Affaire Rath : « le procès de l’année »
Ce mercredi débute au tribunal régional de Prague ce que les médias tchèques ont sans emphase surnommé le « procès de l’année ». David Rath, ancien président de la région de Bohême centrale et député passé par la social-démocratie, est l’acteur principal d’une affaire de corruption et de manipulation d’offre publique impliquant également dix autres personnes. Alors qu’il était l’un des parlementaires de l’opposition parmi les plus influents, David Rath, qui dénonce un procès partial et continue de clamer son innocence, risque de passer douze années derrière les barreaux.
A l’époque, la police tchèque surprend le député social-démocrate en possession d’une boîte dans laquelle se trouvent sept millions de couronnes (280 000 euros environ), de l’argent qui vient de lui être remis sous forme de pot-de-vin. David Rath est pris en flagrant délit, condition sine qua non à l’arrestation d’un individu bénéficiant de l’immunité parlementaire. Le lendemain, la procureure générale de Prague Lenka Bradáčová expose les faits qui lui sont reprochés :
« Il y a quatre chefs d’accusation. Cela concerne en fait toutes les personnes accusées. Il s’agit de l’atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, ensuite de corruption active et de corruption passive et enfin de favoritisme dans le cadre des négociations d’une commande publique. »Les sept millions de couronnes retrouvés dans la boîte à vin de David Rath – celui-ci affirme qu’il y avait uniquement du vin à l’intérieur – serait un bakchich ayant permis de manipuler l’appel d’offres lié à la reconstruction du château de Buštehrad, en Bohême centrale. Cependant, ce ne serait pas le seul fait d’armes de celui qui a décidé de ne pas renoncer à son mandat de député, même placé en détention provisoire. Il aurait également joué un rôle important lors de la falsification d’une commande publique visant à acheter de l’équipement pour trois hôpitaux de la région qu’il gouvernait, l’un de ces établissements étant à l’époque dirigé par une femme ayant longtemps partagé sa vie. Pour parachever cette honorable liste criminelle, lui et ses dix camarades de tribunal sont enfin accusés d’avoir tenté de détourner 300 millions de couronnes de fonds européens (près de 12 millions d’euros).
David Rath, Kateřina Pančová, cette dernière était à la tête d’un des hôpitaux sus-cités, et Petr Koll, son compagnon, un ancien député du parti ODS, sont arrivés ce mercredi matin escortés par la police depuis leur maison de détention et ont été accueillis par une armée de journalistes. Les huit autres prévenus, libres de leurs mouvements, sont arrivés par leurs propres moyens. La stratégie de David Rath va consister à répondre à toutes les accusations et à les contredire. C’est ce qu’affirme son avocat Adam Černý :« Le docteur Rath, depuis son arrestation, n’arrête pas de témoigner. Dès qu’il en avait la possibilité, il a répondu aux accusations auxquelles il fait face, par exemple quelques heures seulement après son arrestation et encore à plusieurs reprises par la suite. Donc, le docteur Rath est prêt à répondre et il est certain qu’il ne refusera pas de le faire. »
En effet, le docteur Rath ne manque pas une occasion, par exemple devant les députés quand il était question de son immunité parlementaire, de se défendre en accusant une justice partiale et politique et une enquête policière biaisée sur la base d’enregistrements manipulés. Il se plaint également avec force de sa détention provisoire, relativement longue, puisqu’elle a duré quinze mois, une période durant laquelle il a continué son travail de député en rédigeant pas moins de douze propositions de lois. Enfin, David Rath se considère être la victime d’une opération de communication visant à illustrer les résultats de la politique anti-corruption de l’ancien gouvernement Nečas.
Les juges lui ont refusé le droit de participer au vote de confiance du cabinet Rusnok, qui se tient ce mercredi également à la Chambre des députés. Le procès doit s’achever en octobre prochain. D’ici là, ces juges devront déterminer si la fameuse boîte contenait du bon vin ou bien des liasses de billets. Dans ce dernier cas, David Rath pourrait être condamné à douze années de prison.