La politique de Margaret Thatcher : une inspiration ou un avertissement pour la Tchéquie ?
A l’occasion de la sortie en salle du film La Dame de fer, l’hebdomadaire Respekt s’est penché sur l’influence de Margaret Thatcher sur la scène politique tchèque, qui d’ailleurs ne semble pas s’estomper avec le temps qui passe... Dans le quotidien Lidové noviny, nous avons retenu un article analysant les transformations fondamentales qu’ont subies au cours des dernières années les champs tchèques.
« Maggie, notre idole, ou l’ombre de la Dame de fer hante encore de nos jours le Château de Prague ». Un article publié sous ce titre dans les pages de l’hebdomadaire Respekt cherche les raisons de l’influence particulière que Margaret Thatcher a exercée dans le passé et exerce encore aujourd’hui sur l’évolution politique en Tchéquie.
Selon le journal, cette figure emblématique de la politique internationale, « qui mène symboliquement la main du Premier ministre Petr Nečas lorsqu’il refuse de signer le Pacte fiscal européen », avait une position spécifique dans les pays tchèques, déjà, vers la fin des années 1970 :
« D’un côté, le quotidien communiste Rudé právo tenait à suivre et à commenter régulièrement les démarches de cette représentante britannique ‘d’extrême droite’ en parlant de ‘politique répressive’ ou de ‘représailles policières’ et, d’un autre côté, son discours anticommuniste très prononcé a valu à Margaret Thatcher un grand respect et beaucoup d’estime dans les milieux non officiels et dans les milieux de dissidents. »
Le journal rappelle son engagement en faveur de la libération d’un groupe de dissidents arrêtés au début des années 1980 pour distribution de livres interdits. L’une des protagonistes de cette affaire, la sociologue Jiřina Šiklová, a d’ailleurs pu remercier Mme Thatcher en personne, lors d’une conférence internationale, tenue dix ans après. Plus loin, nous avons pu lire :
« Ce sont justement les événements remontant aux années 1980 qui sont à l’origine de l’admiration portée à Margaret Thatcher par une grande partie de la scène politique locale et qui s’est traduite par des retombées tout à fait concrètes sur l’orientation du pays après la chute du régime communiste, en novembre 1989 ».
Ainsi, les statuts et le programme du Parti civique démocrate (ODS), premier et principal parti de droite du pays, dont l’actuel président Václav Klaus fut le père spirituel et le leader, étaient inspirés par les conservateurs britanniques. L’hebdomadaire signale que Václav Havel, lui aussi, prêtait volontiers l’oreille aux recommandations données par la Dame de fer aux nouvelles démocraties et concernant prioritairement les réformes économiques.
Respekt remarque que Margaret Thatcher, première et unique femme Premier ministre du Royaume-Uni, est devenue en Tchéquie une référence pour l’ensemble des femmes politiques tchèques, toutes orientations politiques confondues.
Dans ce contexte il soumet l’hypothèse selon laquelle l’admiration et le respect dont l’ex-Premier ministre britannique jouit en Tchéquie est liée à un mythe plutôt qu’à une figure politique réelle. Et de s’interroger si « les qualités pour lesquelles elle était appréciée en Tchéquie, telles que le rejet catégorique de compromis ou la méfiance comme principale tactique de négociation, ne constituent désormais, un quart de siècle après son départ, plus un avertissement qu’une inspiration ».
Cette question concerne particulièrement le débat européen. Le journal cite Petr Havlík, un des fondateurs de l’ODS et un des anciens sympathisants thatchéristes, qui estime qu’ « en tant que petit pays au cœur l’Europe, nous ne pouvons pas nous comporter comme la Grande-Bretagne thatchériste, car cela ne tient pas debout ». Mais, comme le remarque le journal, c’est hélas de ce principe de « méfiance sans compromis » qu’une grande partie de la scène politique locale continue à s’inspirer, l’utilisant presque exclusivement à l’égard de l’Europe. Il écrit en conclusion :
« De ce fait, au moment, où la majorité des hommes politiques européens parlent de coopération et d’une intégration économique et politique plus étroite sur le continent, qui se présentent comme l’unique voie permettant de sortir du piège des bouleversements économiques, des crises de la dette et des passions nationalistes, le président de la République Vaclav Klaus et le Premier ministre Petr Nečas ne cessent de répéter les phrases de Margaret Thatcher vieilles de vingt-cinq ans qui veulent que la volonté de s’entendre et de collaborer soit une lâcheté et que celui qui ne vénère pas par-dessus tout la souveraineté nationale, soit un traître ».
Avec le printemps, on peut s’attendre à ce que les champs en Tchéquie redeviennent plus jaunes que jamais. L’édition de samedi dernier du quotidien Lidové noviny explique pourquoi, de manière figurée, « ces champs se sont empreints de l’odeur de l’essence ».
Ce sont en effet le colza et le maïs qui vont massivement envahir les terres qui étaient dans le passé traditionnellement réservées à la culture des produits agricoles, betteraves, pommes de terre, légumineux. D’après les agriculteurs interrogés par le journal, « les plantes énergétiques demeurent l’unique valeur vraiment sûre qui existe dans ce domaine ».
Pour illustrer l’un des changements fondamentaux qui sont survenus au cours des vingt dernières années dans l’agriculture tchèque, le journal indique quelques chiffres :
« Depuis 1990, le volume de la culture du colza a augmenté cinq fois, occupant désormais près de 15% de l’ensemble des terres cultivées. La production du maïs a plus que doublé, couvrant dorénavant la surface de quelques 110 000 hectares. »
Par ailleurs, dans son Plan national d’action pour l’énergie à partir des ressources renouvelables, le ministère de l’Agriculture stipule que d’ici 2020, la Tchéquie est appelée à couvrir 13,5% de son énergie par ces ressources renouvelables. Un million d’hectares de terres agricoles a été destiné à cette fin, ce qui veut dire que le colza, le maïs et d’autres plantes énergétiques occuperont près d’un tiers de la totalité de leur surface.
En ce qui concerne les pommes de terre, elles constituent, selon le journal, un chapitre à part : à l’heure actuelle, la surface de leur culture ne constitue qu’un quart de ce qu’elle était en 1990. Ainsi, au lieu de les exporter comme dans le passé, la République tchèque a besoin de les importer, en premier lieu d’Allemagne et de France.Toutefois, responsable de cette situation ne serait pas seulement la concurrence étrangère, mais aussi le coût qui est plus élevé pour la culture des pommes de terre que pour celle du colza. Aussi, le prix d’achat de ce dernier produit est nettement plus élevé.
Le quotidien remarque que les plantes fourragères, pour ne citer que le trèfle et la luzerne, et qui servent de fourrage au bétail, ont également disparu des champs tchèques. Il explique :
« Il y a vingt ans, les bouveries étaient pleines à craquer. Mais au lieu des trois millions et demi de morceaux de bovins, on n’en trouve aujourd’hui qu’un tiers. Le porc aussi a subi un coup radical, dans la mesure où certains producteurs déclarent maintenir leur élevage tout simplement ‘par nostalgie’, car il ne vaut pas le coup, compte tenu de la concurrence de la viande importée et meilleur marché. La situation ne s’annonce pas plus réjouissante pour les moutons et la volaille. »Lidové noviny indique en outre que selon les données du ministère de l’Environnement, la Tchéquie perd chaque jour 15 hectares de terres agricoles, notamment en raison de leur occupation par des halls et des dépôts industriels. Une tendance qui se manifeste notamment aux environs des grandes agglomérations urbaines.