Incertitude en Tchéquie sur l’avenir du projet de traité transatlantique
Depuis maintenant trois ans, les Etats-Unis et l’Union européenne négocient un accord de libre-échange (TTIP ou TAFTA) visant à la création d’un marché commun entre les deux espaces. Seulement voilà, le ministre allemand de l’économie Sigmar Gabriel annonçait dimanche dernier que les discussions avaient « de facto échoué ». Une réaction qui en a suscité de nombreuses autres en République tchèque, où la plupart des dirigeants politiques et des eurodéputés souhaitent la poursuite de négociations faisant pourtant l’objet de vives critiques.
Les partisans de ce projet de traité, notamment à Bruxelles, qui disent espérer qu’il sera source de croissance, sont rapidement montés créneaux pour relativiser ces sorties : les négociations continuent et vont continuer. Pour le ministre tchèque de l'Industrie et du Commerce, le social-démocrate Jan Mládek, les propos de Sigmar Gabriel seraient en fait une façon de faire pression sur les Américains, qui seraient trop intransigeants sur certains points en discussion. La commissaire européenne tchèque Věra Jourová, du mouvement ANO, va d’ailleurs dans ce sens :
« L’accord TTIP est très complexe, très compliqué. Il doit influencer la vie de 800 millions de personnes aux Etats-Unis et dans l’Union européenne. Nous sommes dans une phase désormais délicate où les exigences des uns et des autres sont sur la table et ces exigences sont plus ou moins acceptables pour l’autre partie. Donc la période qui s’ouvre va être très difficile pour les négociateurs afin qu’ils fassent valoir leurs intérêts. »La période qui s’ouvre semble en tout cas pour le moins nébuleuse pour ce projet de traité dont l’objectif est de supprimer les barrières douanières entre l’UE et les Etats-Unis et d’harmoniser les réglementations en vigueur entre les deux espaces. C’est ce que constate l’économiste Ilona Švihlíková, opposante de longue date à ce projet dont elle dénonce l’opacité et les risques qu’il fait peser sur les normes sociales et environnementales :
« La situation est très incertaine parce que nous sommes témoins de plein de réactions divergentes […]. Cela montre en tous cas que ce n’est pas très glorieux en termes de transparence, sujet dont il a tant été question.
Le ministre des Finances Andrej Babiš, le leader du mouvement ANO, ne semblait pas spécialement informé de la tournure des choses après la déclaration de Sigmar Gabriel sur l’échec des négociations. « Je n'ai pas de telles informations, a-t-il reconnu, mais si cela est vrai, c'est tout de même dommage car le marché américain est énorme et important pour les entreprises tchèques ». Pour Ilona Švihlíková, voilà qui est significatif :
« Il est vrai que les dirigeants politiques tchèques sont dans leur grande majorité en faveur de cet accord, y compris par exemple le ministère de l’Industrie et du Commerce. Evidemment, je ne suis pas d’accord avec M. Babiš et je suis heureuse que la représentation politique tchèque n’ait pas à être décideuse sur ces questions. Mais cela montre que l’information est très faible et qu’elle est tout simplement confuse chez ceux qui devraient pourtant avoir des informations de première main. Eux-mêmes ne savent pas ce qu’il se passe réellement. »Ilona Švihlíková voit d’abord dans les déclarations des uns et des autres des manœuvres de stratégie politique avec l’échéance des élections fédérales allemandes et de la présidentielle française l’an prochain, et surtout avec celle de l’élection du prochain président américain début novembre. Avec le parti des pirates, qui s’exprime via un communiqué ce vendredi, elle s’inquiète par ailleurs de la ratification à venir de l’accord CETA, un traité similaire au TTIP entre l’Union européenne et le Canada, au sujet duquel le débat est quasi inexistant en République tchèque.