Le prix Kriegel 2016 décerné au centre social autogéré Klinika
Le prix František Kriegel, de la Fondation de la Charte 77 pour récompenser le courage civique, a été décerné cette année au centre social autogéré Klinika. Créé en 2014, le centre, qui organise différentes activités en faveur des réfugiés, a été récompensé pour avoir eu « le courage de montrer que l’aide aux personnes dans le besoin représente un bon chemin pour tous ceux qui veulent rester de vrais êtres humains ».
Cette année, c’est donc le centre social autonome Klinika qui s’est vu remettre le prix. Klinika a été fondé en décembre 2014 par des activistes qui ont occupé, d’abord de manière illégale puis grâce à un contrat autorisant son usage gratuit, un bâtiment abandonné d’une ancienne polyclinique située dans le quartier de Žižkov à Prague. L’équipe de Klinika, composée de bénévoles, propose différentes activités sociales et culturelles, parmi lesquelles débats, projections de films, cours de langue, ou encore des collectes de vêtements en faveur des réfugiés. Membre de l’équipe, Jakub Ort explique que ce prix, à ses yeux, représente bien plus qu’une simple récompense des efforts entrepris ces deux dernières années :
« Pour moi, ce prix est intéressant car il porte le nom de František Kriegel et il est décerné par la Fondation de la Charte 77, c’est-à-dire par des gens qui étaient souvent anti-communistes et qui défendaient le régime libéral et démocratique qui s’est mis en place après 1989. Et ces gens décernent ce prix à nous, un collectif d’orientation de gauche et assez anticapitaliste, qui critique la situation non seulement d’avant 1989 mais aussi d’après. Tout ce qui est interconnecté dans ce prix me semble donc intéressant. C’est aussi un signal que le climat dans la société tchèque change et que même des personnes qui ne le faisaient probablement pas avant commencent à coopérer ensemble. »Toutefois, ces activités ont également leurs opposants, comme en témoigne le fait que le centre a été la cible d’une attaque au cocktail Molotov par un groupe de vingt individus masqués, en février dernier lors de manifestations islamophobes à Prague. Par ailleurs, début mars, les autorités locales ont décidé, malgré de nombreuses manifestations de soutien, de ne pas prolonger le bail de location du bâtiment, contraignant ainsi l’équipe à occuper celui-ci de nouveau de manière illégale. Jakub Ort décrit l’évolution de la situation :
« Actuellement, nous occupons toujours le bâtiment et poursuivons nos activités. La police fait mine de ne pas vouloir nous chasser et entend passer à l’action seulement après la décision du tribunal. Ce n’était pas le cas auparavant, la police était très active et intervenait directement après chaque demande du propriétaire. C’est donc notre première victoire. Puis nous espérons que les négociations avec la mairie auront une issue positive. Nous demandons à ce que la mairie devienne le propriétaire du bâtiment du Bureau de représentation de l’Etat dans les affaires de propriété et à ce qu’elle nous le prête sur le long terme. »Dans son communiqué relatif à l’attribution du prix, la Fondation de la Charte 77 estime que Prague a besoin d’un endroit comme Klinika où peuvent se réunir des personnes ayant différents destins et opinions. Toutefois, difficile aujourd’hui de dire si ce prix contribuera à sauver le centre. Jakub Ort précise :
« Cela ne sera surement pas un élément décisif, mais ce prix est une manifestation de soutien qui peut contribuer à augmenter notre légitimité et à améliorer notre position dans les négociations. »Parmi les lauréats des éditions précédentes figurent par exemple le dissident et porte-parole de la Charte 77 Jaroslav Šabata, l’ancien président du Sénat Petr Pithart ou le chanteur et opposant au régime communiste Karel Kryl. La remise du prix, qui est décerné aux alentours du 10 avril, date de naissance de František Kriegel, se tiendra en mai prochain dans la résidence de la maire de Prague.