. Nous estimons que ce n’est pas la bonne solution et c’est la principale raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas ce cabinet. »Un premier rejet, fort probable donc, par les députés ne signifierait cependant pas nécessairement la fin de ce gouvernement minoritaire. En effet, la Constitution tchèque prévoit la possibilité d’une deuxième, voire même d’une troisième tentative pour composer un gouvernement, et le bruit court déjà dans les couloirs du Parlement que le parti social-démocrate, en pleine débandade après les élections et inquiet, paraît-il, par la perspective de voir Andrej Babiš diriger le pays avec l’appui tacite du parti nationaliste SPD, serait finalement disposé à tolérer lui aussi le cabinet ANO. Certes donc pas dans un premier temps, mais ensuite oui, et ce « dans l’intérêt de l’Etat », prétend-on parmi les têtes bien pensantes sociales-démocrates…