Le Théâtre national a bel et bien un nouveau directeur
Le gouvernement Rusnok a dû faire machine arrière vendredi dernier suite à l’annonce du renvoi par le ministre de la Culture du nouveau directeur du Théâtre national, une des institutions culturelles tchèques les plus prestigieuses. Dénoncée par l’ensemble du milieu culturel mais aussi par une grande partie de la scène politique tchèque comme une intrusion inopportune des autorités publiques dans la sphère culturelle, cette affaire pose aussi la question de la légitimité des nombreux changements effectués par le cabinet d’experts dans les effectifs des entreprises publiques ces dernières semaines.
Les réactions, à gauche comme à droite de l’échiquier politique ne se sont pas faites attendre. La scène culturelle tchèque à quant à elle pointé du doigt l’intrusion du gouvernement dans une sélection qu’il devrait simplement approuver. L’acteur du Théâtre national Ondřej Pavelka souligne avec amertume le traitement infligé par les aurorités publiques au millieu culturel :
« La manière dont l’Etat traite le Théâtre national et la culture en général est une honte. Je pense que le ministre de la culture decrait avoir un minimum d’intérêt pour l’art et le culture, mais ce n’est pas souvent le cas. »En signe de soutien à Jan Burian, les cadres dirigeants du Théâtre National ainsi que le directeur de l’Opéra National ont démissionné, tandis qu’une dizaine d’artistes ont renoncé à leurs fonctions au sein de ces institutions afin de protester face à cette décision jugée rétrograde et archaïque. Les directeurs des institutions culturelles sont de plus en plus soumis à la pression venue du milieu politique et leur mandat se raccourcit d’année en année suite à des changements opérés par les instances de l’Etat.
Michal Dočekal, le directeur de la section dramaturgique du Théâtre national, fait partie de ces démissionnaires. Il constate la dégradation croissante de l’autonomie de cette institution culturelle majeure en République tchèque :« Je pense que toutes les tentatives pour renvoyer l’actuel, l’ancien ou les précédents directeurs du Théâtre national sont la conséquence des relations désastreuses des élites politiques avec la culture et le Théâtre national. Je n’étais pas là il ya vingt-cinq ans certes, mais je pense que nous nous rapprochons de la Biélorussie et que nous nous éloignons de l’Europe. Je n’ai pas d’autre possibilité que de dire non. Hélas, je dois le faire de cette façon. »
Burian est donc finalement redevenu le nouveau directeur du Théâtre national vendredi après l’intervention du Premier ministrre Jiri Rusnok. Ce dernier a critiqué la vision romantique et naïve de la culture de son ministre Balvín. Le chef du gouvernement n’entend cependant pas revoir les changements récents effectués par ses ministres à des postes stratégiques dans des entreprises d’Etat, comme le remplacement du directeur de České Dráhy, la société ferroviaire publique tchèque.
La vague récente de nominations dans diverses compagnies publiques a causé de nombreux remoux au sein de la scène politique. Martin Kuba, le président du parti de droite ODS n’a d’ailleurs pas hésité à comparer avec ironie ces bouleversements avec la « nuit des longs couteaux ». Rusnok ne veut toutefois pas confondre le milieu culturel avec les autres secteurs où le gouvernement peut faire valoir ses droits :« Manifestement, la scène culturelle ne tient pas à voir des personnes issues d’un appel d’offres occuper des postes importants. Elle demande qu’un représentant de son milieu soit sélectionné, et il en sera ainsi. Nous n’allons pas modifier son mode de fonctionnement. En ce qui concerne les autres institutions publiques, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et nous devons essayer de changer les équipes en place après les erreurs manifestes qui se sont produites dans le passé. »
Peut-être le gouvernement devrait il alors suivre les conseils du chanteur et acteur Richard Krajčo pour qui « la culture n’a pas besoin de la politique, mais la politique aurait besoin de culture ».