Tourisme : « Les Tchèques n’ont pas abandonné la Tunisie, mais les faire revenir demande du temps et du travail »
Destinations privilégiées dans un passé encore relativement récent, la Tunisie, l’Egypte et la Turquie, confrontées à des attaques terroristes, ne sont désormais plus tout à fait des pays de prédilection pour les touristes balnéaires tchèques. Outre la Croatie, dont les plages accueillent traditionnellement des centaines de milliers de Tchèques, la Grèce, la Bulgarie, l’Italie ou l’Espagne leur sont aujourd’hui préférées, essentiellement pour des motifs de sécurité. Dans le cas concret de la Tunisie, pour laquelle le tourisme est un secteur clé de l’économie, quelque 40 000 Tchèques s’y sont ainsi rendus en 2015, soit une baisse de fréquentation de près de 55% en l’espace d’un an sensiblement identique à la moyenne européenne. Pour autant, Oussama Ben Yedder, responsable à Prague des marchés tchèque et slovaque pour l’Office national du tourisme tunisien, reste (relativement) confiant. Il a expliqué pourquoi au micro de Radio Prague :
« Notre mission consiste donc à montrer le vrai visage actuel de la Tunisie, c’est-à-dire qu’elle n’est pas en état de guerre. Si nous y parvenons, nous gagnerons quelques milliers de clients indécis. La Tunisie a terminé 2015 avec 40 000 touristes tchèques, pour cette année nous en espérons 50 000. C’est certes un vrai challenge, mais aussi un objectif atteignable au vu de la programmation aérienne des tours opérateurs tchèques, qui s’élève à environ 70 000 sièges pour cette saison, du 29 avril au 2 novembre. »
Quelles sont désormais les destinations auxquelles les Tchèques donnent la priorité pour leurs séjours à la mer ?
« Les études de marché montrent que les destinations européennes sont en hausse. La tendance est à une certaine désaffection des destinations classiques de la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord avec la Turquie, l’Egypte et la Tunisie. Les Tchèques désormais choisissent d’aller en Bulgarie, en Espagne ou aux Canaries et en Sardaigne. Le problème de certaines de ces destinations, comme la Bulgarie, est que leur capacité d’accueil est plus limitée. La saison est plus courte aussi : ce ne sont que deux mois en été. Il y aura donc très certainement des personnes insatisfaites, qui n’auront pas pu réserver parce que tout est plein ou qui n’auront pas apprécié leur voyage à cause de la météo ou de l’eau froide de la mer. Nous tablons donc sur l’overbooking de ces destinations, mais aussi sur les clients tchèques qui savent que les plages tunisiennes sont particulières et presque inégalables dans les autres pays. »Est-il compliqué de restaurer l’image écornée de la Tunisie auprès de Tchèques qui ne sont pas forcément très bien informés de l’évolution de la situation dans le pays ?
« Les Tchèques ne subissent pas le même tapage médiatique que subissent les Anglais, les Allemands, les Français ou les Italiens. Disons que les médias tchèques n’ont pas bombardé leur public avec des informations parfois exagérées. Mais seul le temps nous dira si les Tchèques reviennent en Tunisie. C’est le temps qui aide à restaurer l’image d’une destination. En fait, les Tchèques n’ont pas abandonné la Tunisie l’année dernière. 40 000 visiteurs est un chiffre qui nous pousse à être optimistes. Nous n’espérons pas accueillir 100 000 Tchèques cette année comme cela était le cas deux ans auparavant, mais il faut que nous retrouvions progressivement la bonne image et la position qui étaient les nôtres. Nous faisions partie du Top 10 des destinations touristiques. Nous l’avons quitté en 2015, mais nous comptons le réintégrer très prochainement. Nos investissements en termes de marketing, de publicité et de relations publiques en République tchèque doivent porter leurs fruits. »Dans quelle mesure est-il important pour vous que le ministère des Affaires étrangères tchèque n’ait pas interdit, à la différence d’autres pays européens, à ses ressortissants de voyager en Tunisie ?
« Il faut saluer le pragmatisme de la diplomatie tchèque. Ceci dit, les pays européens qui ont interdit à leurs ressortissants de voyager en Tunisie ne sont au nombre que de quatre ou cinq. Il ne faut donc rien exagérer. Je pense que c’est une façon pour la République tchèque d’aider la Tunisie. Le premier partenaire de la Tunisie est l’Union européenne. Celle-ci fournit beaucoup d’aides à la Tunisie en termes d’expertise, de coopération ou de création d’emplois. L’enjeu en Tunisie est très important, car le pays est un facteur de stabilité pour toute la région. Et je pense que la République tchèque, comme d’autres pays européens, a compris cela : il faut aider la Tunisie à rester debout et à faire vivre sa nouvelle démocratie. D’une certaine manière, même si cela s’est passé un peu différemment, la République tchèque avec sa révolution de velours a vécu la même transition que la Tunisie. »Compte tenu de l’évolution des chiffres, comment se passe votre mission en République tchèque ? Maintenir le cap ne doit pas toujours être aisé…
« Vous savez, il y a trois ou quatre ans de cela, la Tunisie n’avait même pas besoin de publicité. A mon arrivée à Prague il y a un an et demi de cela, les professionnels du secteur m’avaient dit que la demande se faisait d’elle-même, et ce par dizaines de milliers. Maintenant, la donne a changé. Il faut faire de notre mieux pour que les touristes reviennent en Tunisie. Il y a différents moyens pour cela. Je sais que cela peut prendre quelques années pour que les chiffres retrouvent le niveau qui était le leur. »
« Mais travailler sous cette pression peut nous donner encore plus de tonus. Nous le faisons pour nous, par amour pour notre pays, mais aussi pour la République tchèque, car on ne peut pas travailler dans un pays que l’on n’aime pas. Nous nous efforçons de tisser des liens entre deux pays qui ont pratiquement les mêmes données démographiques et même géographiques, car la Tunisie comme la République tchèque sont deux pays situés entre deux ou trois grandes puissances. Ce sont deux pays qui ne peuvent tirer leur épingle du jeu et avoir un essor économique que grâce à leurs bonnes relations avec leur entourage. Faire le maximum pour l’image de la Tunisie en République tchèque est donc une nécessité. »