Moravská Ústředna Brno : la fabrication de jouets traditionnels tchèques face au marché mondial
Avec l’approche des fêtes de fin d’année, la rubrique économique est consacrée à une société tchèque qui se trouve parmi les leaders européens dans la confection de jouets traditionnels en textile. Il s’agit de la société Moravská Ústředna Brno, et c’est son directeur commercial, Blahoslav Dobeš, qui répond aux questions de Radio Prague.
« La société a plus de cent ans puisqu’elle existe depuis 1909. Elle est la plus gros productrice de jouets textiles et en peluche, en République tchèque, en Slovaquie, et il est possible de dire dans toute l’Europe parce que la plupart des producteurs se sont déplacés vers l’est de l’Europe. Pour avoir une idée, la société emploie deux cents personnes dans la région de la Moravie du sud, à Brno et dans ses alentours. Cette tradition, qui dure depuis plus de cent ans, a été mise en place selon le modèle coopératif ; elle est donc toujours une coopérative. Elle s’appelle même coopérative de production artistique parce qu’à l’époque, les bases de la société étaient de permettre aux petits producteurs d’articles de cadeaux ou d’articles artistiques d’une part d’acheter à meilleur prix des matières premières pour la production et d’autre part de permettre d’écouler leurs produits par la vente. »
Depuis cent ans, la société assure donc une production d’articles artisanaux. Si elle s’est concentrée aujourd’hui sur les articles textiles, elle produisait autrefois des articles fabriqués à partir du bois, de la paille, ou du verre. Aujourd’hui, c’est une production qui se fixe surtout sur les jouets en textile ainsi que sur des costumes pour les déguisements. En République tchèque, ce sont les célèbres personnages de dessins animés ou de films d’animation tchèques qui offrent la meilleure vitrine pour les jouets de Moravská Ústředna Brno, mais la production et les stratégies de la société doivent s’adapter selon les marchés.
« Notre société envoit ses produits vers vingt-cinq pays différents du monde entier. Notre politique marketing est de différencier le marché tchèque et les marchés à l’étranger. Dans les années 1960, nous avons participé pour la première fois au salon international du jouet à Nuremberg, qui est le plus grand salon du jouet dans le monde. Depuis plus de 45 ans, nous y participons régulièrement, et c’est là que nous avons jeté les bases de notre exportation. Avant 1989, l’exportation se dirgeait vers ce qu’on appelait autrefois l’ouest et parmi nos plus gros clients, il y avait la France, l’Allemagne et les Etats-Unis – et c’est toujours le cas aujourd’hui. Mais dans les années 1990, il y a eu un renversement total des marchés. Au début des années 1990, nous avons du revoir notre stratégie commerciale pour passer de 90% de production pour le marché intérieur et 10% à l’export à une situation complètement contraire.
Le retour sur le marché de la République tchèque s’est basé sur des figurines de la télévision, pour lesquelles nous avons des licences. C’est Krteček, la petite taupe, qui est internationalement connue, plus d’autres personnages. Mais ces autres personnages sont intéressants pour la République tchèque, la Slovaquie, et éventuellement pour la Pologne et la Hongrie, mais ils ne sont pas connus ailleurs. L’exportation se base sur des jouets qui ont des attributs comme des matériaux naturels, un travail artisanal et un design typique et qui évoquent quelque chose pour ce pays. Par exemple pour la France, c’est le personnage de Guignol qui est typique, mais seulement pour la France. Pour l’Angleterre, ce sont d’autres personnages. Mais il y a aussi des personnages internationaux comme Pinocchio, ou le Chat botté, qui est très populaire en France, mais aussi au Japon ou aux Etats-Unis. »
Krteček reste la figure la plus importante des personnages utlisés par la société morave, et on peut le retrouver en Allemagne, dans les pays scandinaves, dans tous les pays qui appartenaient autrefois au bloc soviétique et même au Japon. Il est aussi à Taiwan et la société vient d’obtenir la licence pour le distribuer en Chine. L’autre marque de fabrique de Moravská Ústředna Brno est la fabrication artisanale de ces jouets. Un aspect qui compte pour les clients, mais qui n’est plus tout à fait suffisant, selon Blahoslav Dobeš :
« L’intérêt des clients pour des produits européens fabriqués à partir de matériel naturel, avec un design européen, était réel. Mais avec l’arrivée des temps difficiles et de la crise, avec la globalisation, nous voyons de façon très claire, notamment en France ou en Allemagne où il y avait une catégorie de gens qui cherchait précisemment ce type de produits, que prédomine aujourd’hui la question des prix. Et dans cette lutte des prix, les produits fabriqués en Europe ont des conditions de production différentes que les produits chinois. Ainsi, en France, celui qui était notre plus gros distributeur autrefois s’est tourné il y a quelques années vers des produits fabriqués en Chine, avec des articles similaires à ceux que nous produisons. Mais bien sûr ils les importent avec des prix chinois et une qualité chinoise. Notre partenaire le plus important est ainsi devenu notre principal concurrent et on voit bien que du côté des clients, ce sont les prix qui orientent leurs préférences.
Notre clientèle est encore assez grande et nous permet de continuer à produire en Europe mais c’est de plus en plus difficile parce que si l’Europe donne la priorité à des produits bon marché au lieu de permettre aux Européens de produire, malheureusement, il sera de plus en plus difficile de concurrencer les produits asiatiques. »
La République tchèque a une longue tradition de fabrication de jouets tradionnels, notamment de jouets en bois et de marionnettes. Cette tradition est-elle connue en France ? La marque « made in Czech Republic » est-elle un gage de qualité pour les consommateurs français ? C’est ce que nous avons demandé à Blahoslav Dobeš.
« Nous espérons que le « made in Czech Republic » est une information positive, mais la question est de savoir si les clients français sont prêts à payer pour cela. Parce que ce sont les prix qui sont déterminants, et nos produits en France ne sont pas des produits que l’on trouve dans les supermarchés ou les hypermarchés. Ce sont surtout des produits pour d’autres types de magasins. »
Rediffusion du 2/12/2011