Le fossé entre Prague et le reste du pays semble plus profond que jamais

Photo: ČTK

Les célébrations du 25ème anniversaire de la révolution de Velours, qui se sont déroulées notamment à Prague sous le signe des protestations contre le président Miloš Zeman, ont trouvé cette semaine un large écho dans la presse. Nous en avons retenu un exemple. Selon les éditorialistes tchèques, ce sont la Pologne et les pays baltes qui ont le mieux saisi les opportunités offertes au cours des derniers 25 ans qui ont suivi la chute des régimes communistes en Europe centrale et orientale. Nous donnerons quelques détails à ce sujet et présenterons également le regard d’un économiste sur le chemin parcouru par la Tchéquie durant cette période. Puis un sujet sportif à la fin de cette revue de presse nationale.

Photo: ČTK
Selon l’auteur d’un texte publié dans l’édition de ce mardi du quotidien Mladá fronta Dnes, les manifestations qui se sont déroulées le 17 novembre ont sinistrement démontré la profondeur des fissures et des fossés qui existent au sein de la société tchèque. Miroslav Korecký a écrit :

« 25 ans après la chute du régime communiste, la société est divisée, mais pas en raison d’une divergence d’idées ou d’opinions. Il s’agit d’une division fatale, à vie et à mort, qui empêche pratiquement toute issue, tout accord, tout compromis ou du respect mutuel. Cette division empêche même de célébrer honorablement une fête nationale... Définir cette profonde division de la société exigerait une étude approfondie mettant à profit des critères socio-économiques, éducationnels, professionnels, territoriaux et autres. On peut l’illustrer sur un exemple : un manager pragois de droite ne semble pas vivre dans un même pays qu’un ouvrier qui travaille en Moravie du nord. »

Miroslav Korecký note que la polarisation de la société s’est encore considérablement approfondie avec l’élection au suffrage universel direct de Miloš Zeman, il y a un an et demi. Le clivage entre ses sympathisants et ses opposants paraît depuis beaucoup plus prononcé qu’il ne l’avait été lors des fonctions présidentielles de ses deux prédécesseurs, Václav Klaus et Václav Havel. L’éditorialiste remarque :

« L’élection présidentielle a approfondi le fossé qui existe entre Prague et le reste du pays, entre les grandes villes et la campagne, entre les différentes catégories salariales, entre l’intelligentsia et les travailleurs manuels. Un fossé qu’un président consensuel devrait chercher tant bien que mal à amoindrir... En revanche nous sommes aujourd’hui témoins d’une nouvelle offensive du président, une sorte de ‘one-man show’, qui se traduit par ses nouvelles initiatives politiques controversées qui lui assurent, comme il le souhaite, l’attention des médias. »

Les pays qui ont su profiter le mieux des 25 années écoulées

Photo: Commission européenne
La Pologne et l’Estonie se présentent pour les éditorialistes tchèques comme les deux pays postcommunistes qui ont profité le mieux des vingt-cinq années écoulées. C’est ce que révèle une récente enquête, à propos de laquelle Daniel Anýž du quotidien Hospodářské noviny a répondu:

« Même s’ils ne peuvent pas se déplacer physiquement dans une autre partie de l’Europe, la Pologne et les pays baltes ont fait tout pour se transformer de pays ‘orientaux’ en pays ‘occidentaux’. La question de l’introduction de la monnaie commune, l’euro, est considérée dans la région balte comme une question sécuritaire qui lui permet de s’éloigner de l’espace postsoviétique et de la mentalité soviétique. Le fait que l’Estonie possède l’image d’une puissance numérique est le fruit d’une stratégie réfléchie et d’un consensus des élites nationales... Et si les élites politiques polonaises paraissent, vues de l’extérieur, en discorde, elles se mettent d’accord sur un point important: la Pologne doit devenir une démocratie prospère. Et elles agissent de la sorte pour y arriver. »

Luboš Palata du quotidien Mladá fronta Dnes loue, lui aussi, les expériences de la Pologne et l’Estonie, en précisant :

« Parmi les pays de l’Europe centrale, qui ont le mieux saisi leurs chances, il faut citer en premier lieu la Pologne. Un pays, dont l’efficience économique correspondait à l’époque à celle de l’Ukraine, est aujourd’hui en bien des points comparable avec la Tchéquie. Ainsi, la Pologne a su profiter non seulement de la liberté acquise il y a 25 ans, mais aussi de son appartenance à l’Union européenne il y a dix ans... L’Estonie, quant à elle, a mis en œuvre une modernisation ambitieuse et réfléchie du pays, grâce à quoi elle constitue désormais le pays le plus attrayant parmi les nouveaux membres de l’Union européenne. Il ne faut pas oublier non plus la Slovénie, le pays le plus riche de la ‘nouvelle Europe’. »

La Tchéquie – un pays qui piétine ?

Tomáš Sedláček,  photo: Jan Sklenář,  ČRo
Dans un texte publié sur le site ihned.cz l’économiste Tomáš Sedláček s’interroge sur certains aspects de l’évolution de la Tchéquie au cours des vingt-cinq années écoulées. Une occasion pour lui de prétendre que les plus grands manquements de la transformation ne remontent pas au début de celle-ci, donc aux années 1990, mais plutôt à la deuxième moitié de la période concernée. C’est alors à cette époque-là que la République tchèque « se serait mentalement arrêtée ». Il précise :

« Dans les années 1990, nous avions beaucoup d’estime pour les représentants politiques, tandis que le mot entrepreneur évoquait des connotations presque diffamantes. Aujourd’hui en revanche, c’est la politique qui constitue une profession douteuse. La sphère de l’entreprise a su corriger sa réputation... Il est vrai que beaucoup de fautes et d’escroqueries sont liées aux années 1990, mais en même temps, à cette époque-là, notre pays était en mouvement et il s’y passait quelque chose. A la mi-temps, nous avons ralenti et le pays s’est mis à faire du surplace, voire à reculer... Concernant le PIB et l’euro, la Tchéquie a été devancée non seulement par la Slovénie, mais aussi par la Slovaquie. »

L’auteur de l’article considère que la Tchéquie est en train de se chercher sans savoir vraiment quelle direction prendre. Pour lui, l’heure est pourtant à l’optimisme :

« La Tchéquie a tout de même sa propre identité. Rares sont les pays européens de moyenne étendue qui puissent se vanter d’autant d’éléments positifs que le nôtre. En voici quelques exemples : partout dans le monde, on trouve de la bière tchèque, Škoda est devenue une marque globale reconnue, Prague demeure une ville digne d’admiration, la Révolution de Velours tout comme la partition de la Tchécoslovaquie à l’amiable sont hautement appréciées, Kundera, Kafka et Havel représentent des personnalités de notoriété mondiale. Peu importe que durant les dernières années, nos représentants politiques se comportent souvent indignement... A la différence de certains autres pays, l’identité que possède notre pays est accomplie. Tout ce qu’il faut, c’est qu’elle ne soit pas incessamment mise en doute. »

Tomáš Sedláček conclut en constatant qu’au cours du dernier quart de siècle, la Tchéquie a parcouru un long chemin. Voilà pourquoi il est regrettable de le voir faire du surplace si longtemps.

Le tenisman Tomáš Berdych a amélioré son image

Tomáš Berdych,  photo: Christian Mesiano,  CC BY 2.0 Generic
Tomáš Berdych, actuellement le meilleur tennisman tchèque et numéro sept mondial, a amélioré son image aux yeux du public et des médias étrangers, une image qui ne semble pas avoir toujours été à la hauteur. C’est ce que constate une des récentes éditions du quotidien Lidové noviny. Dans ses pages sportives, Ondřej Novotný explique pourquoi :

« Par un passé pas très éloigné, Tomáš Berdych n’avait pas dans l’univers du tennis une très bonne réputation. Il a à plusieurs reprises irrité le public par son comportement sur le court de tennis, jugé arrogant, par exemple lors de certains matchs à Madrid, à Melbourne ou à Paris... Ces dernières années, la situation a considérablement changé pour lui. Il va de soi que la popularité de Berdych n’est pas comparable à celle des vedettes comme Nadal ou Federer, mais le tennisman tchèque a su gagner plus de respect qu’auparavant. »

En rapport avec les exemples cités par l’auteur de l’article, les reporters étrangers apprécient désormais le sens de l’humour et la franchise de Berdych. Ce côté de sa personnalité, il le met en valeur non seulement lors de conférences de presse, mais aussi sur les réseaux sociaux, une façon d’élargir considérablement le nombre de ses fans. En ce qui concerne les succès sportifs de Berdych, Ondřej Novotný souligne :

« Il y a lieu d’apprécier que Berdych fait partie, depuis plusieurs années, du top dix mondial. Et bien qu’il n’ait encore jamais gagné de Grand Chelem, le caractère équilibré de sa forme est largement reconnu. Il faut également mettre en relief sa récente cinquième participation, sans discontinuité, au Tournoi des Masters. »