Vladimír Vochoč, ancien consul marseillais et bientôt « Juste parmi les nations »

Vladimír Vochoč, photo: Archives nationales de Prague

Consul à Marseille de 1938 à 1941, Vladimír Vochoč, décédé en 1985 à l’âge de 91 ans, a permis à de nombreuses personnes de fuir la France vichyste et la menace allemande en leur délivrant un passeport tchécoslovaque. Pour ce comportement valeureux, en lien avec l’opération de sauvetage organisée par l’Américain Varian Fry, le mémorial de Yav Vashem a décidé de l’honorer à titre posthume du titre de « Juste parmi les Nations », la plus haute distinction honorifique civile israélienne.

Vladimír Vochoč | Photo: Archives nationales de Prague
Vladimír Vochoč va donc rejoindre la liste des 115 citoyens tchèques considérés comme des « Justes parmi les Nations » ; il y en près de 25 000 à travers le monde, distingués pour avoir pris des risques importants pour sauver des juifs en situation de grand danger.

C’est à Marseille que Vladimír Vochoč s’est ainsi illustré. Le diplomate, qui a assuré différents postes à travers toute l’Europe dans l’entre-deux-guerres, y est nommé consul en 1938. Il décide de rester dans la cité phocéenne malgré la débâcle française de juin 1940 et alors que le régime de Vichy, favorable à la collaboration avec les Allemands, est instauré dans la moitié sud du pays. Ce spécialiste du droit international, parfaitement francophone, continue de jouer son rôle de consul dans des circonstances quelque peu floues puisque de fait la Tchécoslovaquie a cessé d’exister : la région des Sudètes a été annexée par le Reich qui occupe le reste d’un pays désormais dénommé Protectorat de Bohême-Moravie, tandis que la Slovaque est devenue un Etat satellite.

Tomáš Kraus,  photo: Jana Šustová,  ČRo
Parmi ses activités, il fournit des passeports à des personnes menacées par les Allemands afin qu’elles puissent s’enfuir, la plupart vers les Etats-Unis ou les Antilles françaises, via l’Espagne et le Portugal. Secrétaire de la Fédération des communautés juives, Tomáš Kraus explique :

« Il ne s’agissait pas seulement de réfugiés juifs. Il a fourni une aide en fait à tous les Tchécoslovaques avec la création d’une structure à cette fin. Son activité a duré presque une année, ce qui constitue une durée relativement importante au vue de la situation à cette époque dans le pays. Personnellement, je pense que sa motivation première était d’aider les Tchécoslovaques qui étaient menacés, qui fuyaient les nazis. Et il y avait de façon logique des juifs parmi eux. »

En collaboration avec Donald A. Lowrie, un Américain cadre de l’organisation YMCA, Vladimír Vochoč crée le Centre d’aide tchécoslovaque, dont l’objectif est de trouver un logement et de fournir une aide alimentaire à 600 soldats tchécoslovaques démobilisés en Provence. Il parvient à en évacuer plusieurs dizaines vers Casablanca.

Varian Fry | Photo: US Holocaust Memorial Museum
C’est avec un autre Américain, Varian Fry, que s’organise le gros du travail d’évacuation de personnes menacées. Ce journaliste, âgé de 32 ans en 1940, est en mission à Marseille pour aider des intellectuels et des militants antifascistes, une activité qui lui vaudra plus tard de recevoir ce titre de « Juste parmi les nations ». Vladimír Vochoč accepte de délivrer des passeports à tout individu que lui recommande Varian Fry, lequel assure le financement de l’opération. Le jeune américain aurait ainsi permis à plus de 2500 personnes de quitter la France, sans qu’il soit possible de déterminer le nombre exact de celles qui reçurent des papiers grâce à l’action de son complice tchécoslovaque. L’écrivain expressionniste Leonhard Frank ou encore l’historien Ernst Stein auraient bénéficié de ses services. Tomáš Kraus commente :

« En collaboration avec Varian Fry, Vladimír Vochoč a réussi à délivrer des passeports qui étaient pourtant quelque peu différents des passeports tchécoslovaques standards, mais qui n’en étaient pas moins valables. Il y a là réellement des histoires qui mériteraient d’être adaptées au cinéma. »

Quelques épreuves attendent encore M. Vochoč. Arrêté par la police française en mars 1941, il est d’abord interné avant de parvenir à rejoindre le Portugal puis l’Angleterre où il effectue différentes tâches administratives. De retour dans sa chère Tchécoslovaquie natale, il est victime d’un procès politique dans les années 1950 et condamné à treize années d’enfermement. Après sept ans passés derrière les barreaux, il est amnistié en 1960, puis sa condamnation est annulée quelques années plus tard. L’ancien consul à Marseille vit alors à Prague où il trouve le repos en 1985.