Un professionnel de l'industrie chimique au ministère de l'Environnement ?
Et si le nouveau gouvernement du social-démocrate Bohuslav Sobotka, que doit désormais nommer le chef de l’Etat Miloš Zeman, était celui du conflit d’intérêts ? La question se pose particulièrement pour les ministres proposés par le mouvement de l’Action des citoyens mécontents (ANO). Son leader Andrej Babiš, l’un des hommes le plus riches du pays à la tête d’un grand groupe agroalimentaire, entend devenir ministre des Finances. Ce dernier soutient également Richard Brabec, candidat au portefeuille de l’Environnement, et membre du Syndicat de l’industrie chimique…
Après que sociaux-démocrates, représentants du mouvement ANO et chrétiens-démocrates ont signé lundi à la Chambre des députés l’accord de coalition qui doit poser le fondement de la politique que mènera leur gouvernement, l’heure est venue de dévoiler la liste des dix-sept candidats aux postes ministériels. Cette liste n’a pas constitué une surprise puisque les noms des ministrables circulaient déjà dans les médias durant le week-end.
Leur confirmation a toutefois ouvert la voix à certaines critiques notamment quant au risque évident de conflit d’intérêts que laisse entrevoir la nomination de certains ministres issus du mouvement ANO. Ainsi, le vice-président conservateur Miroslav Kalousek (TOP 09), ministre des Finances jusqu’en juin dernier, n’approuve pas le fait qu’Andrej Babiš devienne son lointain successeur :« Il n’est pas possible qu’une seule personne soit à la fois propriétaire du géant agroalimentaire Agrofert et également ministre des Finances. Il va s’agir d’un conflit d’intérêts sans précédent qui va forcément engendrer un environnement propice à la corruption, le plus grand sans doute de ces vingt dernières années. »
L’autre personnalité visée par les critiques est Richard Brabec (ANO). Directeur de l’usine de production chimique Spolana Neratovice, qui, selon l’ONG Arnika, était en 2012 l’entreprise tchèque qui relâchait le plus de matière cancérigène dans la nature, cet homme, passé par le parti de droite ODS, rejoint ensuite la tête de la société Lovochemie, un fabriquant d’engrais détenu par le groupe Agrofert. Richard Brabec défend également les intérêts de ce secteur au sein du Syndicat de l’industrie chimique.Il pourrait désormais être le ministre chargé de la protection de l’environnement, ce qui fait bondir les organisations écologistes. Martin Bursik, en charge actuellement du ministère de l’Environnement dans le gouvernement démissionnaire de Jiří Rusnok, déclare ainsi à propos de son probable successeur :
« Le conflit d’intérêts potentiel avec ce ministre est tout simplement énorme. Je vais m’acheter un billet pour les premiers rangs pour assister à la façon dont il va gérer la situation. Mais je crois que c’est perdu d’avance. »Pour Andrej Babiš, il s’agit d’une posture politique. Si Richard Brabec n’était pas son premier choix pour occuper le poste de ministre de l’Environnement –l’intéressé confesse lui-même que le ministère de l’Industrie aurait été plus adapté à ses compétences – le leader du mouvement ANO ne doute pas que son poulain saura mettre de côté les intérêts de la branche chimique. Afin de faire taire « cette mini-campagne » contre Monsieur Brabec, Andrej Babiš s’emploie également à redorer l’image de son entreprise en termes de protection de l’environnement :
« Le groupe Agrofert investit, depuis 2008 et jusqu’à cette année 2014, 4,7 milliards de couronnes (170 millions d’euros environ) dans des projets écologiques. Ce sont des investissements dont nous n’attendons pas de retour. »Andrej Babiš termine en assurant que Richard Brabec sera probablement un meilleur ministre que Martin Bursík. Le mouvement ANO, dont les membres se targuent d’être entrés en politique après leur « succès » dans le monde des affaires, propose quoi qu’il en soit des candidatures pour lesquels il sera difficile de laver tout soupçon de conflit d’intérêts. La formation de Monsieur Babiš a aussi proposé la nomination d’Antonin Prachař, le directeur général d’une société de transport, au ministère des Transports.
A noter qu’une loi contre les conflits d’intérêts concernant les membres du gouvernement leur interdit d’exercer des activités dans la sphère privée. En conséquence, les ministrables dans cette situation disposent d’un mois à compter de leur nomination pour quitter leurs fonctions dans ce secteur.