Revue de presse : la Tchéquie et les autres pays postcommunistes 30 ans après la chute du rideau de fer
Cette nouvelle revue de la presse de la semaine écoulée est en grande partie consacrée au retentissement des célébrations du 30ème anniversaire de la révolution de Velours et des manifestations qui les ont accompagnées. Elle propose également quelques éléments d’un bref bilan économique se rapportant à cette période. La satisfaction des habitants des pays communistes est un autre sujet traité. Quelques mots enfin au sujet d’un pronostic d’experts concernant la République tchèque.
Le commentateur du quotidien Hospodářské noviny a remarqué pour sa part:
« Les commémorations du 30ème anniversaire de la chute du régime communiste ont été à la fois grandioses et pleines de contradictions. La Tchéquie a célébré la liberté, pendant qu’un quart de million de manifestants ont protesté contre la façon dont le gouvernement et le Premier ministre Andrej Babiš gèrent le pouvoir. La majorité de la société est convaincue que la liberté et la démocratie sont des acquis formidables. En même temps, une partie non négligable de celle-ci estime qu’il y a lieu de défendre l’héritage du 17 novembre, car ses valeurs risquent d’être menacées. »
« La Tchéquie se réveille. Babiš est confronté à un rival particulièrement doué ». Tel est le titre d’un texte mis en ligne sur le site aktualne.cz qui observe que « le week-end écoulé a apporté un espoir à tous ceux qui craignent que la liberté soit désormais menacée ». Le site indique également :
« Refuser ce que l’on ne veut pas ne suffit plus. 30 ans après la chute du communisme, il faut d’abord se demander où l’on veut aller. La voie vers l’avenir doit être formulée de façon à ce qu’elle soit alléchante pour la plus grande partie de la société... Aujourd’hui, il n’y a pas besoin d’une nouvelle révolution semblable à celle de 1989. Nous avons la liberté de voter, de discuter, de se rassembler. Ce qu’il faut, c’est de se servir de cette liberté pour définir un programme qui offrira de bonnes perspectives à toutes les couches de la société tchèque. Une tâche qui incombe prioritairement aux partis d’opposition. »
Ce regard est partagé par le commentateur du magazine Reflex. Pour lui, le rassemblement qui s’est tenu samedi dernier à Prague, en présence de quelque 250 000 manifestants, est un ultime avertissement non seulement pour Andrej Babiš mais, aussi, pour les représentants des partis d’opposition :
« L’opposition ne semble pas se rendre compte de l’importance de cette manifestation contre le gouvernement, une des plus grandes à s’être déroulée au cours des dernières années en Europe. Si les gens mécontents ne voient plus en elle une force qui les représente et qui les écoute, ils chercheront leurs représentants ailleurs. On peut alors imaginer qu’aux prochaines élections législatives, ‘Un million de moments pour la démocratie’ se transforme en un mouvement politique servant de plateforme à de petits partis et à des individus ».
Economie : les hauts et les bas
Toujours à l’occasion de l’anniversaire de la chute du régime communiste, l’économiste Tomáš Sedláček a dressé, dans un entretien pour le site info.cz, un bref bilan économique des trente années écoulées. Il y déclare notamment :« Comparé à d’autres pays postcommunistes, la Tchéquie se trouve en tête de peloton, tant en ce qui concerne son rapprochement de l’Europe que la stabilité globale de son économie. A noter aussi qu’à l’échelle européenne, elle peut se targuer d’un clivage faible entre les plus démunis et les plus riches. Nous avons réussi à atteindre 90% de la richesse d’un Etat européen moyen. D’un autre côté, on aurait pu faire mieux : les années 1990 et l’époque des privatisations demeurent marquées par de nombreuses affaires de fraudes. Or, économiquement parlant, je considère que nous avons réussi à accomplir près de 85% de notre potentiel. »
« Ce qui manque au pays, c’est une vision », prétend l’économiste Sedláček pour le site info.cz et de préciser :
« Au cours des quinze première années qui ont suivi la chute du régime communiste, le pays avait une vision : il s’agissait de quitter son ‘no man’s land’, de devenir membre d’organisations internationales comme l’OCDE, l’Union européenne. Depuis, la République tchèque semble tourner en rond, tant sur le plan économique que politique. A présent, on pourrait dire qu’on se dirige de nouveau vers une sorte de ‘no man’s land. »
La satisfaction dans les pays postcommunistes en hausse
« A l’époque de la chute du mur de Berlin, les gens ne rêvaient pas seulement du bien-être occidental, mais aspiraient également à la liberté, à la justice et au respect des convenances. Or, on ne saurait évaluer l’état d’une société uniquement à partir de données économiques ou en fonction du nombre de personnes démunies », observe le commentateur de l’hebdomadaire Respekt dans un texte qui analyse et compare la situation dans les pays postcommunistes. Il se réfère à ce propos à une enquête qui a été effectuée par l’agence Pew Research Center au sujet du taux de satisfaction de leurs habitants, par rapport à ce qu’ils ressentaient en 1991, et qui révèle :« Dans tous les pays postcommunistes, les gens sont aujourd’hui beaucoup plus contents. La majorité d’entre eux accueille positivement la transformation et le passage à la démocratie et à l’économie de marché. Les plus satisfaits sont les Polonais ».
Le commentateur rapporte en outre que trente ans après la chute du communisme, plusieurs pays postcommunistes voient émerger et monter en popularité des politiciens qui défendent des valeurs qui sont en contradiction avec les idées démocratiques prônées en 1989 par les pays de l’Europe de l’Est. Il cite à ce propos Ivan Mikloš, ex-ministre slovaque en charge de la privatisation et des finances, pour lequel « la défense de la démocratie libérale constitue l’un des grands défis de notre époque ». Et, tout en estimant que le succès des populistes, alimenté par les réseaux sociaux qui diffusent la haine, est le fruit des inégalités et de la déception liée à la transformation, il admet :
« Le résultat de la transformation n’est pas pour autant la cause principale de la réussite des populistes. Si ceux-ci n’existaient que dans les pays postcommunistes, on pourrait accepter cette hypothèse. Mais comme on les voit même dans les pays occidentaux les plus riches, on peut croire qu’il s’agit d’un problème plus universel ».
Quels pronostics pour le futur proche ?
De nouvelles espèces nuisibles dans les forêts et dans les champs, la détérioration de la situation dans les ghettos, la cherté de l’électricité, la pénurie de logements, le risque de conflit militaire avec la Russie dans le nord de l’Europe. Tels sont les événements et les situations, parmi beaucoup d’autres, à prévoir durant les trois prochaines décennies qui concerneront d’une manière ou d’une autre la Tchéquie. C’est du moins ce qui ressort d’une récente enquête effectuée par le site du quotidien Lidové noviny auprès d’une douzaine d’experts locaux qui, outre ces prévisions, ont mis à l’unisson l’accent sur l’impact du réchauffement climatique sur la vie des Tchèques :« La sécheresse, la prolongation de la période de végétation de trois semaines, plus de journées tropicales. Tels sont les changements auxquels les Tchèques auront prochainement à s’habituer. Si l’on évite les problèmes graves que ceux-ci risquent évidemment d’engendrer, cela signifiera, par exemple, que le traditionnel vin blanc, dont les variétés sont cultivées en Moravie du Sud, cédera du terrain au vin rouge et que la bière sera fabriquée à partir de matières premières d’une qualité inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui. »
Le site lidovky.cz indique que dans un proche avenir, toujours de l’avis d’experts interrogés, on ne saurait exclure la victoire électorale d’un mouvement qui proposera une solution efficace à la crise climatique. Et de dresser enfin un scénario optimiste pour dire que le développement de l’intelligence artificielle offrira aux Tchèques de brillantes perspectives et un essor économique.