Développement : la Tchéquie reste un pays du « Second monde »
L’économie tchèque a beau se porter plutôt bien, avec une situation de plein emploi, le niveau de vie en République tchèque reste à des années lumières de rattraper celui des pays ouest-européens. C’est le constat de l’édition 2017 du rapport annuel de la branche tchèque de la plate-forme Social Watch, qui apporte généralement de riches enseignements sur l’état de la société tchèque. Radio Prague a demandé à l’économiste Ilona Švihlíková, corédactrice de cette étude, de nous en dire plus.
« Encore le Second monde », c’est l’intitulé de ce rapport, qui s’intéresse aux évolutions de la société tchèque en termes de développement et d’égalité, notamment entre les sexes. Le Second monde, cela correspond aux pays de l’ex-bloc soviétique, à ces Etats dans un processus avancé de développement, mais qui restent à la traîne des pays occidentaux. Et, selon les associations qui composent la plate-forme Social Watch, c’est à cet espace socio-économique qu’appartiendrait toujours la République tchèque. Le chômage y atteint pourtant un niveau historiquement faible (4% au mois de juin) et les salaires augmentent, mais ce n’est pas suffisant pour combler le retard avec l’Ouest.
Les auteurs du rapport formulent plusieurs propositions pour que la situation s’améliore, d’abord en identifiant des déséquilibres propres à l’économie tchèque qu’il conviendrait de gommer : c’est par exemple le système abusif des saisies mobilières et immobilières, le nombre élevé de travailleurs pauvres, et particulièrement les inégalités entre hommes et femmes. Ilona Švihlíková :« Un des problèmes qui persiste, c’est la question des inégalités de revenus entre les femmes et les hommes. Ce sont en effet les femmes qui sont les plus menacées par la pauvreté, et évidemment celles qui sont seules avec un ou plusieurs enfants ou bien encore les retraitées. »
Aux côtés de ces ajustements à réaliser, le rapport pointe du doigt des raisons plus structurelles aux inégalités persistantes entre la Tchéquie et l’Ouest. Pour Ilona Švihlíková, c’est le modèle tchèque même qui est en cause :
« C’est en fait un modèle qui est construit sur l’idée de la proximité avec l’Allemagne, avec une main d’œuvre bon marché, avec la production de biens dont la valeur ajoutée est plus faible - souvent il s’agit d’activités d’assemblage même si les situations sont diverses -, et avec la très longue intervention monétaire qu’a menée la Banque nationale tchèque jusqu’au mois d’avril. Ainsi, il y avait aussi une monnaie faible, c’est-à-dire une monnaie qui était très fortement sous-évaluée en termes de parité de pouvoir d’achat. »
Le gouvernement tchèque semble avoir pris conscience du souci puisqu’il a demandé des études à ce sujet pour envisager une transformation de l’économie tchèque vers la production de biens à plus haute valeur ajoutée. Reste à savoir si un pays comme la Tchéquie est en mesure de mener une autre politique au sein de l’Union européenne. Ilona Švihlíková :« C’est une question absolument fondamentale. Je pense que certaines mesures peuvent être prises, mais si la compétition fiscale, le dumping fiscal se poursuit, avec une situation où des pays tels que l’Irlande se disputent pour tenter d’avoir l’imposition sur les entreprises la plus faible, la tâche sera évidemment particulièrement ardue. »
Pour les tchécophones, les conclusions du rapport, qui interroge aussi la durabilité sociale et écologique du développement tchèque, sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.socialwatch.cz/.