Margaret Thatcher : mort d’une icône en République tchèque
L’information occupe les unes du monde entier : Margaret Thatcher, la « Dame de fer » britannique, s’est éteinte lundi à l’âge de 87 ans. En République tchèque, les réactions ne se sont pas faites attendre non plus.
« Je pense que c’était quelqu’un qui croyait vraiment à ce qu’elle faisait et ce qu’elle disait. Elle croyait vraiment que la liberté individuelle est fondamentale, que l’économie de marché est la solution à tous les problèmes. Elle a imposé et réalisé ce en quoi elle croyait. C’était une immense source d’inspiration, nous avons admiré ce qu’elle faisait en Angleterre dans les années 1980 et nous avons essayé de le reproduire chez nous. »
La Dame de fer a trouvé en Václav Klaus et plus largement dans l’ODS, le parti qu’il a fondé peu après la révolution, des admirateurs et des fidèles qui, même vingt-cinq ans après son départ du 10 Downing Street, s’efforcent d’appliquer le même programme politique ultralibéral. Actuel Premier ministre et leader de l’ODS, premier parti de la coalition gouvernementale, Petr Nečas a lui aussi salué « une femme qui a su prendre des décisions impopulaires et dont les conséquences positives sont visibles sur le long terme ». Le parallèle avec sa propre situation, celle d’un Premier ministre libéral très impopulaire, est facile.La figure de Margaret Thatcher en République tchèque répond à un contexte particulier, celui de la Guerre froide et du bloc soviétique. Le Premier ministre britannique avait acquis une grande popularité en Tchécoslovaquie dans les années 1980 en réclamant la libération d’un groupe de dissidents emprisonnés pour avoir distribué des livres interdits. Montrant clairement sa volonté de ne pas abandonner l’Europe de l’Est à l’URSS, elle avait déclaré que « nous devons toujours regarder Budapest, Prague et Varsovie comme de grandes villes européennes ». Mikhaïl Gorbatchev et Václav Havel eux-mêmes prêtaient toujours une oreille attentive à ses conseils économiques et politiques. Le quotidien Hospodářské noviny et le magazine Respekt insistent sur cette stature d’icône de la transformation tchèque et de la lutte contre le communisme.
La plupart des médias tchèques mettent ainsi en avant la personnalité de Margaret Thatcher, sa fermeté, sa résolution, son intelligence et son goût vestimentaire. On ne dit pas de mal des morts, paraît-il. Sauf le député européen Richard Falbr, ancien président de la Confédération tchéco-morave des syndicats professionels, qui, lui, n’a pas mâché ses mots à la Télévision tchèque :« Elle s’est illustrée avec l’idée que la société n’existe pas, qu’il n’y a que des individus et des familles. Elle était une ennemie déclarée des syndicalistes britanniques. Il faut reconnaître qu’elle n’a pas mené une politique de privatisation aussi sauvage que celle engagée chez nous dans les années 1990, mais je n’ai pas du tout apprécié le fait qu’elle ait sympathisé avec certaines personnes, notamment avec Augusto Pinochet, qui était responsable du meurtre de 30 000 personnes. Ça ne l’a pas du tout gênée. Et pour ce qui est de sa position vis-à-vis de l’Union européenne, elle a imposé sa politique du retour de l’argent britannique, et cette politique qui continue aujourd’hui ne me plaît pas. Je ne l’aimais pas et je n’ai ressenti aucune tristesse à l’annonce de sa mort. »
Si beaucoup saluent le modèle économique de la transition post-communiste, quelques-uns n’oublient pas non plus les dix Irlandais morts d’une grève de la faim pour réclamer la reconnaissance d’un statut de prisonniers politiques, ni la politique thatchérienne eurosceptique qui a mis de sérieux freins à l’intégration européenne et à sa construction politique. Tous, en tout cas, reconnaissent l’empreinte durable laissée par le modèle thatchérien dans la construction de la République tchèque.