La montée du sentiment anti-rom en 2013

Photo: Gabriela Hauptvogelová, ČRo

La semaine dernière, l’antenne tchèque de l’ONG internationale Social Watch (« Observateur social » en français) a publié son sixième rapport portant sur l’évolution de plusieurs thématiques sociales au cours de l’année 2013. Au micro de Radio Prague, la journaliste Saša Uhlová, auteur du chapitre portant sur la montée du racisme vis-à-vis de la minorité rom, évoque ses principales conclusions.

Saša Uhlová,  photo: ČT
Tout d’abord, Saša Uhlová analyse la force des mots et la signification des différentes appellations pour désigner les Roms :

« ʻRomsʼ est le nom du groupe ethnique, tel que le groupe ethnique l’utilise pour lui-même. ʻTsiganesʼ est un exonyme, c’est-à-dire un terme que la population tchèque ou européenne utilise pour les groupes de Roms. ʻInadaptablesʼ est un terme que l’on utilise pour ne pas dire Tsiganes ou Roms parce que, soi-disant, nous ne sommes pas racistes, mais tout le monde sait qu’il s’agit des Tsiganes, et cela signifie que ce sont des gens qui ne savent pas s’adapter. ʻMilieux défavorisésʼ est plutôt un terme universitaire qui veut dire que ces gens vivent dans des endroits qui les prédisposent à un certain mode de vie. Mais il ne s’agit pas uniquement des Tsiganes. Il y a bien sûr des Tchèques ethniques qui habitent dans ces milieux-là, comme il y a plein de Tsiganes qui ne sont pas défavorisés socialement. »

Les médias, et leur manière d’informer sur les Roms, influencent le regard que porte la société sur cette communauté. Ainsi, dans son rapport, Saša Úhlová dénonce la tendance qu’ont les journalistes tchèques à rapporter des banalités, comme ces petites bagarres dans les auberges qui figurent en une des journaux uniquement parce qu’elles impliquaient des Roms. Quelle image des Roms a donc bien pu avoir un observateur des médias tchèques en 2013 ?

Photo: Gabriela Hauptvogelová,  ČRo
« L’image de gens qui ne travaillent pas, qui reçoivent beaucoup d’argent de l’Etat, qui détruisent leurs appartements, qui n’envoient pas leurs enfants à l’école. C’est à peu près cela. Pas très flatteur et souvent pas vrai. Le pourcentage des Roms qui sont défavorisés socialement augmente, mais cela ne concerne pas néanmoins les 220 000 Roms qui vivent en République tchèque. Il y a en a plein qui sont intégrés et travaillent, qui ont suivi des études, mais on ne les voit pas. Si on entre dans un magasin et que la vendeuse est rom, comme par exemple pas très loin de l’endroit où nous parlons, les gens ne les voient pas comme des Tsiganes parce que ce sont des vendeuses. Ils remarquent les Tsiganes quand ils sont en groupe dans la rue parce qu’ils en ont peur, mais ils ne se rendent pas compte qu’ils les rencontrent aussi comme conducteurs de tram ou dans d’autres métiers parce que, à ce moment-là, ils ne les perçoivent pas comme des Tsiganes, mais comme des vendeurs ou des conducteurs de tram. »

Saša Uhlová évoque la cause principale du sentiment anti-rom qui s’est révélé notamment lors des manifestations racistes de 2013 :

« Il existe en République tchèque une couche sociale composée de gens qui travaillent mais qui sont très mal payés. Bien sûr, il y a aussi des Tsiganes là-dedans parce qu’ils font des métiers qui sont très mal payés. Mais je pense que c’est là que naît cette haine des Tsiganes ou des autres. C’est une peur mais aussi une désillusion. On vit dans une démocratie, mais il y a beaucoup de gens qui ne vivent pas bien. La classe moyenne en République tchèque ne va pas bien. C’est ce qui, je pense, explique la grande augmentation du racisme, de la xénophobie, de la peur. On cherche un coupable. »

Pour en savoir plus sur les racines du sentiment anti-rom, sur le langage médiatique et sur l’évolution de la situation depuis la Révolution de velours, rendez-vous dans la prochaine rubrique Panorama.