Presse : après 20 ans d’appartenance à l’UE, il est désormais temps de penser à l’avenir

L’anniversaire des 20 ans de l’adhésion de la Tchéquie à l’UE

Cette nouvelle revue de la presse tchèque revient d’abord sur certains des commentaires qui ont accompagné le vingtième anniversaire de l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne et le discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe. Il y sera également question de l’hommage, tardif mais essentiel, rendu aux Roms et Sintis tchèques morts pendant la Deuxième Guerre mondiale. Dernier sujet traité : l’attitude des Tchèques vis-à-vis des réfugiés ukrainiens.

« L’adhésion à l’UE et à l’OTAN est la meilleure chose qui soit arrivée aux Tchèques depuis la chute du régime communiste en novembre 1989 », constate un chroniqueur du quotidien économique Hospodářské noviny, qui remarque que cet avis est partagé même par l’ancien Premier ministre Andrej Babiš, chef du mouvement populiste ANO et désormais leader de l’opposition. L’auteur estime cependant qu’il convient de cesser de rappeler à quel point l’adhésion à l’UE, il y a vingt ans, a été bénéfique et formidable pour la Tchéquie et tout ce qu’elle perdrait si elle n’en faisait pas ou plus partie :

« Vingt ans après, nous devrions enfin passer à autre chose. Le monde a énormément changé au cours des quinze dernières années, et cela ne nous a certainement pas avantagés. Il est donc grand temps d’arrêter de mener des batailles irrationnelles et de penser bien davantage à l’avenir. Les Tchèques ne cessent de débattre de la question de savoir si leur pays doit rester dans l’UE ou si un éventuel ‘czexit’ serait plus avantageux. C’est là un débat complètement stupide et c’est un autre débat, complètement différent, auquel il faut désormais s’employer avec envergure ».

« Disons enfin franchement et avec fierté que l’UE », c’est aussi nous », souligne l’auteur de Hospodářské noviny. Avant d’ajouter : « Puis, en collaboration avec d’autres pays, formulons des propositions sur la manière dont l’Union devrait changer et évoluer. Passons donc du débat absurde sur l’appartenance ou non à l’Union à celui sur la forme que nous souhaitons lui voir prendre. »

De son côté, le site Info.cz rappelle qu’il y a vingt ans, les dix nouveaux pays intégrés ne sont pas devenus immédiatement membres à part entière :

« Certains ont mis moins de temps que d’autres, tandis que d’autres ont des problèmes encore aujourd’hui. La République tchèque, elle, bien qu’elle ait toujours profité de son adhésion, n’a trouvé que récemment sa place dans le club européen exclusif. Or, il s’agit maintenant de participer aux changements rapides et fondamentaux auxquels l’UE est confrontée en raison de l’agression russe en Ukraine et de la concurrence mondiale croissante. »

Le discours sur l’Europe d’Emmanuel Macron, une source d’inspiration pour les Tchèques?

« S’il y a quelqu’un qui a une vision de l’Europe, qui la voit comme un projet et la pense stratégiquement, quelqu’un qui soumet des propositions sur la manière d’aller de l’avant, ce sont, traditionnellement, les Français et, aujourd’hui, en premier lieu, Emmanuel Macron. » C’est ce qu’estime un texte publié dans le journal en ligne Deník Referendum et consacré au discours sur l’Europe que le président français a prononcé, jeudi 25 avril, à la Sorbonne. Selon son auteur, il s’agissait d’une brillante analyse de la situation dans laquelle se trouve l’Europe actuellement, et des dangers auxquels elle est confrontée :

Emmanuel Macron | Photo: Christophe Petit Tesson,  ČTK/AP

« Le sens du discours d’Emmanuel Macron était de secouer l’Europe pour qu’elle se remette sur pied. En gros, il a proposé un programme de l’UE pour les cinq prochaines années pour la nouvelle Commission et le nouveau Parlement qui seront issus des élections de juin prochain. Ce discours, qui contenait un minimum de platitudes politiques et proposait inversement un flot d’idées, de bonnes analyses et de solutions audacieuses, trouvera probablement sa place dans l’histoire de la pensée politique. »

« Le discours d’Emmanuel Macron devrait être réimprimé en tchèque », remarque encore le chroniqueur du journal. Il explique pourquoi :

« Nous n’avons pas dans ce pays d’homme politique capable de penser et de formuler ses idées de cette manière. Voilà pourquoi le citoyen tchèque n’a pas l’occasion de lire de tels textes. La dernière fois qu’il a pu entendre de telles paroles sur l’avenir de l’Europe, c’était à l’époque de Václav Havel. Les hommes politiques tchèques devraient eux aussi lire le discours du président français. »

Un hommage tardif mais essentiel aux victimes du génocide rom

Mardi 23 avril, un impressionnant mémorial a été inauguré à Lety, près de la ville de Písek, en Bohême du Sud, en hommage aux Roms et aux Sintis tués par les nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale. L’hebdomadaire Respekt souligne à ce propos :

Le mémorial aux victimes du génocide rom à Lety | Photo: Matěj Vodička,  ČRo

« Trente ans se sont écoulés depuis le moment où des recherches de plusieurs historiens et journalistes ont révélé pour la première fois à un public choqué le fait qu’un camp de concentration pour les Roms tchèques se trouvait sur un site transformé ensuite en une gigantesque porcherie. Cela est resté un fait tenu soigneusement secret pendant longtemps. C’est ici que des gardes tchèques, à la demande des nazis, rassemblaient et emprisonnaient des ‘familles tsiganes, des personnes métisses ou des personnes vivant comme des Tsiganes’. Et lorsque le régime nazi, en plus des Juifs, a décidé d’assassiner aussi les Roms, les gardes tchèques se sont mis à transporter les prisonniers de Lety, du moins les survivants aux conditions misérables du camp, vers les chambres à gaz d’Auschwitz. »

Le magazine rappelle qu’une longue période de polémiques a suivi cette révélation choquante. On se demandait si tout cela s’est réellement passé, comment, qui en était responsable et comment honorer la mémoire des victimes. « Les hésitations et les polémiques ont duré jusqu’en 2017, lorsque le gouvernement de Bohuslav Sobotka a tenu la promesse faite par de nombreux cabinets précédents en décidant de racheter la porcherie à ses propriétaires », précise-t-il. Avant de souligner en conclusion :

« Le mémorial récemment inauguré est conçu de façon à mettre en relief la coresponsabilité de la société majoritaire tchèque dans ce qui s’est passé à Lety pendant la guerre. Il est possible que beaucoup trop de temps se soit écoulé depuis. Mais mieux vaut tard que jamais. »

Les réfugiés ukrainiens, cible des populistes tchèques

« Les réfugiés ukrainiens profitent à la République tchèque. Mais l’État ne parvient pas à les utiliser comme il le faudrait et l’opposition n’en veut pas. ». Tel est le titre d’un texte mis en ligne sur le site Aktualne.cz dans lequel son auteur indique :

Photo: Igor Budykin,  Radio Prague Int.

« Les Tchèques se sont habitués au fait que des réfugiés ukrainiens, dont le nombre se situe autour de 340 000, vivent parmi eux et qu’ils bénéficient d’une protection temporaire de la part de l’État. Selon une étude de l’agence CVVM, ils sont même de plus en plus nombreux à penser que leur intégration dans la société est possible. Parallèlement, une importante partie de la population reste habitée par la peur, nourrie par différentes figures de l’opposition. Tomio Okamura, le chef du parti d’extrême droite SPD, par exemple, n’hésite pas à qualifier les Ukrainiens de ‘nazis’, tandis que le chef du mouvement ANO, Andrej Babiš, déclare vouloir imposer une loi sévère sur l’asile et se plaît à utiliser l’expression ‘notre peuple’ en opposition aux réfugiés. »

L’apport à la fois économique et démographique des réfugiés ukrainiens pour la Tchéquie est pourtant évident. Mais confronté à l’attitude à leur égard, cet apport ne semble pas jouer un rôle majeur. Un chroniqueur du site Aktualne.cz observe ainsi  :

« Le pouvoir de l’alarmisme diffusé par l’opposition l’emporte sur la volonté du gouvernement et des institutions de convaincre les Tchèques que non seulement les réfugiés ukrainiens ne constituent pas une menace pour nous, mais que leur présence nous est profitable. Il en va de même pour l’argument défendu par les médias et les dirigeants politiques selon lequel les Ukrainiens qui se battent sur le front nous protègent de la politique d’expansion de la Russie. Comme si, d’un seul coup, une partie de la population oubliait que les Russes ont déclaré la République tchèque pays ennemi. »