Valdštejnská lodžie, un centre culturel peu conventionnel dans une ancienne résidence baroque
Nous partons aujourd’hui en Bohême du nord, et plus précisément dans les alentours de la ville de Jičín. Séparée du centre-ville par une allée de 1200 tilleuls, la résidence baroque de Valdštejnská lodžie représente l’un des endroits les plus fascinants de cette région. Radio Prague s’est entretenue avec l’intendant de cette demeure, Jiří Vydra :
Un bijou inachevé de l’architecture baroque
« Valdštejnská lodžie est un endroit unique en son genre en Europe. Ce bâtiment a été fondé par Albrecht de Wallenstein, une personnalité controversée de l’histoire tchèque. En 1620, lors de la bataille de la Montagne Blanche (une des plus importantes batailles de la guerre de Trente Ans qui a opposé des troupes catholiques menées par l’empereur Ferdinand II et la noblesse protestante tchèque, ndlr), Albrecht de Wallenstein était un commandant en chef de l’empereur, c’est-à-dire qu’il luttait contre les Etats tchèques et moraves. Grâce à ses succès militaires, ses mariages avantageux et sa sympathie pour l’empereur, il a obtenu une grande fortune. »Fondateur du palais Wallenstein, l’actuel siège du Sénat situé dans le quartier de Malá Strana à Prague, Albrecht Václav Eusebius de Wallenstein possédait entre autres de vastes domaines dans le nord de la Bohême. C’est dans cette région, dans les alentours de la ville de Jičín, qu’il a commencé à façonner sa résidence idéale. Conformément à ses grands projets urbanistiques, typique du style baroque, cette localité devait être composée de plusieurs bâtiments, principalement des châteaux, des monastères et des églises, formant ensemble une ligne droite, longue de sept kilomètres et reliant Jičín au monastère chartreux de Valdice, érigé en 1627 par l’architecte italien Andrea Spezza et conçu comme le mausolée du seigneur de la région. A peu près à la même date est né un petit palais appelé Valdštejnská lodžie. Jiří Vydra :
« Dans ce paysage, Albrecht de Wallenstein a commencé à construire une résidence d’été atypique et unique. Il s’agit d’une terrasse géante et couverte d’un toit, qui donne sur un jardin ouvert. Malheureusement, ce jardin qui devait être inspiré par le jardin de Versailles, avec des jets d’eaux et des fontaines, ne nous est pas parvenu dans son état originel. Par ailleurs, une allée de tilleuls mène du centre de Jičín au château de Valdštejnská lodžie. Et il y a encore une curiosité. Le lever et le coucher du soleil suivent des lignes géométriques : pendant le solstice d’hiver, le soleil se lève perpendiculairement à Valdštejnská lodžie et se couche dans la direction de Jičín et en été c’est l’inverse. Il s’agit donc d’un phénomène astrologique et architectonique qui est assez spécifique. »Assassiné en 1634, Albrecht de Wallenstein n’a jamais achevé la réalisation ni de son concept ni de cette résidence et de son jardin appelé « Libosad ». Ses biens lui ont été confisqués et son projet, très coûteux, a été abandonné. Valdštejnská lodžie est tombé en friche et n’a plus jamais retrouvé son usage prévu. Des dizaines d’année plus tard, le bâtiment, alors dans un état délabré, a servi de grenier, puis, a été utilisé comme squat dans les années 1930.
« Imaginarium culturel » : faire de la culture autrement
La situation change il y a quelques années de cela, quand la ville de Jičín commence à investir dans les travaux de reconstruction qui veulent donner à cet endroit son visage d’autrefois. La procédure de sélection est remportée par le graphiste Jiří Vydra, devenu alors l’intendant du monument, et son projet de création d’un centre culturel peu conventionnel, connu sous le nom de « l’Imaginarium culturel » :« L’idée principale de cet ‘Imaginarium culturel’ est de démolir deux mythes. D’abord, j’essaie de lutter contre le fait que cet endroit n’est pas très prisé par les touristes. Mais je veux aussi montrer qu’un monument ne doit pas forcément servir seulement à une présentation des faits historiques et que bien que situé à deux kilomètres du centre-ville de Jičín, il peut fonctionner comme un centre pour l’art vivant. »
Riche de ses expériences précédentes dans la région de Liberec où il vivait auparavant, Jiří Vydra a vite fait de cette ancienne résidence un endroit très recherché par les amateurs de la culture alternative :
« Nous travaillons avec ce thème du rêve inachevé. Nous essayons de le faire revivre à travers différents événements culturels qui considèrent cette ‘imperfection’ ou cet ‘inaccomplissement’ comme un plus et le développent davantage. Il y a un vrai ‘genius loci’. »Dans le cadre d’une programmation très variée, proposée tout au long de l’année, figurent notamment des festivals, des représentations théâtrales et des concerts de groupes tchèques et étrangers. Le public local pourra ainsi voir par exemple un groupe français, « Sergent Pépère », un mélange de jazz, de mélodies balkaniques et d’arts du cirque, qui s’y produira le 1er août dans le cadre de sa tournée tchèque. Valdštejnská lodžie organise néanmoins aussi des événements réguliers :
« Parmi les événements les plus importants se classe par exemple une série régulière, intitulée ‘Le Ravivement non-traditionnel des traditions’. Comme son nom l’indique, il s’agit de faire revivre les traditions tchèques et aussi étrangères qui sont aujourd’hui très commerciales et liées à la consommation, ou qui sont au contraire presque oubliées. Pour moi, c’était un thème assez inspirant. J’ai donc décidé de créer cette série d’événements rappelant ces traditions mais qui nous permettent en même temps de les regarder d’un autre point de vue. Pour citer un exemple, nous organisons chaque année ‘Divovánoce’, le Noël miraculeux. Nous essayons, à travers un spectacle qui est muet et auquel participent de nombreux musiciens de différents genres, des danseurs et des acteurs, de commémorer les histoires de Joseph et Marie et de la naissance de Jésus. Cet événement s’efforce donc de créer une autre atmosphère de Noël que celle à laquelle on est habitué. »Outre Noël, d’autres événements, proposant des activités pour les adultes mais aussi pour les enfants, sont organisés autour de traditionnels carnavals, la nuit des Sorcières et d’autres fêtes populaires.
Jičín, la ville des enfants
Située au bord de la région appelée le « Paradis de Bohême » (« Český ráj »), inscrite en 2005 sur la liste des géoparcs européens de l’UNESCO et admirée pour ses rochers romantiques, Jičín est pour sa part une ville pittoresque, traversée par la rivière Cidlina et dominée par une tour, un château et par l’église Saint-Jacques. Celle-ci a été construite, en 1630, d’après le modèle de l’église de Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne sur ordre de ce même Albrecht de Wallenstein. La place de la ville, longue de 150 mètres et entourée de jolies maisons bourgeoises, porte également le nom de ce commandant qui a changé à jamais le visage de la ville. Cependant, quand on dit Jičín, on pense avant tout à l’ancien cordonnier et gentil brigand Rumcajs, sa femme Manka et leur fils Cipísek, trois personnages très populaires en Tchéquie. Ces héros de dessins animés, puis de livres pour enfants, apparus pour la première fois dans les années 1960 comme le fruit d’une coopération entre l’écrivain Václav Čtvrtek et l’illustrateur Radek Pilař, vivent différentes aventures dans un bois environnant, dénommé Řáholec. Les visiteurs peuvent découvrir ces personnages grâce à la « Maison de cordonnier Rumcajs », un musée qui leur est consacré.Valdštejnská lodžie :
le monument ouvert tout au long de l’année, entrée libre
http://www.valdstejnskalodzie.cz/
La ville de Jičín :http://www.jicin.org/
La Maison de cordonnier Rumcajs :
ouverte d’avril à septembre de 10 à 18 heures
http://www.rumcajsovasevcovna.cz
Chaque mois de septembre depuis 1991, un festival très apprécié notamment des enfants, intitulé « Jičín – la ville de contes de fée » se tient également dans cette ville des seigneurs de Wallenstein. Pour une période d’une semaine, Jičín devient ainsi un lieu où tout est possible et où les rêves deviennent la réalité…