Conflit en Ukraine : la plus grande ONG tchèque se retire de la région de Donetsk
Une des plus importantes ONG en Europe centrale, l’organisation humanitaire tchèque Člověk v tísni (People in need ou L’homme en détresse) a été contrainte de quitter la région de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine. Dernière ONG active sur ce territoire, elle a été accusée par les autorités séparatistes pro-russes de pratiques de corruption et d’abus de confiance. A l’approche de l’hiver, le départ de l’ONG met en difficulté des dizaines de milliers de personnes touchées par les hostilités et qui profitaient jusqu’à présent de l’aide humanitaire tchèque.
L’ONG a été présente en Ukraine dès le début du conflit entre les forces gouvernementales et les séparatistes pro-russes, en 2014. Inquiet de l’avenir des plus vulnérables en Ukraine, le directeur de l’Homme en détresse, Šimon Pánek, a dit à la Radio tchèque :
« L’hiver sera très dur, en particulier pour des personnes sans travail, pour ceux qui ne font partie d’aucune structure, qui ont vu leurs proches partir en Ukraine ou en Russie. Il s’agit surtout des personnes âgées, pauvres, abandonnées, des enfants placés en foyers, de personnes handicapées vivant en institutions, des mères avec plusieurs enfants. Nous avons soutenu, pendant deux ans, ces gens-là des deux côtés de la ligne de front, même si cela nous a été reproché par les deux parties du conflit. Mais nous suivons toujours la règle humanitaire qui dit que l’aide doit être fournie aux nécessiteux et peu importe où ils se trouvent. »En septembre 2015, Člověk v tísni avait déjà été contraint de quitter Louhansk, un autre territoire séparatiste de l’est de l’Ukraine. Vendredi dernier, l’ONG s’est vue retirer son accréditation par les autorités de la république populaire autoproclamée de Donetsk, une accréditation renouvelée jusqu’à présent chaque semaine. Son bureau a fermé et les trois employés de l’ONG ont été rapatriés. Accusée, entre autres, d'avoir « ignoré systématiquement les règles de distribution de l'aide humanitaire » et d'avoir exercé un « travail destructeur », l’ONG tchèque estime pourtant avoir respecté toutes les modalités imposées par les autorités en place.
Journaliste et spécialiste de la Russie, Libor Dvořák explique :
« Dans de telles circonstances, il est plutôt habituel que les organisations de ce type, notamment celles qui mènent une action humanitaire de longue durée, sont accusées d’espionnage, elles sont soupçonnées de vouloir recueillir d’autres informations que celles dont elles ont besoin pour leur travail. Mais il me semble que dans ce cas précis de Člověk v tísni, il y a autre chose encore : comme Donetsk et Louhansk ne font rien sans accord de Moscou, il est possible que les autorités russes veuillent faire semblant qu’elles sont les seules, aux côtés des organisations humanitaires russes, à apporter leur aide à ces deux républiques séparatistes. »Après le départ, en 2015, de Médecins sans Frontières, accusé d’espionnage et de contrebande des médicaments, suivi de celui de Člověk v tísni, seule la Croix-Rouge et les Nations Unies devraient pouvoir poursuivre leur action sur place.