La magie des films de Karel Zeman revit sur les toiles françaises
Les éditions Malavida font, en France, depuis quelques années, un travail digne d’être salué. Grâce à la pugnacité et la passion de Lionel Ithurralde et Anne-Laure Brénéol, de nombreux films tchécoslovaques sont désormais accessibles en VOST au public français, en DVD, mais aussi par le biais de ressorties de films dans les salles. Dernier événement en date, la reprise de trois films de Karel Zeman, considéré un peu comme le « Méliès » tchèque. Depuis une dizaine de jours, le public français peut découvrir ou redécouvrir « Voyage dans la Préhistoire » (1955), son deuxième long-métrage, et deux œuvres emblématiques un peu plus tardives : « Le Baron de Crac » (1961) et « L’arche de M. Servadac » (1970). Radio Prague s’est entretenue avec Lionel Ithurralde qui donne plus de détails sur ces trois longs-métrages.
Comment est née l’idée de ressortir les films de Karel Zeman en salles ?
« On a déjà travaillé à plusieurs reprises sur l’œuvre de Karel Zeman. On a ressorti il y a deux ans son film qui était le plus connu en France, L’invention diabolique. Il y a quelques mois, on a ressorti un programme de courts-métrages sur les œuvres de jeunesse de Karel Zeman, avec un florilège de ce qu’on a estimé être exemplaire de cette œuvre de courts-métrages. C’était évidemment un désir de longue date, mais qui a rencontré des demandes d’exploitants de cinémas en France qui ont exprimé leur souhait de pouvoir diffuser plusieurs films de Karel Zeman, et notamment ceux-là, qu’on avait déjà partiellement sortis en DVD. Les exploitants nous disaient qu’il était intéressant de pouvoir faire des mini-festivals ou de pouvoir rediffuser plusieurs films de Karel Zeman dans un même cinéma pour tout simplement pouvoir défendre une œuvre que pas mal de gens connaissent bien et aiment beaucoup en France. »C’est intéressant : c’est donc vraiment parti d’une demande extérieure, et cela signifie que Karel Zeman est connu, apprécié et qu’il a ses fans !
« Il est connu d’un public assez réduit en France, mais le public qui le connaît adore son œuvre. C’est un vrai public de fans. C’est souvent des adultes qui connaissent mieux le travail de Zeman parce que dans les années 1960-1970 ses films ont été montrés. Je vous ai parlé de L’invention diabolique, mais il y a aussi Le dirigeable volé. Les longs-métrages d’animation ont aussi été montrés en France. Les adultes se souviennent souvent de ces films avec nostalgie et ont souvent un fort désir de les revoir et de les faire découvrir à leurs enfants. Cela ne concerne pas un énorme public, mais les gens qui le connaissent sont très motivés pour aller voir ces films. On est certains qu’il y aura un bon bouche à oreille. Les gens qui découvrent Zeman, généralement, aiment beaucoup ce qu’il fait, surtout pour la période des années 1960 où il est à l’apogée de son travail. »Je comprends que d’anciens enfants devenus adultes aient envie de revoir ces films et de les montrer à leurs enfants. Justement, cette nouvelle génération d’enfants, comment réagissent-ils à ces films ? Ils grandissent quand même dans un monde différent au niveau des technologies…
« C’est encore un peu difficile à dire car les films sont sortis en salle il y a quelques jours seulement. Ils s’adressent chacun à des tranches d’âge qui sont différentes. En plus on a décidé de garder deux films en VO sous-titrés et de faire un film en version française. Donc on va voir. On a plutôt conseillé les films à partie de 7 ou 8 ans. Comme on vend certains de ces films en DVD, on sait déjà que la perception de l’œuvre de Zeman par les enfants est différente d’un enfant à l’autre, suivant leur éducation à l’image, leur sens de la poésie ou de la magie… Les réactions peuvent être soit parfois un peu froides, soit enthousiastes. Mais pour ce qui est des films en salles, c’est encore un peu tôt pour dire. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’en termes de presse, ça s’est très bien passé. On a eu de très bons retours. C’est une presse très diverse, autant de la presse spécialisée dans les films de patrimoine comme Positif, que des magazines grand public comme Le Nouvel Observateur. Mais aussi une presse qu’on n’avait pas touchée jusqu’à présent, comme VSD, qui mentionne la sortie pour le côté magique des films de Zeman et leur côté décalé par rapport à ce qui se fait aujourd’hui… »Il y a énormément de choses à dire sur les films de Karel Zeman. Je sais que c’est difficile à dire, mais qu’est-ce qui fait la magie et le charme de ces films encore aujourd’hui ?
« Ce qui fait le charme de ces films – et ce n’est pas péjoratif ce que je vais dire – c’est qu’on dirait que ce sont des films fait par un enfant, pour des enfants. On sent vraiment à travers son regard d’adulte que son public, c’est les enfants. Ce qui est paradoxal car ses films ont parfois été plus appréciés par des adultes. Mais la magie qui se dégage de ses films tient au fait qu’il a gardé son regard d’enfant et qu’il a choisi une manière de faire les films, une sorte de bricolage artisanal, qui correspond à la manière dont jouent les enfants. Ça donne à tous les films qu’il a faits un charme indémodable, accessible à tous, aux parents comme aux enfants. »