Rapport Social Watch : la pauvreté ne recule pas dans une société tchèque marquée par la montée de l’intolérance
Malgré la reprise de l’activité économique, la pauvreté continue de menacer de nombreux Tchèques. Par ailleurs, le racisme à l’égard des Roms a quelque peu été éclipsé par la montée de l’islamophobie et de la peur des migrants. Ce sont les principaux constats de l’ONG internationale Social Watch dans son septième rapport annuel publié cette semaine.
Cohérent avec le programme électoral du parti social-démocrate, le gouvernement de Bohuslav Sobotka a annoncé jeudi une nouvelle hausse de 700 couronnes du salaire minimum, qui devrait progressivement être porté aux deux cinquièmes du salaire moyen. Economiste ayant contribué à la rédaction du rapport de Social Watch, Ilona Švihlíková salue cette mesure et reconnaît les efforts en la matière de la coalition gouvernementale :
« Je pense que l’un des points les plus importants est lié à la hausse du salaire minimum. Il faut aussi souligner que le gouvernement actuel est bien plus conscient que son prédécesseur de l’importance du thème du logement social. Pour moi, cette hausse du salaire minimum est clairement nécessaire. Il n’est pas normal et c’est un non-sens économique que le salaire minimum soit à un niveau bien inférieur au seuil de pauvreté. Quand on regarde des comparaisons internationales, on constate que les personnes célibataires en République tchèque -un groupe très menacé par la pauvreté - doivent en moyenne travailler plus longtemps pour éviter de se retrouver sous le seuil de pauvreté. »Vice-présidente du comité parlementaire en charge de la politique sociale, la députée Radka Maxová, du mouvement ANO, la deuxième force du gouvernement, considère que le rapport est positif et qu’il convient de poursuivre le travail entamé avec l’objectif de « réduire la différence du niveau des salaires avec les autres pays européens, de baisser le nombre de personnes en situation de pauvreté et de gommer les inégalités salariales entre hommes et femmes ». Une ardeur tempérée par Ilona Švihlíková, qui souligne que les fruits de la croissance sont inégalement partagés, les bénéfices augmentant plus vite que les salaires et profitant bien souvent à des investisseurs étrangers.
Voilà pour l’aspect économique du rapport Social Watch, qui s’attache également à prendre la température de la société tchèque. L’an passé, les auteurs insistaient en particulier sur la montée du racisme anti-Tsigane, et ce sur le long terme, au moins depuis la révolution de 1989. Mais ces derniers mois, les problématiques migratoires ont pris le dessus dans les médias et l’opinion publique. Avec le conflit armé en Syrie et les attentats à Paris ou en Tunisie, a émergé un violent sentiment islamophobe, couplé à une peur des migrants, qu’utilisent et entretiennent certains mouvements comme celui de l’entomologiste de l’Université de Bohême du Sud Martin Konvička ou les formations politiques successives de l’homme d’affaires tchéco-japonais Tomio Okamura. C’est dans ce contexte que le ministre en charge des droits de l’homme Jiří Dienstbier a apporté jeudi son soutien à la lettre signée par plus de 2500 chercheurs contre la peur et l'indifférence à l'égard des migrants. Le social-démocrate a également commenté le rapport Social Watch pour la Radio tchèque :« Je pense que cela (la montée de la xénophobie, ndlr) représente un plus grand risque pour notre société que la vague migratoire, qui évidemment a aussi des implications pour la sécurité. Mais l’intolérance au sein même de notre société constitue selon moi un plus grand risque aujourd’hui. »
Outre ces questions, le rapport de Social Watch, réseau international né en 1995 sur la base de neuf organisations, s’intéresse également à la bonne santé du secteur de l’armement en République tchèque, regrettant que ces armes finissent bien souvent dans les mains de régimes autoritaires. Enfin, il est aussi question d’égalité des sexes. Les auteurs du rapport se satisfont de la volonté affichée du gouvernement d’avancer sur ce sujet et remarquent par exemple une hausse du nombre de femmes élues au poste de maire, puisqu’elles sont désormais à la tête de 23% des municipalités tchèques.