Immigrés intra- et extra-communautaires ont mauvaise presse auprès des Tchèques
Les Tchèques font partie du peloton de tête européen à percevoir négativement l’immigration. C’est ce qui ressort d’une enquête Eurobaromètre réalisée pour la Commission européenne en novembre 2014. Les répondants tchèques se distinguent en ayant « un sentiment assez ou très négatif » à la fois pour l’immigration de personnes venues de pays hors de l’UE et également pour l’immigration intra-communautaire.
Réalisé auprès de 1000 personnes en République tchèque par la société TNS Aisa, ce sondage a au moins une valeur comparative. Martin Rozumek, de l’Organisation d’aide aux réfugiés, n’est pas surpris par ces résultats à l’aune de son travail quotidien et avance plusieurs explications :
« Je pense que cela s’explique en partie par le fait que, jusqu’en 1989, il y a plutôt eu une tendance à l’émigration et nous avons exporté des réfugiés. Plus de 200 000 Tchécoslovaques ont quitté notre pays. Et la problématique de l’immigration reste pour nous quelque chose de nouveau. Ensuite, les médias jouent également un rôle. Quand ils parlent des étrangers ou des réfugiés, c’est à 90% dans des informations négatives. Bien souvent, les médias ne s’intéressent pas aux bonnes nouvelles. »Le débat qui a animé les éditorialistes tchèques sur l’opportunité d’accueillir ou non une quinzaine de familles de réfugiés syriens ou encore le lien immédiat que de nombreux médias et politiciens ont tracé entre les attentats de Paris en janvier dernier et l’immigration en Europe illustrent cette tendance dominante à présenter l’immigré comme une menace potentielle. Le sociologue d’origine slovaque Fedor Gál développe cette critique de la grille de lecture proposée dans de nombreux médias :
« Toutes ces informations qui nous parviennent ont, selon les médias, un lien avec l’immigration. Si l’on prête attention au contexte de ces informations, on s’aperçoit que le terrorisme politique constitue en fait une partie insignifiante de la violence, de la criminalité, des morts dans les pays européens. Avez-vous le souvenir d’attaques terroristes en République tchèque ou en Slovaquie ces vingt dernières années ? »La perception négative des immigrés, que partagerait une majorité de Tchèques, traduirait également un relatif renfermement sur soi et une peur de l’inconnu. C’est en tous les cas ce que pense Martin Rozumek :
« Je dirais que les Tchèques en moyenne voyagent peu et ont parfois une vision étroite, ce qui fait que notre société a tendance à se regarder le nombril. Ce manque d’ouverture a pour conséquence que nous ne rencontrons que rarement la différence et nous avons du mal à l’appréhender. »
L’enquête Eurobaromètre indique d’ailleurs que la perception des immigrés est souvent meilleure dans les pays où ils vivent. De nombreux Slovaques, des Ukrainiens et des Vietnamiens se sont installés en République tchèque, mais le pays n’est historiquement pas une terre d’immigration. Fedor Gál poursuit :
« Il serait aussi bon de dire que nous avons ici très peu d’immigrés, voire le nombre le plus faible quand on prend des pays comparables. Je m’interroge également sur ce qui se produirait si demain, par magie, il n’y avait plus d’immigrés dans ce pays. Que se passerait-il dans les hôpitaux, dans les sociétés du bâtiment, dans la restauration ? Nous avons besoin d’eux. »Le sociologue rappelle enfin que les immigrés sont avant tout des personnes déracinées venues chercher un travail et une vie meilleure.