Quelles fleurs manger en République tchèque? (1ère partie)
Jana Vlková est, comme elle l’affirme elle-même, une femme qui aime manger et boire. Jusque-là, rien que de très normal (si, si). Mais depuis qu’elle est toute petite, et malgré les mises en garde de sa maman, Jana Vlková aime aussi manger les fleurs. Ancienne journaliste et traductrice du français, diplômée en sciences naturelles, elle est l’auteur d’un livre de recettes consacré aux fleurs et herbes comestibles ; un livre rare en son genre en République tchèque. En mai dernier, Jana Vlková a accueilli Radio Prague dans son jardin secret, son petit coin de paradis situé à Suchdol, dans le 6e arrondissement de Prague, là où poussent quelques-uns de ses fleurs et plantes préférées. Reportage (que nous vous recommandons d’écouter plutôt que de lire).
C'est l'usage que vous en faites, vous aussi?
« Oui, et je les sèche aussi pour en faire des fleurs de décoration pour l'hiver, quand il n’y a plus rien. Vous aimez? C'est un peu sucré… »
C'est un peu différent de la première fleur que nous avons goûtée. De quelle fleur s'agissait-il?
« C'était une variété de violette de jardin. »
Très belle…
« Très belle, oui. Mais, en général, les fleurs qui sont d'une grande beauté n'ont pas ou peu de goût. »
Ces fleurs que vous nous présentez et que vous cultivez dans votre jardin, les trouve-t-on toutes en République tchèque?
« Oui. Ce sont des fleurs qui sont très faciles à cultiver. Je ne suis pas une grande jardinière, je me débrouille mieux en cuisine. Je n'ai donc que des fleurs qui sont faciles à cultiver. Ce sont des fleurs que j'ai trouvées dans la nature, je les cultive dans la partie de mon jardin que j'appelle le pré. Il y a aussi des fleurs que j'ai achetées, d’autres que j'ai reçues en cadeau, etc. Dans ma voiture, j'ai une petite pelle, et quand je trouve une fleur intéressante, je la mets dans mon jardin. Je laisse pousser les fleurs librement, pour aboutir à une sorte de permaculture. »« Chaque fleur a une qualité. Une fleur peut être jolie ou rester fleurie longtemps, ou bien elle a un goût surprenant…. »
Ce n'est pas mauvais en tous les cas…
« (Rire) Je vais vous montrer une autre fleur intéressante : c'est une fleur jaune qui rappelle la fleur du pissenlit. »
Son nom en latin?« Ah… je ne sais pas! »
Et en tchèque?
« En tchèque, c'est ‘kozí brada’, parce que cette fleur fait penser à une barbe de chèvre. On la cultive aussi en France pour sa racine, le radis. Mais les jeunes pousses sont très délicates. C'est une fleur qui s'ouvre tôt le matin et qui se referme vers dix heures toujours dans la matinée, c'est pourquoi nous ne pouvons pas la voir maintenant (le reportage a été enregistré un après-midi, ndlr.). C'est très bon dans les salades. »
A présent une fleur jaune, plusieurs même…
« On va commencer avec celle-là... Ce sont des fleurs qui font partie de la même famille botanique, que l'on appelle la famille des boraginacées – ‘brutnákovité’ en tchèque. Celle-ci est une julienne des dames. C'est une fleur qui exhale un très joli parfum le soir et qui n'est pas trop forte. C'est une famille de fleurs qui convient plutôt aux repas salés. Allez-y, goûtez… »
Effectivement, elle a un peu plus de goût, c'est bon.
« Là, il y a de la roquette… »
De la roquette?
« Oui, la roquette que vous achetez en sachets dans les supermarchés. Si vous la laissez pousser, elle donne des fleurs, les plus jolies fleurs que l'on trouve dans cette famille. Mais goûtez... Vous verrez, c’est un peu plus prononcé. C'est une famille dans laquelle on trouve aussi le radis, le chou-fleur et beaucoup d'autres légumes que l'on utilise dans la cuisine. »
« Et puis il y a la moutarde, qui est jaune et peut se manger comme ça. Comme vous allez le vérifier, cela ne manque pas de goût… »
Ah oui, en effet. Mais le goût de la précédente était aussi très bon.. La roquette et la moutarde, vous les utilisez ensemble?
« Oui! »
Pour des salades?« J'en mets sur le fromage blanc et sur les tartines. »
Nous étions jusqu'à présent dans un potager bien cultivé, tandis que là nous arrivons dans un coin où vous laissez pousser…
« Oui, il y a là des marguerites dont les pousses ont elles aussi un goût un peu prononcé, même si elles appartiennent à une autre catégorie. C'est un peu amer, mais on peut les manger comme ça. Ce qui est très bon aussi, c'est dans les beignets. Je les mets dans la pâte et je les fais frire. »
Mais on ne perd pas un peu le goût?
« Si, un peu, mais comme le goût est assez fort au départ, le beignet que l'on obtient est délicat. »
Le tour du jardin se poursuit…
« Ici, j'ai quelques plants de reine-des-prés. Cette fleur a été à l’origine de la découverte de l'aspirine. Elle a un goût vraiment spécial. Elle peut être utilisée comme épice, mais cet usage doit être découvert ou redécouvert dans notre région. Au Moyen-Age, on la faisait sécher. On l'utilisait aussi pour aromatiser la bière. Elle a aussi beaucoup d'usages médicinaux. C’est intéressant, parce que c’est une fleur qui pousse dans des lieux moches ou qui ne sont pas très attirants comme les marécages. Or, ce sont généralement des lieux où l'on ne trouve pas de fleurs comestibles ou utilisables en cuisine. »
Que fait-elle donc dans votre beau jardin?
« Je l'ai amenée pour la cultiver, mais elle ne pousse pas très bien ici. »
Un peu plus loin dans le jardin…
« Ici nous avons la chicorée avec ses fleurs bleues. Elle pousse habituellement sur les trottoirs ou dans des endroits très secs. Bon ici la fleur est énorme, et elle est parfaitement comestible. Au printemps, on peut en mettre dans la salade. Elle a un goût amer, parce que c'est une fleur sauvage, et les fleurs sauvages sont toujours plus amères que les légumes que vous pouvez trouver dans les supermarchés. Si vous l'utilisez dans une salade, c'est toujours mieux de la combiner avec des choses que vous mangez régulièrement et que vous aimez. »Jana nettoie d’autres fleurs avec de l’eau…
« Et puis il y a une autre famille de fleurs qui poussent habituellement dans les endroits secs. Ces fleurs ont de grosses feuilles pour pouvoir accumuler l'eau. Cette famille se nomme « sedum » en latin. Vous pouvez goûter… »
Oui…
« Vous n'aimez pas? »
…
« Cela dépend toujours du métabolisme de chacun. »
Disons que le goût… On va dire que c’est une question d'habitude…« Si vous combinez avec la tomate par exemple, ou le concombre, cela apporte vraiment quelque chose de plus. »
« Et là, j'ai du foin gastronomique, ou du foin culinaire. »
Du foin culinaire ? C’est-à-dire?
« Ce sont des herbes qui sont coupées à la main, précieusement séchées, et en hiver vous pouvez en servir avec la viande. Avec le poulet surtout, ça se marie très bien. Les poulets ordinaires n'ont pas vraiment de goût, mais si vous ajoutez du foin… Le foin leur donne un goût qui fait penser à l'été, un peu sauvage… J'aime beaucoup! »
Expliquez-nous maintenant, Jana, d'où vous vient cet intérêt pour les fleurs, qui est devenu une passion?
Pour des salades?« Il me vient peut-être de la France. Avant d'écrire mon livre de cuisine, j'étais journaliste. Je m'occupais de tout ce qui concerne les voyages, les loisirs, la gastronomie: le meilleur métier que vous pouvez avoir! J'ai beaucoup voyagé dans les pays francophones et j'ai rencontré des cuisiniers qui utilisaient des fleurs. Comme j'ai moi aussi étudié les sciences naturelles, j'ai réuni les deux qualifications… Et voilà le résultat! »Dans un prochain Panorama, nous vous proposerons un entretien plus complet avec Jana Vlková, qui nous parlera de toutes ces activités liées aux fleurs et aux plantes et à la cuisine.