Le silence tchèque face au discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe
Dans cette nouvelle revue de presse, nous vous présenterons d’abord quelques réactions au discours du président français Emmanuel Macron sur l’Europe prononcé récemment à la Sorbonne. La Tchéquie veut-t-elle être « dans » ou « auprès » de l’Union européenne ? Une question soulevée dans le texte d’un économiste reconnu dont nous vous dévoilerons également les grandes lignes. Place ensuite à un extrait d’une analyse des événements qui se déroulent actuellement en Catalogne. Les priorités d’un nouveau candidat présidentiel, Pavel Fischer, et l’incertitude autour de la société tchèque Škoda Auto. Tels sont deux autres sujets qui seront également traités dans cette rubrique.
« Dans le passé, les représentants politiques tchèques avaient l’habitude de prendre une position tantôt positive tantôt négative à l’égard des questions de l’intégration européenne. Cette fois-ci, à part le silence, il n’en a rien été. Le Premier ministre Bohuslav Sobotka, le chef de la diplomatie Lubomír Zaorálek, ainsi que les autres membres du cabinet n’ont pas voulu commenter le discours de Macron pour la presse. Cela peut s’expliquer d’un côté par la campagne électorale en cours dans un pays dont les habitants ne conservent pas beaucoup de sympathie à l’égard de l’Union. D’un autre côté, le thème de l’Europe représente un sujet de discorde au sein même de certains partis concernés. »
L’auteur d’un autre article publié dans le magazine Respekt, également consacré aux initiatives du président français, estime que « le président français semble avoir donné le coup d’envoi à une nouvelle ère de l’Europe ». Evoquant les démarches qu’Emmanuel Macron a mises sur pied, dont la réforme du marché du travail, il ajoute :
« Les démarches que Macron effectue avec détermination dans son pays donnent à ses projets européens la légitimité nécessaire. Compte tenu de son ‘européanisme’ prononcé ainsi que de l’incertitude qui plane sur le futur gouvernement allemand, il se présente comme un leader de l’actuel débat européen. Placé désormais à un niveau plus élevé, ce débat ne portera plus sur l’éventualité de dislocation de l’Union à cause du Brexit ou sur la question dite migratoire, mais sur la question de savoir lesquels des projets soumis par Macron sont réalisables ou pas. »
Et l’auteur d’estimer enfin que « Macron a fait sortir l’eurooptimisme de l’underground ».
Etre dans ou auprès de l’Union européenne
Un pays qui n’est pas dans l’Union européenne mais qui se trouve auprès d’elle. C’est le titre d’un texte publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny dans lequel l’économiste Tomáš Sedláček analyse la position actuelle de la Tchéquie au sein de l’UE. Il écrit entre autre :« Si, politiquement parlant, ce pays ne se réveille pas, il sortira bientôt du train qui avance à une grande vitesse. Et pourtant, c’est une vitesse que certains pays voisins arrivent à accepter et qu’ils sont même prêts à accepter, considérant l’intégration comme une clé pour le renforcement de leur souveraineté. L’économie tchèque se porterait mieux avec l’adoption de l’euro comme l’avait fait la Slovaquie, mais le manque de volonté politique a freiné cette logique économique. On peut dire que nos décisions politiques bafouent notre bonheur économique. Presque entouré de la zone euro, notre pays n’est pas pour autant ‘dans’ mais ‘auprès de’. »
Les représentants politiques locaux font souvent croire que l’Union européenne veut opprimer la République tchèque et lui retirer sa souveraineté. L’économiste Sedláček souligne que l’Union européenne représenterait au contraire l’unique possibilité pour l’Europe d’avancer et de jouer un rôle dans le monde, ce qui serait vrai surtout pour un pays de taille moyenne comme la Tchéquie. Il salue enfin le récent discours « particulièrement significatif et audacieux » d’Emmanuel Macron et sa tentative d’imposer « une nouvelle idée de l’Europe ».
Les événements en Catalogne vus de Tchéquie
En Catalogne, « on lutte de nouveau pour Prague », car les événements liés au récent référendum sur l’indépendance peuvent provoquer une crise qui nous touchera tous. C’est ce que l’on peut lire en introduction d’une analyse consacrée à ce qui se passe actuellement en Espagne. Son auteur écrit d’abord :« Comment peut-on devenir membre de l’Union européenne, lorsqu’on ne veut pas partager le destin politique d’un autre pays membre et dont on veut se séparer ? Voilà une question que tout citoyen européen serait censé poser aux séparatistes catalans et à tous les autres séparatistes qui veulent créer au sein de l’Union de nouveaux Etats indépendants. Il s’agit d’une question qui révèle une situation paradoxale : les nationalistes d’aujourd’hui refusent d’être solidaires et de créer une société politique unique dans le cadre d’un Etat, tout en revendiquant l’identité européenne et leur participation à l’édification d’une société solidaire et socialement juste. »
Selon l’auteur de ce texte, la crise constitutionnelle espagnole représente une des plus graves crises politiques de la dernière décennie sur le continent européen.
Dans une autre analyse publiée également dans les pages du quotidien Lidové noviny, son auteur remarque pour sa part qu’ il n’est « pas possible de soutenir l’indépendance du Kosovo ou du Monténégro et de contester le droit à l’indépendance à la Catalogne qui dispose de beaucoup plus d’atouts pour devenir un Etat moderne et prospère ».
En rapport avec les émeutes qui accompagnent les événements en Catalogne, l’auteur d’une note mise en ligne sur le site de l’hebdomadaire Reflex rappelle la séparation « à l’amiable » en 1993 de l’ancienne Tchécoslovaquie qui a donné naissance à la République tchèque et à la Slovaquie. Pour lui, cette façon de mener le dialogue témoignerait d’« une culture politique élevée du pays ».
Pavel Fischer : définir les priorités à long terme de la République tchèque
« Je suis fier d’avoir été choisi par Václav Havel à une période cruciale. Je suis fier du fait que Havel demeure pour beaucoup de gens dans le pays et à l’étranger une personnalité notable. » C’est ce qu’a déclaré pour le site aktuálně.cz Pavel Fischer, ancien collaborateur proche de l’ex-président tchèque et ancien ambassadeur tchèque en France, après avoir annoncé ce jeudi sa candidature à l’élection présidentielle. A ce jour, le dernier des quatre candidats officiels en lice estime pour autant qu’il ne suffit pas de se retourner vers le passé, mais l’important est de définir ce qui est pour notre pays essentiel. Ceci au moment où la majorité des thèmes locaux débattus semblent être éloignés du contexte mondial. Et d’expliquer :« J’ai présenté ma candidature pour définir les priorités à long terme de l’orientation de notre pays. C’est une occasion de soulever la question de savoir ce que nous voulons réaliser en tant que République tchèque, quels sont les défis à relever et quelles sont les réformes que nous voulons imposer dans l’Union européenne. »
La société Škoda Auto à l’heure de l’incertitude
La fabrication du produit phare de l’industrie automobile locale, la voiture Superb de la société Škoda Auto sera probablement déplacée depuis la ville tchèque de Mladá Boleslav vers la ville d’Emden, en Allemagne. Envisagée par le groupe allemand Volkswagen, dont l’entreprise tchèque et ses 30 000 employés font partie, cette démarche signifierait la perte de près de 2 000 emplois. Le quotidien Mladá fronta Dnes de ce jeudi a apporté à ce sujet plus de précisions :« On peut s’attendre à ce qu’à l’avenir d’autres productions soient également déplacées en Allemagne. Cette perspective concerne notamment les voitures électriques et les voitures hybrides qui vont probablement connaître un grand boom. Un tel changement signifierait la baisse du prestige de la société Škoda Auto qui serait alors condamnée au rôle de producteur de marchandises bon marché. »
Une baisse des salaires des employés tchèques et des retards technologiques, autant de craintes qui sont évoquées dans ce contexte par les syndicats de la société Škoda Auto, en dépit d’une lettre rassurante qui leur a été adressée par le directeur du groupe.