L’écrivain Petr Šabach : « J’aurais aimé être un rebelle, mais je suis un observateur »

Petr Šabach, photo: Adam Kebrt, ČRo

« Ce que j’adore, c’est la ‘collecte du matériel’ : j’écris à la main, je note sur de petites feuilles des idées qui me viennent à l’esprit. Ensuite, l’écriture elle-même, c’est un gros travail, assez épuisant. Et ce bien que mon style soit très simple en apparence », disait Petr Šabach, auteur de récits humoristiques situés pour la plupart dans la Tchécoslovaquie communiste, pays de son enfance et adolescence, et adaptés avec succès au cinéma. Parmi les écrivains tchèques contemporains les plus lus et les plus aimés du public, Petr Šabach est décédé samedi dernier à l’âge de 66 ans, des suites d’une grave maladie.

Petr Šabach,  photo: Adam Kebrt,  ČRo
Né en 1951 dans la famille d’un soldat professionnel, Petr Šabach est resté, pendant toute sa vie, intimement lié à Prague. Bibliothécaire de formation, il exerce divers métiers, tout en se consacrant à l'écriture. Dès les années 1970, publie des contes, d’abord dans des journaux et revues, ensuite sous forme de livres. Dans ses œuvres éditées après la Révolution de velours, il se veut le chroniqueur de la vie « ordinaire » dans l’ancienne Tchécoslovaquie : en s’inspirant de sa propre vie et de celle de ses proches, camarades de classe, de ses amis et ennemis, Petr Šabach dresse, avec tendresse, humour, ironie, autodérision et même avec un brin de mélancolie, des portraits de petites gens issues à la fois des milieux communiste et contestataire.

L'histoire du film « Pelíšky », une comédie culte tournée d’après un livre de Petr Šabach en 1999, remonte à 1968. L'auteur y raconte, en souriant à travers ses larmes, le désespoir le plusieurs générations de Tchèques suite à l’invasion soviétique dans le pays. Juste après la chute du régime communiste, la comédie musicale Šakalí léta (Les Années du chacal), une autre adaptation cinématographique d’un livre de Šabach, prend place à Prague-Dejvice, un quartier résidentiel des diplomates et de l'élite communiste. A la fin des années 1950, le rock and roll y fait son irruption, insufflant l’esprit de liberté et de rébellion. Petr Šabach :

'Pelíšky'
« J’envie un peu tous les hooligans qui peuplent mes livres. Peut-être parce que je n’ai jamais eu assez de courage pour devenir un vrai hooligan, un type qui n’hésite jamais, qui n’a pas peur. Moi, j’ai toujours été un peu timide. Mais cela arrive fréquemment aux écrivains. Nous sommes des observateurs. »

Petr Šabach avait le don de captiver les lecteurs de tous âges, y compris les plus jeunes, souvent peu soucieux du passé récent de leur pays. Cette qualité a été remarquée par le PEN club tchèque qui a attribué à Petr Šabach, en janvier 2016, le prestigieux prix littéraire Karel Čapek. A cette occasion, le président du PEN club Jiří Dědeček s’est souvenu, pour Radio Prague, des nombreuses rencontres qu’il a eues avec Petr Šabach dans des brasseries pragoises, milieu que l’écrivain appréciait tout particulièrement. Jiří Dědeček :

« D’après moi, dans le cas de Petr Šabach, intéresser la jeune génération, c’est avoir bien choisi sa langue. Il n’emploie pas des thèmes ou des sujets surprenants. Les choses qu'il raconte sont toujours très simples. C’est la manière dont il travaille la langue qui est intéressante. Et ici, nous revenons dans la brasserie tchèque : c’est une langue des gens qui, autour d’une bière, parlent de la vie d’une manière simple, parfois même influencée par l’alcool, mais qui contient toujours au second plan une philosophie, comme chez Hrabal. C’est peut-être cela qui attire les jeunes. Puis, il est nécessaire aussi de mentionner la rencontre de Petr Šabach avec des cinéastes tels que Petr Jarchovský et Jan Hřebejk. C’est une réunion très réussie et qui donne ses fruits depuis longtemps. »

Parmi les plus proches amis de l’écrivain, le scénariste Petr Jarchovský et le réalisateur Jan Hřebejk ont partagé son humour et son univers. Jan Hřebejk évoque leur collaboration qui a abouti à la réalisation de « Pelíšky » et d’autres films à succès encore :

Petr Šabach,  Jan Hřebejk,  Petr Jarchovský,  photo: ČTK
« Petr Šabach était quelqu’un de très tolérant et de généreux. Il nous écrivait et nous racontait des histoires et nous donnait, à Petr Jarchovský et à moi-même, carte blanche pour en faire des films. Il nous disait que nous pouvions en faire ce que nous voulions. Il ne participait ni à l’écriture des scénarios, ni au tournage des films. Mais je sais qu’il aimait nos films, quand quelqu’un critiquait la manière dont nous avons porté ses récits à l’écran, il nous défendait. »

Les lecteurs français peuvent découvrir l’univers et le style de Petr Šabach dans le livre « Les Mamies » (Babičky, en tchèque), qui est, une fois de plus, le reflet des origines familiales de l’auteur.