L’héritage du philosophe Jan Patočka et de la dissidence tchèque évoqué à Bruxelles
Des philosophes, historiens, académiques et politologues de toute l’Europe ainsi que des Etats-Unis se sont donnés rendez-vous cette semaine à Bruxelles et à Louvain pour discuter de l’héritage de la Charte 77, ce fameux document revendiquant le respect des droits de l’Homme dans la Tchécoslovaquie communiste. Plus particulièrement, cette série de rencontres organisées dans les universités et au Parlement européen est dédiée à une personnalité qui a beaucoup marqué le mouvement dissident, le philosophe Jan Patočka, décédé il y a quarante ans, quelques semaines seulement après la publication de la Charte 77 dont il a été un des initiateurs. Radio Prague a joint une des organisatrices de l’événement, Petra James qui est responsable des études tchèques à l’Université Libre de Bruxelles.
Des dizaines de personnalités tchèques et européennes participent à cette conférence étalée sur cinq jours, par exemple le philosophe Jan Sokol, membre de la famille de Jan Patočka, Filip Karfík, professeur à l’Université de Fribourg qui a fait partie, lui aussi, du cercle formé autour de Patočka, ou encore la traductrice Erika Abrams qui a fait connaître l’œuvre du philosophe tchèque dans les pays francophones. Quels sont les autres invités des colloques et des soirées qui se déroulent dans le cadre de la conférence ?
« Une pléiade de spécialistes tchèques et étrangers sont venus à Bruxelles et à Louvain pour toute une semaine de conférences et de rencontres. Il faut sans doute mentionner Ivan Chvatík, le directeur des archives de Jan Patočka. Je voudrais aussi évoquer les gens liés d’une manière ou d’une autre à la Charte 77, comme le diplomate Martin Palouš, ou ceux qui ont porté l’héritage du mouvement dissident, comme le directeur de l’ONG ‘People in need’ Šimon Pánek ou encore Michael Žantovský, l’ancien porte-parole du président Vaclav Havel. Nous avons ici beaucoup de traducteurs, d’historiens et de théoriciens de la littérature, par exemple Françoise Mayer, historienne et spécialiste de la période communiste en Tchécoslovaquie. Elle va intervenir samedi dans le cadre du débat autour du livre de Jonathan Bolton. Je n’oublie pas nos collègues spécialistes de la littérature tchèque venus de l’étranger, par exemple Rajendra Chitnis, professeure de littératures slaves à l’Université de Bristol. »La conférence se termine ce samedi, par un atelier organisé à la Maison des Arts de l’ULB de Bruxelles autour de cet ouvrage de Jonathan Bolton « Worlds of dissent » (en tchèque « Světy disentu ») et, plus généralement, autour de la culture underground sous le communisme…
« Le livre de Jonathan Bolton est un des ouvrages les plus intéressants qui existent sur la dissidence tchécoslovaque. M. Bolton est un historien de littérature. Son ouvrage a inspiré aussi des historiens par sa méthodologie assez originale. Il propose, comme point de départ, une étude détaillée des textes canoniques, souvent littéraires, de la dissidence tchécoslovaque, comme par exemple ‘Český snář’ de Ludvík Vaculík. A partir de cette analyse du genre, des figures de style, il réussit, de manière extrêmement convaincante, de dégager des aspects importants de l’univers de la dissidence. Un des chapitres de son livre est consacré au groupe mythique de l’underground, The Plastic People Of the Universe. Bolton montre de manière originale et absolument scientifique la construction mythique, et souvent auto-mythologisante de l’univers dissident. Il déconstruit les mythes qui ont pu naître autour de cet univers. Il montre des mécanismes qui dépassent le fonctionnement de la dissidence tchécoslovaque et qui mènent vers des réflexions plus générales sur la construction de mythes modernes. Par cela, cet ouvrage me paraît très inspirant. »