Le Prix Karel Čapek décerné à Petr Šabach
Auteur de romans humoristiques qui ont souvent pour thème la vie sous l’ancien régime et qui ont été adaptés avec succès au cinéma, Petr Šabach, 64 ans, a reçu le Prix Karel Čapek le 7 janvier dernier. Décerné depuis 1994 par le PEN Club tchèque, ce prix, qui compte des lauréats tels que Arnošt Lustig ou Václav Havel, est remis tous les deux ans et récompense l’œuvre d’une vie. Dans un entretien accordé à Radio Prague, le président du PEN Club tchèque et membre du jury Jiří Dědeček présente l’écrivain et les raisons pour lesquelles il a été distingué :
Jeudi dernier, Petr Šabach s’est vu décerner le Prix Karel Čapek. Quels sont les critères pour l’attribution de ce prix et pourquoi le jury a-t-il choisi cet écrivain ?
« Le critère essentiel est d’écrire de bons livres. On dit toujours aussi qu’il faudrait suivre, en quelque sorte, le legs de Karel Čapek, son humanisme immense et sa défense des droits de l’homme. Mais quand vous écrivez une bonne littérature, vous le faites toujours. Le critère principal est donc de choisir un écrivain qui est considéré par le jury comme un bon auteur. C’est tout. »
Selon le jury, « Petr Šabach possède une méthode particulièrement convaincante pour intéresser et s’adresser à la jeune génération ». Que signifie cette expression ?
« D’après moi, dans le cas de Petr Šabach, intéresser la jeune génération, c’est avoir bien choisi sa langue. Il n’emploie pas des thèmes ou des sujets surprenants. Les choses qu'il raconte sont toujours très simples. C’est la manière dont il travaille la langue qui est intéressante. Et ici, nous revenons dans la brasserie tchèque : c’est une langue des gens qui, autour d’une bière, parlent de la vie d’une manière simple, parfois même influencée par l’alcool, mais qui contient toujours au second plan une philosophie, comme chez Hrabal. C’est peut-être cela qui attire les jeunes. Puis, il est nécessaire aussi de mentionner la rencontre de Petr Šabach avec des cinéastes tels que Petr Jarchovský et Jan Hřebejk. C’est une réunion très réussi et qui donne ses fruits depuis longtemps. »Petr Šabach fait partie des auteurs contemporains tchèques les plus lus. Un de ses romans, « Les Mamies », a même été traduit en français. Pensez-vous que les livres de cet écrivain, qui traite d’une manière humoristique notamment de la situation politique en Tchécoslovaquie sous le régime communiste, peuvent aussi trouver leur public francophone ?
« Je sais que Šabach est bien compris par nos amis polonais parce qu’on a vécu la même expérience. Mais est-ce que cela pourrait intéresser aussi les jeunes Français ? Je ne sais pas parce qu’ils ont une expérience tout-à-fait différente. Mais on ne sait jamais avec les livres. Avec un bon marketing, vous pouvez atteindre des succès inattendus. Et Šabach lui-même, il est très peu ambitieux. C’est un homme modeste, très intelligent certes, mais qui, et je dois le dire, apprécie sa bière et sa tranquillité et qui veut seulement avoir un peu de temps et un peu d’argent pour pouvoir écrire des livres. »
L’auteur n’était d’ailleurs pas présent personnellement à la remise de ce prix accompagné d’une récompense financière de 100 000 couronnes. Il a néanmoins envoyé un message vidéo dans lequel il a annoncé son intention de donner cette somme à des fins choisis par le PEN club. Savez-vous comment sera utilisé cet argent ?
« Dans son discours, Petr Šabach a précisé qu’il voudrait donner cet argent aux auteurs persécutés dans des pays non démocratiques. Au PEN club, nous avons fondé la Bibliothèque du PEN club et de l’Homme en détresse (Člověk v tísni, une grande ONG tchèque, ndlr) qui comprend des œuvres des hommes de plume persécutés à travers le monde entier. C’est donc pour cela que Šabach a donné sa récompense, ce qui est vraiment généreux. »