Le Vendredi saint redeviendra-t-il férié en République tchèque ?
La République tchèque, qui est souvent présentée comme le pays le plus athée d’Europe, va-t-elle faire du Vendredi saint un jour férié ? Si la réponse à cette question est encore loin d’être affirmative, c’est néanmoins ce à quoi aspire le parti chrétien-démocrate, une des trois formations de la coalition gouvernementale. Si leurs partenaires sociaux-démocrates ne sont pas opposés à l’idée, comme l’a confirmé le Premier ministre Bohuslav Sobotka jeudi, rejoints en ce sens par d’autres partis également, le parti communiste, lui, est plus réservé sur le sujet.
« Nous n’avons de cesse de demander que le Vendredi saint soit un jour férié. C’est le cas dans de nombreux pays d’Europe, notamment dans les pays ayant une tradition protestante où ce jour est important, et même le plus important. »
En effet, en Slovaquie, Allemagne et Autriche voisines, mais aussi dans les pays scandinaves, le Vendredi saint est un jour chômé : commémorant la Passion du Christ, c’est l’une des fêtes les plus importantes du calendrier liturgique chrétien. Paradoxalement, dans un pays comme l’Italie qu’on peut difficilement taxer d’athéisme farouche comme la République tchèque, le Vendredi saint est un jour ouvrable. En France, pays laïc s’il en est, seules l’Alsace et la Moselle ne travaillent pas, une tradition reliquat du droit allemand dans ces régions frontalières.
En République tchèque, ce jour férié a été supprimé au début des années 1950 par le régime communiste en place. Aujourd’hui, le Parti communiste de Bohême et de Moravie argue que la signification religieuse du Vendredi saint n’aurait guère d’impact sur la population ; un argument qui pourrait prévaloir également pour le lundi, jour férié lui, qui referme un week-end pascal devenu une fête païenne bien plus que religieuse pour un grand nombre de Tchèques.
Pour les opposants les plus fervents à l’institution d’un Vendredi saint dédié au repos, les raisons économiques prévalent : une journée chômée supplémentaire serait contreproductive en temps de crise. En attendant, paradoxe de la situation, les écoliers tchèques, eux, à l’exception de ceux des classes maternelles, ont leurs jeudi et vendredi de libres. Un casse-tête pour les parents qui doivent travailler comme n’importe quel autre jour de la semaine, avant de profiter d’un week-end prolongé. Pour Jiří Mihola, l’aspect religieux des fêtes pascales ne doit pas occulter un aspect plus culturel :
« Les fêtes de Pâques sont les plus importantes de l’année. On ne peut les ignorer. Il ne faut pas les considérer uniquement comme des fêtes religieuses, mais comme faisant partie intégrante de la culture et des traditions tchèques. En outre, elles vont de pair avec des journées de vacances pour les écoliers. Pour certains, ce sont des fêtes religieuses, pour d’autres, c’est plutôt un agréable jour de congé en plus qui permet de se retrouver en famille. »Avec treize jours fériés dans son calendrier, la République tchèque se situe plutôt dans la moyenne européenne. A titre de comparaison, l’Allemagne voisine en compte dix-sept et l’Espagne une vingtaine, tandis que les Français s’en contentent de onze.
Ce n’est pas la première fois que des députés tchèques souhaitent réinstaurer le Vendredi saint comme jour férié. Alors qu’une partie de d’entre eux souhaitent débattre de la question, les chrétiens-démocrates finalisent leur proposition de loi, tout en espérant voir un signe positif dans la décision de leurs collègues de ne pas se réunir en ce vendredi à la Chambre basse du Parlement. Comme quoi, s’il ne l’est pour la plupart, le Vendredi saint est en somme déjà un jour férié pour certains Tchèques…