Meet Factory : le programme des résidences croisées accueille régulièrement des artistes francophones
Les résidences croisées, organisées par le centre d’art contemporain pragois, la Meet Factory, permettent depuis 2007 aux artistes de différents pays de venir travailler en République tchèque. Durant une période allant d’un à trois mois, ces artistes sont logés dans une quinzaine d’ateliers situés à Prague. Ainsi, ils peuvent se concentrer sur leur travail mais également nourrir des contacts avec d’autres artistes ou managers culturels tchèques et étrangers. Radio Prague est allée à la Meet Factory pour rencontrer les deux résidents francophones de cet été, Elodie Gallina de France et Alioune Diouf du Sénégal.
Les résidences croisées, une expérience qui facilite la coopération internationale
Elodie Gallina travaille comme curatrice au Centre européen d’actions artistiques contemporaines à Strasbourg. Elle est responsable des relations internationales et elle s’occupe également des résidences partenaires. Elle a confié au micro de Radio Prague que cette résidence, obtenue via son homologue tchèque Zuzana Jakalová, lui permet d’élaborer une coopération entre le milieu artistique tchèque et strasbourgeois :« J’ai été invitée à la Meet Factory pour faire une résidence d’un mois de curatoriat, pour observer la scène artistique tchèque et prolonger mes recherches autour de la relation entre l’art visuel et le son. »
Comment se passent vos journées ?
« Mes journées sont globalement tournées vers des recherches sur internet. Je passe mon temps à contacter les artistes, à repérer les galeries et à continuer mes recherches, c’est-à-dire beaucoup d’écoute de pièces sonores. Mais je suis là aussi pour trouver des lieux qui pourraient m’intéresser et avec lesquels on pourrait avoir un certain rapprochement. Ce travail de prospection concerne à la fois les galeries et les centres d’art mais aussi les artistes avec lesquels on pourrait collaborer dans le futur. Et puis, le soir, c’est plus calme et nous essayons de sortir pour voir comment se passe la scène culturelle de Prague. »
Vous avez un objectif précis qui achèverait cette résidence ?
« Mon objectif principal a déjà été atteint. Il consistait à proposer pour les derniers ateliers ouverts quelque chose qui permettrait au public d’apprivoiser un artiste de Strasbourg, de comprendre de quoi il s’agit quand on parle d’art sonore, de savoir comment les liens sont créés entre le son et les arts visuels. Le public a été très actif, il a pu prendre le temps d’écouter certaines pièces sonores présentées et de noter ses réactions. Et pour le reste de la résidence, je vais encore continuer mes recherches. »C’est la première fois que vous êtes à Prague ?
« C’est la quatrième fois. Comme nous travaillons avec la Meet Factory, je suis déjà venue plusieurs fois. Mais c’est la première fois que je fais une résidence et je suis très contente de cette opportunité que l’on m’offre ici. C’est un moment très privilégié qui me permet de prendre le temps d’approfondir mes recherches et de rencontrer les artistes tchèques. »
Pouvez-vous comparer les résidences à Prague avec celles à Strasbourg ou même en France en général ?
« En France, en général, je ne les connais que de nom et je ne les ai pas toutes visitées. Mais la différence entre Prague et Strasbourg repose dans le fait que d’une part Prague est une grande ville où l’on trouve beaucoup d’offres culturelles pour les artistes et d’autre part que le lieu de résidence même est beaucoup plus grand. Notre lieu de résidence permet d’accueillir trois artistes alors qu’ici, les ateliers sont grandioses et accueillent actuellement une dizaine d’artistes. De plus, à Prague, il y a également de la musique, des concerts, du théâtre tandis que nous sommes spécialisés seulement en art visuel. Quand on est curieux, la proposition ici est donc formidable et il y a beaucoup de choses à faire pour les artistes. Je continue donc à le découvrir chaque jour, parce que la scène artistique en République tchèque est différente. Je trouve que les artistes tchèques ont une démarche plus provoquante et un peu plus singulière qu’en France où on est parfois plus conservateur. »Les relations humaines comme une source d’inspiration artistique
Le deuxième résident francophone, le peintre sénégalais Alioune Diouf, vit dans la colonie artistique « Village des Arts » à Dakar. Son esprit ouvert et son envie de rencontrer les gens et de voir différents endroits dont il s’inspire pour ses tableaux l’ont amené jusqu’à Prague :« Cette résidence est merveilleuse parce qu’elle fait venir des cultures différentes, des savoirs différents, des visions différentes, des esprits différents et elle les met ensemble. C’est bien beau ! »
Pouvez-vous présenter votre travail ?
« Mon art, c’est ma vision du monde, ma révolution qui va vers les hommes. Les hommes sont toujours présents dans ma peinture. Tous. Je n’ai pas d’ennemi. Je suis un homme ouvert vers le monde. J’ai travaillé pendant vingt ans dans la menuiserie. Mais j’ai vu que si je continuais dans ce travail, je vieillirais sans avoir ce que je voulais. Je me suis donc révolté contre la menuiserie et je suis entré dans les arts. J’ai rencontré un bon esprit de l’art, Joe Ouakam, un artiste sénégalais connu dans le monde, qui m’a ouvert les yeux. Il est mon père artistique. »
Comment avez-vous découvert cette résidence à Prague ? C’est assez loin…
« C’est un peu loin mais mon boulot me l’a permis. J’ai exposé à Dakar et j’ai reçu des hommes de Prague. On a discuté pendant un bon moment. Et ils m’ont dit que si je voulais, je pourrais venir à Prague et que l’on m’offrirait une résidence pour que je puisse travailler. J’étais prêt à me plonger dans cette aventure. Il faut sortir de chez soi ! »
Vous êtes à Prague pour la première fois. Que pensez-vous de la ville ?
« Je la trouve merveilleuse ! Je suis très heureux de voir la circulation qui est très ordonnées ici. J’ai fait même un tableau qui représente mon regard sur Prague. Il y a l’homme et la femme de Prague en haut et le reste sont des flèches indicatrices de la circulation avec l’enfant de Prague sur son monument à côté. Avant-hier, dans la nuit, je me suis un peu perdu. Je suis allé chez moi mais le bus m’a amené trop loin. Je suis entré dans la vieille ville. Je n’ai pas vu mon chemin. Cela m’a permis de tourner dans la ville, la vieille ville avec la rivière… J’ai vu les gens marcher et soudainement, j’ai vécu un de mes tableaux. »Vous avez passé aussi une résidence au Maroc. Pouvez-vous comparer ces deux résidences ?
« Elles sont un peu différentes. Là, même si nous nous sommes bien amusés, nous avons beaucoup travaillé. Mais ici, je peux aller également dans la ville. C’est rapide pour aller à la ville et pour rentrer à la maison. Je suis vraiment heureux de cette circulation à Prague. En plus, les gens à Prague sont ouverts pour te voir et à t’écouter. C’est très important. J’aime l’existence ! J’aime tout ce qui est beau. Mon amour est très ouvert vers le monde. »
Comment vous passez vos journées ? Vous vous réveillez, vous travaillez…
« Aujourd’hui, c’est la première fois que je suis rentré à treize heures. Au départ, je venais à sept heures et je n’ai pas dormi pour faire mon devoir qui fait que je suis là. Je veux le faire bien. Je suis habitué à travailler et à être fatigué. Mais aussi, j’ai besoin de communiquer. »
Peut-on attendre une exposition à la fin de votre résidence ?
« Oui, on le veut et je le souhaite aussi. Je ne veux pas travailler et puis emporter mes tableaux sans que personne ne les voie. Je veux que le public pragois puisse découvrir tout ce que j’ai fait avant que je rentre. »La Meet Factory est le plus grand représentant des programmes de résidences croisées en République tchèque. Les ateliers qui accueillent chaque année quelque trente artistes et curateurs du monde entier, s’ouvrent régulièrement au public, la prochaine fois le jeudi 3 septembre à partir de 19h00. Cette soirée spéciale que la Meet Facory organise à l’occasion de l’inauguration d’une nouvelle saison, proposera également une exposition consacrée aux artistes israéliens, « The Set », un film expérimental du jeune réalisateur tchèque Dalibor Knapp, ou plusieurs concerts parmi lesquels Ideal Corpus, un duo basé à Marseille.