Prague, ville carrefour d’échanges architecturaux
Pour inaugurer le colloque de coopération franco-tchèque « La redécouverte du plan centré en architecture en France et dans les pays tchèques aux Temps Modernes », qui s’est tenu ces 17 et 18 avril à l’Institut d’histoire de l’art de l’Académie des Sciences à Prague, une rencontre a précédemment été organisée au Palais Buquoy, à l’Ambassade de France. De nombreux initiateurs, dont notamment l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) de Paris et l’Institut d’histoire de l’art de la Faculté des lettres de l’Université Charles, sont à l’origine de ce projet de recherche commun à long terme intitulé « Permanences et transformations des formes architecturales en France et dans les pays tchèques aux Temps Modernes ». Au Palais Buquoy, Radio Prague a rencontré Sabine Frommel, historienne de l’art et directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études, afin de discuter de l’origine de ce projet franco-tchèque et des enjeux de société que soulèvent les monuments historiques.
« On voit précisément à Prague qu’il y a beaucoup d’influences venues de l’extérieur. C’est bien évidemment l’Italie, qui a un rôle très important, à un moment c’est la France. Il y a une influence très importante provenant de Vienne ou aussi de Dresde. Il y a donc ici vraiment une espèce de « melting pot », où on peut vraiment étudier à quel moment précis sont venues les influences, de quels pays et de quelles ambiances politiques et culturelles, et s’interroger aussi sur le pourquoi. »
Qu’est-ce que le plan centré et dans quelle mesure parle-t-on de ‘redécouverte’ ?
« Le plan centré c’est bien évidemment la géométrie pure, les formes géométriques limpides, élémentaires, qui produisent de l’harmonie, comme l’harmonie est produite dans la musique par de bonnes proportions. Il y a des grands prototypes comme le Panthéon, comme le théâtre maritime de la villa d’Hadrien (Villa Adriana) à Tivoli. Nous voulons maintenant étudier le phénomène ici en République tchèque. Je vous livre seulement deux points, car il y en a beaucoup. Près de Prague, vous avez un château qui a la forme d’une étoile, le fameux « Schloss Stern » (Letohrádek Hvězda, en tchèque, ndlr). On voit que ce château est placé dans un parc, et il y a un lien entre ce château et son entourage. Il a une fonction directe, il est un élément structurant de ce parc. »« Vous avez un recueil très important, qui se trouve également en République tchèque, et qui est le codex « Chlumčanský». Dans ce codex, on trouve des dessins provenant de l’Italie, qui ont été attribués selon des raisons tout à fait solides et convaincantes à un architecte italien très important, Giulio Romano. Il s’agit d’un architecte, peintre romain, qui a été l’élève, sans doute le plus brillant, du fameux Raphaël. A partir de 1524, il a été actif pour les Gonsagues à Mantoue, où il a construit ce fameux Palazzo del Te (le Palais du Te, ndlr). »
La préservation du patrimoine est un sujet clé. De quelle façon, un simple citoyen peut-il agir pour participer à la préservation du patrimoine ?
« Le patrimoine architecturale est en effet un sujet extrêmement compliqué. Car une architecture n’est presque jamais conservée dans un état authentique. C’est presque impossible. Une œuvre architecturale a sa propre vie. Le premier pas pour comprendre est la connaissance. Je ne sais pas comment cela se passe en République tchèque, mais je suis Allemande, je vis en Italie, j’enseigne en France, et je trouve que l’on ne parle pas assez de l’architecture. Il y a toujours la vieille tradition de la peinture. C’est très bien, mais l’architecture est l’art qui nous entoure. Nous ne pouvons pas y échapper. C’est pourquoi je crois que le premier pas, qui devrait d’ailleurs être enseigné dans les écoles, est la connaissance de l’architecture. »« Il y a par exemple la Charte de Venise, qui dit que « tout mérite d’être conservé ». Le débat commence là. Je ne crois pas qu’il faille être catégorique dans ces cas. Je crois que chaque édifice est quelque chose d’unique, que l’on ne peut pas reproduire dans l’histoire. Chaque édifice est déjà un phénomène unique par sa création : la genèse du projet et la vie que cet édifice a menée. Il faut donc se séparer un peu de ces chartes et de ces attitudes catégoriques. Il faut examiner chaque édifice et décider s’il existe assez d’éléments authentiques, qui méritent d’être conservés. Et à ce moment-là, il faut lire cet édifice comme une stratification de différentes étapes, de différentes interventions. »
« Je souhaiterais beaucoup qu’un échange, qu’un débat s’ouvre autour de ces problèmes, entre les différents pays, qui procèdent sur la base de différentes traditions aussi. Je crois que ce serait extrêmement intéressant de dialoguer un peu en dehors des frontières, et de comprendre comment on restaure et on conserve dans les différents pays ; que l’on étudie ensemble des exemples réussis et non réussis, et que l’on construise un véritable dialogue autour de cette problématique. »