Un centre social autonome naît à Prague

Photo: Petr Vrabec foto

Vendredi dernier, les autorités ont donné leur feu vert à la création d’un centre social autogéré « Klinika » dans le bâtiment d’une ancienne clinique du quartier pragois de Žižkov. Les membres de l’initiative éponyme ont occupé ces locaux en novembre dernier, mais ils ont été chassés par la police quelques jours plus tard. La décision de leur céder le bâtiment pour un usage gratuit, quoique limité dans le temps, peut témoigner d’un changement d’attitude vis-à-vis des pratiques des occupations illégales en République tchèque.

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En novembre dernier, une trentaine de personnes ont investi les locaux d’une ancienne clinique laissée à l’abandon depuis plusieurs années par l’Etat, son propriétaire. Après le nettoyage, le groupe y a ouvert un centre communautaire avec des événements organisés tous les jours. Eva Lédlová, membre de l’initiative « Klinika » évoque la raison d’être d’un tel lieu :

« Nous pensons que Prague a besoin d’un centre autonome social et culturel. Dans toutes les grandes villes en Europe, il y a un centre de ce type. Le centre autonome social n’est pas fondé sur les principes du marché, il est au contraire fondé sur les principes du volontariat. Cela veut aussi dire que chacun peut s’y réaliser. »

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L’intervention policière au mois de décembre a mis fin à cette expérience de dix jours. « Klinika » aurait pu devenir une manifestation de squatteurs parmi d’autres, dans la mesure où il s’agissait d’occuper un bâtiment délabré afin d’attirer l’attention sur la pénurie du logement. Mais pour l’heure, cette histoire ne s’est pas terminée là.

Un mouvement de soutien s’est alors mis en route, avec des manifestations qui ont attiré plusieurs centaines de personnes et, en parallèle, avec des négociations avec les autorités. En l’espace d’un mois, l’initiative a collecté plus de 100 000 couronnes (environ 3 600 euro) destinées notamment à payer les frais d’avocats pour ses membres accusés d’avoir illégalement occupé le bâtiment.

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Preuve du caractère attirant de l’affaire, le ministre des Finances Andrej Babiš s’est également rendu sur place. Sa solution a été de renvoyer le chef du Bureau de la représentation du gouvernement en matière de propriété (ÚZSVM), l’organe responsable de l’ancienne clinique. Andrej Babiš a également donné l’impulsion à ce qu’un appel à candidatures soit lancé pour trouver un gestionnaire temporaire du bâtiment. Les locaux lui seront cédés gratuitement jusqu’au moment où l’Inspection générale des corps de sécurité (GIBS), une institution à laquelle le bâtiment aurait été promis, veuille en faire l’usage. Le locataire temporaire devra néanmoins rénover le bâtiment à ses frais.

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Au départ, trois projets ont été soumis au bureau. Un a été exclu pour des manquements du dossier, l’autre s’est désintéressé au cours de la procédure. Le projet de l’initiative « Klinika » s’est donc retrouvé comme seul participant et automatiquement vainqueur de cet appel. Le bail sera signé au cours de cette semaine. Eva Lédlová a précisé le type d’activités qui verront bientôt le jour dans les locaux reconquis :

« Il y aura une cuisine communautaire, un jardin pour les enfants, un cinéma, une université populaire, ainsi que des concerts et des événements culturels comme des expositions, etc. »

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Les membres de l’initiative « Klinika » ne sont alors plus des squatteurs au sens propre du terme, car ils n’occupent plus le bâtiment sans avoir de bail. Sur ce point, cette expérience est unique dans le contexte tchèque. C’est la première fois qu’une telle action s’est traduite par un règlement à l’amiable avec les instances publiques. Impossible d’estimer s’il s’agit là d’une nouvelle tendance. Le soutien populaire témoigne cependant du fait que le regard public porté sur ces activités communautaires évolue et que nous n’avons plus à faire face à une criminalisation systématique du squat.