La vidéaste engagée Tabita Rezaire questionne le web
Elle ambitionne de décoloniser internet, qu’elle voit comme un espace reproducteur des hiérarchies sociales occidentales. L’artiste franco-danoise Tabita Rezaire est en résidence à la Meet Factory, centre d’art contemporain pragois, jusque début septembre. Radio Prague l’a rencontrée.
« Si on regarde légalement, juridiquement, on est dans des société dites démocratiques ou postcoloniales. Le souci est que le monde postcolonial a internalisé les idéologies du monde colonial. Ce qui veut dire que toutes les hiérarchies amenées par l’entreprise coloniale - de race, de culture, de genre, de systèmes de pensée - perdurent. »
A ses yeux, le discours présentant internet comme un espace sans frontières de liberté et d’égalité est un leurre :
« Le fait est qu’internet est le reflet des sociétés qui ont contribué à sa naissance. De ce fait, internet est raciste, internet est un espace de surveillance, de contrôle, est un espace répressif. Cela a plusieurs échelles. A une échelle interne, de par le contenu d’internet. Il est principalement un flux des pays occidentaux, surtout anglophones, consommé par le reste du monde. »
Tabita Rezaire pointe également les inégalités d’accès à internet au niveau mondial, et rappelle qu’un être humain sur deux n’a pas accès à la toile, une proportion qui monte à trois sur quatre sur le continent africain. C’est lorsqu’elle s’installe à Johannesburg, en Afrique du Sud, qu’elle développe véritablement sa réflexion autour de cette problématique :
« S’il y a une chose que j’ai envie de partager, que j’ai envie que les gens retiennent de ce que je fais, c’est que ces hiérarchies nous pourrissent de l’intérieur. Ce sentiment de supériorité est détrimentaire. Pas seulement aux personnes qui sont laissées à croire qu’elles n’ont ni culture, ni savoir, et que leur système de connaissance n’est pas légitime ; mais aussi aux populations dominantes. »Après l’image, Tabita Rezaire, qui est aussi professeur de yoga, tente désormais de travailler sur le son. Elle se sert particulièrement du gong qui trône au milieu de son studio pragois. Un studio que la Meet Factory met à sa disposition jusqu’au 6 septembre.