CSPK : l’étude de la culture populaire à Prague

Photo: Site officiel de CSPK

La culture populaire n’est pas un concept aisé à définir. « Une forme de culture dont la principale caractéristique est d'être produite et appréciée par le plus grand nombre, à l'opposé d'une culture élitiste ou avant-gardiste qui ne toucherait qu'une partie aisée et/ou instruite de la population » ou bien « une culture à la fois produite pour les couches populaires et par ces couches elles-mêmes » : ce sont quelques tentatives de définition qui n’ont pas réussi à mettre les experts d’accord et la culture populaire finit souvent par être définie par opposition à d’autres formes de culture. A Prague, de jeunes universitaires ont fondé il y a quelques années le Centre pour l’étude de la culture populaire - Centrum pro studium populární kultury (CSPK). L’un de ses membres-fondateurs, Ondřej Daniel, a répondu aux questions de Radio Prague.

« La création du centre remonte à 2009. C’est une petite association d’un groupe d’amis à la base – tous des doctorants en sciences sociales à l’université Charles de Prague. Nous avons fondé cette association parce que nous trouvions que le thème de la culture populaire était un peu en marge des disciplines que sont l’histoire, l’anthropologie et la sociologie. La culture populaire intéresse mais n’est pas suffisamment abordée dans ces disciplines. »

« On a surtout suivi l’exemple britannique des Cultural studies, déjà bien implantées dans les années 1960. Comme notre groupe est composé en majorité historiens nous nous sommes intéressés à l’histoire de cette culture populaire. »

Ondřej Daniel,  photo: Site officiel de CSPK
Etes-vous en contact avec des spécialistes de la culture populaire dans d’autres pays ?

« Oui, nous sommes surtout en contact avec différentes associations similaires dans l’espace post-socialiste, en Pologne, en Hongrie et dans les anciens espaces yougloslave et soviétique. Nous sommes aussi en contact avec différents centres en Angleterre même si l’étude de la culture populaire ne connaît plus le même engouement… »

Pourquoi ?

« Il y a eu un changement générationnel. Le sommet de l’intérêt pour la culture populaire était de la fin des années 1960 au début des années 1980. Le post-modernisme est passé par là et les études culturelles (Cultural studies) étaient liées au marxisme – marxisme culturel -, donc n’étaient plus trop à la mode ces vingt dernières années en Angleterre. En République tchèque comme dans d’autres pays post-soviétiques on retrouve cet héritage oublié qui n’a jamais été le nôtre mais qu’on se réapproprie d’une certaine façon. Pour nous ici c’est important de voir ce qu’il se passe en Pologne, en Serbie et en Croatie.»

Y-a-t’ il des centres d’étude importants là-bas ?

« Oui nous sommes surtout en contact avec des gens de l’université de Varsovie, et avec différents organismes de Zagreb et Belgrade. »

« Je voudrais donner un exemple d’une thématique qui nous intéresse : un genre de musique tout à fait particulier du début des années 1990 qu’on appelle ‘eurodance’. Il y a un phénomène intéressant en Europe post-socialiste : l’imitation des exemples d’Europe de l’Ouest, en l’occurrence de groupes comme 2 Unlimited, Twenty 4 Seven, Haddaway etc. Avec un retard de quelques mois ils sont imités dans les pays comme la Tchécoslovaquie, la Pologne, etc. On retrouve les mêmes motifs musicaux, la même image, le même type, mais réapproprié pour le contexte spécifique post-socialiste. »

Alors l’équivalent tchèque de 2 Unlimited c’était quoi ?

« En fait ici c'est un groupe appelé Rapmasters a fait un remix de la chanson No Limits de 2 Unlimited et on peut trouver ce thème musical à peu près partout dans l’Europe de l’Est. »

Photo: Prostor Records
Cette réappropriation était assez courante, dans divers styles et sans problèmes de droits d’auteur je suppose, avec plusieurs tubes tchèques inspirés ou copiés carrément - Láska je láska par exemple de Lucie Bila, qui est une reprise d’un morceau de Prince appelé Alphabet street. C’était déjà une pratique courante avant la chute du mur…

« Sûrement, personne ne se souciait des droits d’auteur et à mon avis cela a commencé à poser des problèmes avec la normalisation de la démocratie libérale dans la moitié des années 1990. Ce qui était intéressant avec le No limit de 2 Unlimited dont je parlais tout à l’heure, c’est qu’il a été repris par un chanteur serbe à la fin des années 1990, un certain Ivan Gavrilovic, qui a ajouté au titre une touche de turbofolk, typique de l’Europe du Sud-Est. »

Votre centre choisit des thématiques annuelles – l’année dernière, la violence, cette année le clivage ville/campagne.

Photo: Site officiel de CSPK
« Ce qui nous intéresse autour de ce clivage ville/campagne dans la culture populaire est lié à la dernière élection présidentielle tchèque l’année dernière… »

Avec des résultats très différents entre les grandes villes et le reste du pays…

« Oui et nous avons observé que souvent le clivage entre les ‘gagnants’ et les ‘perdants’ de la transformation post-socialiste est aussi lié à la différence entre les centres des grandes villes et les périphéries, soit les banlieues soit les campagnes. On touche à des thèmes ouvertement politiques en nous interrogeant sur le fait de savoir si la culture populaire a quelque chose à voir avec ça – avec la mode et la musique populaire par exemple. »

Photo: Site officiel de CSPK
Vous allez organiser un séminaire international fin octobre, avec des chercheurs de plusieurs pays européens.

« Oui le 24 octobre, et nous allons nous intéresser au début des cultures populaires dans l’Europe centrale et orientale, à la fin du XIXè siècle avec les débuts de la presse de masse, et avec le spectacle, la musique, etc. »

Où est-ce que cela va se dérouler ?

« Dans notre espace privilégié pour nos présentations, l’espace NOD dans la rue Dlouha, au-dessus du club Roxy. »