Le Maroc à l’honneur du 24e Festival de Prague des écrivains
Le traditionnel Festival des écrivains a débuté ce jeudi à Prague. Bien que réduit à peau de chagrin et désormais limité à deux jours en raison d’importantes coupes budgétaires, les organisateurs ont décidé, pour cette 24e édition, de mettre la littérature marocaine à l’honneur. Directeur-adjoint du festival, Guillaume Basset a expliqué pourquoi :
Que sait-on de cette littérature marocaine en République tchèque ?
« Pour l’instant, elle n’est pas encore très importante et c’est justement pour cela que nous avons choisi de présenter le Maroc. De tout temps, le festival a cherché à faire venir des auteurs originaux qui ne sont pas forcément connus en République tchèque. Le but du festival est d’ouvrir la République tchèque à la littérature mondiale. C’est ainsi que certains auteurs que nous invitons sont parfois publiés. C’est le cas de Mahi Binebine qui est publié à l’occasion du festival par les éditions Práh avec son livre ‘Les Etoiles de Sidi Moumen’, traduit comme ‘Boží koně ze Sidi Moumen’. L’autre but à plus long terme est de faire cet échange dans l’autre sens aussi. Nous aurons ainsi une rencontre avec Abderrahim El Allam, président de l’Union des écrivains du Maroc, qui vient pour une conférence au Sénat et avec qui nous discuterons des possibilités de publier de la littérature tchèque au Maroc. L’idée est que la littérature mondiale existe aussi entre petits pays et pas seulement sous le poids des mastodontes anglais, allemand, chinois même maintenant et encore un peu français. »
Mahi Binebine est la grande figure de ce festival. Quel sont les autres auteurs invités ?
« Nous avons notamment Fatéma Chahid, une poétesse berbère qui écrit en français, Salah El Ouadie, ancien dissident qui a passé douze ans en prison, poète aussi qui a créé la première association des droits de l’homme dans le monde arabe, ou encore Bensalem Himmich, philosophe et romancier. Certains d’entre eux nous ont été recommandés notamment par Mahi Binebine lui-même, mais nous les avons aussi rencontrés. En avril 2013 et en mars dernier, nous nous sommes rendus au Maroc. Nous les avons choisis selon deux critères très simples : à la fois la qualité de leur œuvre et aussi la manière dont ils pouvaient coïncider avec le thème général retenu cette année pour le festival qui est ‘l’amour et la haine’, c’est-à-dire l’organisation des rapports humains et des rapports mondiaux. »
Pourquoi précisément ce thème de l’amour et de la haine et celui, le second, du « domov » - le « chez soi » en français ?
« Ce sont deux dimensions extrêmement importantes dans le monde des idées et des relations internationales. Alors, pourquoi l’amour et la haine ? Dans tous les cas de rapports entre les individus et la réalité du monde, les deux rapports essentiels sont l’amour et la haine. L’indifférence est leur opposé, mais elle ne fait pas exister l’objet en réalité. Quand je suis indifférent à cet objet, il n’existe pas en réalité pour moi et je n’ai aucun rapport avec lui. C’est seulement au travers de l’amour et de la haine que je crée l’objet et le monde. L’idée donc du thème de l’amour et de la haine est celle de l’organisation du monde, et comment ce monde organisé s’explique ou se découvre au travers de la littérature »
« Le deuxième thème, ‘chez moi’, doit servir à exprimer comment cette organisation du monde se déroule au sein de la nation, au sein de la patrie, au sein de l’identité de manière plus large. C’est la raison pour laquelle non seulement deux auteurs marocains, Fatéma Chahid (comment être berbère au Maroc alors que l’identité berbère est très souvent oubliée, car on résume le Maroc à un pays arabe?) et Mahi Binebine, qui a vécu de nombreuses années en France et à New York, participeront à cette discussion, mais aussi, côté tchèque, Jan Čulik, journaliste assez connu qui est parti vivre en Angleterre, Jan Kavan qui a une carrière politique internationale importante, et Tomáš Zmeškal qui a la particularité d’avoir un père congolais et donc d’écrire dans son dernier roman sur cette question de l’identité du rapport de l’homme avec sa patrie. »
Une suite de l’entretien avec Guillaume Basset, directeur-adjoint du Festival de Prague des écrivains sera proposée dans nos émissions ce vendredi.