Quelles leçons tirer de la fusillade d’Uherský Brod ?

Photo: ČTK

Un peu plus d’une semaine après la fusillade qui a bouleversé la paisible ville d’Uherský Brod et l’ensemble de la société tchèque, l’heure est désormais aux questions sur les motifs de cet assassinat et les possibilités de prévention. En matière de politique intérieure, la presse tchèque a également suivi avec attention le congrès, le week-end dernier, du mouvement ANO, une des trois formations de la coalition gouvernementale, un parti qui se présente aussi actuellement, si l’on s’en tient aux sondages, comme la première force politique du pays. Et puis une jeune Tchèque se trouve parmi les adeptes à un voyage sans retour sur Mars. Une aventurière qui a expliqué ses motivations à l’hebdomadaire Respekt.

Photo: ČTK
Le motif de la fusillade dans un restaurant de la ville d’Uherský Brod (Moravie du Sud) qui a entraîné, le mardi 24 février, la mort de neuf personnes, dont le tireur, un sexagénaire propriétaire d’un permis de port d’armes, demeure à ce jour inconnu. Outre les détails relatifs à cet événement tragique, les médias ne cessent d’apporter également différentes réflexions.

Zbyněk Petráček, du quotidien Lidové noviny, constate ainsi que la fusillade d’Uherský Brod a suscité, logiquement, de fortes réactions émotionnnelles et verbales. Il estime toutefois que cet événement, aussi tragique soit-il, ne soulève qu’une seule question fondamentale, à savoir s’il s’agissait d’une erreur du système appelée à donner lieu à un engagement de l’Etat et des autorités législatives. Dans le cas contraire, il s’agit, précise l’auteur, « d’une tragédie qu’il est impossible de prévenir à 100% dans un monde libre ». Dans une note rédigée pour le site aktualne.cz, le publiciste et médecin Jan Hnízdil situe, lui, cet événement dans un contexte plus large :

« Les attentats suicidaires en Irak, en Syrie, en Afghanistan. Les milliers de morts en Ukraine. Les massacres à Paris et à Bruxelles... Tout ceci semble loin et on peut se dire que le pire n’est pas encore advenu. Nous ne nous rendons compte que trop tard que nous faisons désormais partie d’un monde plongé dans la violence et la guerre. Mais la mort de ces huit personnes à Uherský Brod nous touche directement, car nous-mêmes aurions pu être à la place des victimes. »

Jan Hnízdil remarque que le débat, animé, tourne désormais en premier lieu autour du professionnalisme de l’intervention policière, des compétences de la psychiatrie, de l’approche des médecins, sans pourtant se pencher sérieusement sur les motifs qui peuvent conduire à un tel acte. Il précise :

« Un homme stressé peut réagir de façon extrême, par un assassinat, un suicide ou un comportement asocial. La société majoritaire considère un tel individu comme un aliéné, cherchant vainement les motifs qui l’ont incité à commettre une telle chose. Mais c’est la société elle-même qui est malade à force de repousser ce type de personnes dans leur isolement... On peut craindre que la tragédie d’Uherský Brod ne soit pas la dernière. »

« L’assassin d’Uherský Brod était l’un d’entre nous », observe pour sa part le publiciste et politologue Jiří Pehe en introduction de son commentaire mis en ligne sur le site novinky.cz. Il écrit :

« Les représentants politiques et les experts tirent différentes ‘leçons’ de l’assassinat collectif à Uherský Brod. Mais il y a une leçon qui n’a pas été mise en relief et qui est pourtant fondamentale, notamment à la lumière du rejet croissant, voire de la xénophobie, de la population tchèque à l’égard des immigrés et de la minorité rom. Cette leçon est que l’assassin d’Uherský Brod était un Tchèque ethnique, tout comme l’était, il y a quelque temps de cela, celui qui avait fait exploser une maison en préfabriquée dans la ville de Frenštát pod Radhoštěm. »

L’auteur de l’article rappelle également que le plus grand crime de ces dernières décennies, qui a entraîné la mort en 2013 et 2014 d’une quarantaine personnes intoxiquées par de l’alcool frelaté avec du méthanol, était l’œuvre intégrale de bandits parfaitement tchèques. En conclusion, Jiří Pehe affirme :

« L’acte horrible qui s’est produit à Uherský Brod nous enseigne qu’au lieu de nous concentrer sur le rejet de tout ce qui est ‘étranger’, y compris les attaques contre l’islam et les immigrés, sans parler de la minorité rom, on devrait plutôt se consacrer aux dangers et aux pathologies qui existent ‘chez nous’, au sein de notre majorité tchèque qui est en apparence correcte. »

La politique étrangère et les réticences du mouvement ANO

Andrej Babiš,  photo: ČTK
Dans un de ses textes rédigés pour le quotidien économique Hospodářské noviny, Petr Honzejk se penche sur certains aspects du récent congrès du mouvement ANO, une des trois formations de la coalition gouvernementale qui, selon les sondages, bénéficie actuellement des plus fortes intentions de vote. Petr Honzejk retient notamment l’absence de toute mention de politique étrangère dans le discours prononcé à cette occasion par Andrej Babiš. Réélu leader du mouvement ANO, Andrej Babiš s’est exprimé essentiellement sur des questions de politique intérieure. Rappelant les efforts déclarés de Vladimir Poutine de réviser l’évolution des vingt-cinq dernières années, Petr Honzejk remarque :

« On aimerait savoir quelle est la position d’Andrej Babiš, un homme politique qui déclare ouvertement son intention de devenir Premier ministre à l’issue des élections législatives de 2017, au sujet de la menace russe. Mais Babiš a passé sous silence tout ce qui se passe à l’Est, évitant de prononcer les mots Russie, défense ou armée. C’est d’autant plus inquiétant que le ministère de la Défense est dirigé par un représentant du mouvement ANO, le tout dans une situation où nos forces armées sont dans un état déplorable. »

Petr Honzejk conclut qu’il est difficile d’évaluer pourquoi le chef du mouvement ANO se comporte comme il le fait. Selon lui, il se peut qu’Andrej Babiš considère que ce qui se passe en dehors de nos frontières ne nous concerne pas tellement et que la sécurité de la Tchéquie doive être garantie par quelqu’un d’autre. Pourtant, comme le souligne Petr Honzejk, « s’occuper uniquement du PIB et ignorer ce qui se passe à l’étranger n’est pas possible ».

Une candidate tchèque pour aller sur Mars

Lucie Ferstová,  photo: Marián Vojtek,  ČRo
Elle s’appelle Lucie Ferstová. Elle a 25 ans et toute la vie encore devant elle. Surtout, Lucie Ferstová est un des candidats inscrits au projet de l’association néerlandaise à but non lucratif Mars One qui planifie de coloniser « la planète rouge » à compter de 2025 en organisant un voyage sans retour. Sur la base de deux concours, elle fait désormais partie de la centaine de candidats sélectionnés parmi les 202 586 adeptes de départ. Pourquoi Lucie Ferstová a-t-elle pris une telle décision ? La jeune femme tchèque, qui travaille actuellement comme au-pair en Angleterre, a expliqué ses principales motivations dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt :

« Je n’ai jamais rêvé d’une chose pareille. Mais comme j’ai passé un certain temps à étudier l’astrophysique, j’ai réalisé qu’il s’agissait là d’un projet unique en son genre, comparable à la découverte autrefois des continents inconnus, un projet qui permettra de faire progresser considérablement l’humanité. En plus, le projet n’est pas assujetti aux buts de certaines grandes puissances ou limité aux personnes entraînées à l’avance ou érudies, car Mars One prend en charge ces deux aspects. »

La perspective d’être privée pour de bon de beaucoup de choses plaisantes, comme le soleil, la forêt ou les odeurs, n’altère en rien la détermination de Lucie Ferstová, qui déclare :

« C’est clair : je crois en ce projet, et ce en raison des valeurs qui sont les miennes et de mon orientation personnelle. Je suis consciente que je devrai renoncer à la vie telle que nous la connaissons et je suis prête à accepter une vie foncièrement différente et plus difficile. Mais, là-bas aussi, ma vie sera accomplie. Une blessure fatale ou d’autres circonstances qui me disqualifieraient seraient les seules choses qui pourraient me décourager. »

Lucie Ferstová avoue qu’elle serait déçue si elle n’était finalement pas retenue pour composer un des six équipages de quatre membres qui sont envisagés pour voyager sur Mars. Elle ajoute cependant qu’elle ne serait pas démoralisée non plus, « d’autant moins que les préparatifs des nouveaux équipages seront par la suite mis sur pied ».