Samuel Moucha - le talent de « mêler la vie d’artisan à la vie de bohème »
Ce mardi, une exposition de gravures sur bois de l’artiste franco-tchèque Samuel Moucha a été inaugurée dans le hall de la Radio tchèque à Prague. Que ce soit le métal, la terre ou le bois, Samuel Moucha aime travailler les différents matériaux. Né à Paris en 1982, Samuel fait souvent la navette entre Prague et Paris, et se définit comme « un chercheur de matériaux », dont les activités sont principalement centrées sur la gravure, et sur l’expérimentation du « tadelakt », le stuc marocain. A Paris, il expose actuellement au Centre culturel serbe, en face de Beaubourg. A Prague, c’est une gravure représentant un angle spécifique du bâtiment de la Radio tchèque, et que Samuel Moucha a offerte à Radio Prague, qui se trouve à l’origine de son exposition pragoise. Et dans le cadre du projet Art Loop, présentant les œuvres d’une douzaine d’artistes, sa prochaine exposition se tiendra à Montréal, au Canada. Radio Prague a rencontré Samuel Moucha lors du vernissage de son exposition, qui est ouverte au grand public jusqu’au 28 avril.
« J’étais content de pouvoir le faire ici, à Český rozhlas (la Radio tchèque). C’était une belle occasion, un bel endroit, où il n’y a pas encore eu d’expositions. Après je ne peux pas parler de rétrospective, parce que je n’ai pas assez de boulot derrière moi. Mais cela pourrait être compris comme « spective », dans un grand angle, puisqu’on peut y trouver plusieurs époques. J’ai vraiment commencé à faire de la gravure en 1998. Ici, à l’exposition on peut trouver plus ou moins toutes les périodes. Je travaille souvent en séries. On peut voir alors quatre gravures d’une série « A la guitare et au chant » - « Na kytaru a se zpěvem ». Puis une dizaine de parisiennes, ainsi que Prague etc. Il y a donc une réelle représentation de mes boulots. »
Est-ce que tu peux décrire ce que tu fais exactement, à quoi tu te dédies principalement ?
« Je parlerais de la difficulté de mêler la vie d’artisan à la vie de bohème. Mon boulot, mon alimentaire, c’est plutôt de la reconstruction, de la rénovation, en utilisant différents types de stuc, le tadelakt. C’est qui me permet, quand je gagne un petit peu de l’argent, de pouvoir travailler sur mes gravures. Donc en fait je gagne de l’argent pour avoir le droit de travailler. »Quelles sont tes autres activités ?
« J’ai une petite forge dans ma maison de campagne. Cela m’arrive de faire des commandes, des grilles forgées par exemple. Je fais rarement des couteaux pour le business, je ne vends pas de couteaux. Mais j’ai un penchant affectif pour le couteau. Même si on pense que c’est une arme, moi je pense que par le couteau on partage beaucoup plus. Je ne pense pas que beaucoup d’entre nous aient utilisé le couteau comme une dague de combat pour planter son adversaire. Récemment j’ai rénové la maison d’un ami, j’ai donc ramené des électriciens en France, j’étais maître d’œuvre comme on dit. Donc une de mes activité c’est de voyager aussi, d’amener des choses à des endroits où il n’y en a pas. De bon électricien pas cher en France, il n’y en a pas. Donc, je ramène un bon électricien tchèque pas cher en France, qui est du coup mieux payé, donc il est content, ou du moins je l’espère. »
Comment en es-tu arrivé à la gravure sur bois, que l’on peut voir à ton exposition ?
« Quand j’étais petit, mon père, qui est peintre (Miloslav Moucha, ndlr), m’a donné les outils en main, à savoir les gouges, les scalpels, pour faire de la linogravure, ce que l’on faisait beaucoup à l’époque, même dans les écoles en maternelle. C’est en 1995, que j’ai fait ma première carte de vœux, le « Per Felicitatem ». Ensuite, je me suis retrouvé trois ans après dans une pension à Saint-Joseph de Reims, où il y avait vingt-quatre différentes activités. Certains choisissaient jardinerie, d’autres karting, architecture ou photo, et moi j’ai choisi gravure. Donc j’avais huit heures de cours, d’atelier par semaine avec un très bon graveur, Alain Loiselet, qui nous a enseigné différentes techniques. Lui, il était plutôt dans la taille-douce et la gravure sur métaux. Après avoir expérimenté presque toutes les techniques, l’aquateinte, la manière noire, la taille-douce, les eaux fortes, j’ai toujours eu un penchant vers une façon un peu taoïste de voir le « shmlingblik » rond sur lequel on vit. Et c’est ce qui m’a porté vers cette façon noir et blanc de voir le monde qui m’environne. J’ai donc choisi la gravure sur bois, après avoir expérimenté diverses techniques. »
« Ce n’est pas du tout quelque chose d’abouti, d’établi, de défini. Mon travail s’inscrit plutôt dans une démarche de recherche. C’est un média, c’est un outil qui me permet de travailler. C’est plutôt comme une discipline. Grâce à la gravure, j’ai par la suite abordé le travail manuel d’une manière générale, ainsi que les stucs. Je me suis dit, que j’aurais dû faire dentiste, ma main ne tremble pas beaucoup. »