L’affaire d’un cybermarché met en lumière le problème del’emploi des travailleurs étrangers en Tchéquie
Prétendumment en raison de la situation sur un marché du travail caractérisé par un faible taux de chômage (5,1 % en février) et une pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activité, de nombreuses sociétés en République tchèque ont recours à l’emploi, parfois illégal, de travailleurs étrangers. L’arrestation, la semaine dernière, de 85 personnes majoritairement de nationalité ukrainienne dans un entrepôt d’un supermarché en ligne a rappelé toute l’importance du problème.
L’affaire Rohlik.cz, un cybermarché qui livre à domicile, a confirmé ces pratiques. Jeudi dernier, la police des étrangers a procédé à l'arrestation de 85 personnes dans le cadre d'un contrôle effectué dans un entrepôt de la société. Porte-parole de la police, Tomáš Hulan explique les raisons de cette perquisition :
« Les personnes arrêtées disposaient certes de visas, mais pour un autre pays que la République tchèque. Ces visas ne permettent donc pas à ces personnes d’être employées en République tchèque. »
Concrètement, les personnes arrêtées, des ressortissants ukrainiens dont la très grande majorité seront contraints de quitter prochainement le territoire tchèque, étaient en possession d’un visa polonais. Selon les réactions qu’a suscitées l’affaire Rohlik.cz, il ne s’agit là toutefois que d’une goutte d’eau dans un océan. En effet, ce sont des dizaines de milliers d’Ukrainiens, souvent rémunérés à un niveau pas suffisamment attrayant pour les Tchèques potentiellement intéressés par ce type de travail, qui sont employés tout en étant en possession d’un visa polonais.
Toujours selon APA, les autorités polonaises ont délivré plus de 900 000 visas Schengen ces deux dernières années. Ce document permet à ses titulaires non seulement de circuler librement dans l’espace Schengen, mais aussi de travailler durant six mois en Pologne ou trois mois dans un autre pays de l’UE.
Le propriétaire de Rohlik.cz s’est insurgé contre l’opération menée par la police et les méthodes répressives de celle-ci. Pourtant, la société, qui se défend en incriminant les pratiques des agences d'intérim, avait déjà fait l’objet d’une perquisition du même type l’été dernier. Vingt-quatre ressortissants ukrainiens avaient alors été arrêtés, puis expulsés de République tchèque, faute de permis de travail.Avec un chiffre d’affaires multiplié par trois l’année dernière, et qui devrait dépasser les deux milliards de couronnes cette année (près de 75 millions d’euros), la société Rohlik.cz, dont l’activité se concentre essentiellement à Prague et à Brno, illustre le développement des supermarchés en ligne en République tchèque, comme le confirme Jan Vetyška, directeur de l’Association nationale pour le commerce électronique :
« C’est effectivement un segment qui est en pleine expansion avec une croissance à trois chiffres pour les quatre principales sociétés qui opèrent actuellement sur le marché. Disons que les Tchèques ont appris à acheter en ligne et qu’ils sont de plus en plus nombreux, que ce soit pour les courses alimentaires ou la commande de biens et services. »
Un développement rapide et important qui pose donc la question des moyens pouvant être mis en œuvre pour répondre à la demande croissante avec une main-d’œuvre limitée en nombre ou insuffisamment qualifiée, comme on l’observe dans d’autres domaines d’activité de l’économie tchèque. Mais aussi la question de savoir si ce type de développement à succès semblable à celui de Rohlik.cz ne repose pas sur un modèle économique dont l’emploi illégal de travailleurs faiblement rémunérés fait partie intégrante.