Fracturation des roches : une conférence internationale à Beroun pour échanger et agir
Du 6 au 8 mars dernier s’est déroulée à Beroun la Conférence internationale sur la problématique de la fracturation, technique qui permet d’exploiter des gisements d’hydrocarbures non conventionnels tels que les fameux gaz de schistes et qui souffre de nombreuses critiques. L’association No Fracking France participait à cette rencontre et Radio Prague s’est entretenu avec sa présidente, Isabelle Bourgue, qui entend sensibiliser la société civile et les décideurs politiques sur les limites de cette technologie.
Cette technique implique l’injection de quantités d’eau abusives. On injecte également des produits chimiques et surtout on fait remonter des bactéries et des métaux lourds des profondeurs où se situent les extractions. Il existe donc une lacune en ce qui concerne le traitement des eaux usées. Aux Etats-Unis, comme on ne sait pas traiter ces eaux usées, on les réinjecte dans des puits prévus à cet effet. Ensuite la non-étanchéité des puits est une deuxième grosse lacune. On est dans des profondeurs qui avoisinent les 2000-3000 mètres sous terre à la verticale et ensuite on peut aller de deux à cinq kilomètres à l’horizontale et donc les tubages ne sont pas étanches. Et la troisième lacune, c’est la fuite de méthane à la tête du puits. »
Dans le cadre de la lutte contre la fracturation hydraulique de la roche, il y avait la semaine dernière une conférence internationale à Beroun, à vingt kilomètres au sud-est de Prague, et vous y avez participé. Quel était l’objectif de cette conférence ?
« L’objectif de la conférence était déjà de réunir tous les pays concernés soit par des exploitations existantes soit par des perspectives d’exploration, c’est-à-dire en grande partie l’Europe. Les pays européens ont en effet décidé de se lancer dans la ruée vers ce que l’on appelle les gaz de schiste, parce que ce gaz de schiste est vendu sur le papier comme très prometteur avec l’indépendance énergétique à la clef. Ne sont absolument pas diffusés tous les risques inhérents à ces exploitations. Les expertises sur le sujet existent mais personne ne les connaît. Le but de la conférence internationale de Beroun était de réunir des gens qui venaient de tous les pays rencontrés, donc nous étions plus de onze pays représentés, pour discuter de façon pragmatique et objective, échanger des informations et aider à la formation d’une opinion scientifique et médicale afin que les élus ou les décideurs connaissent ces expertises qui confondent les lacunes de cette industrie.
Nous apportons ainsi des arguments opposables à ceux des industriels. L’exploitation existe en gros depuis dix ans aux Etats-Unis avec la fracturation. Et aujourd’hui on a des études sanitaires qui pointent du doigt les pathologies dont souffrent les gens qui vivent aux abords des puits et qui sont liées aux exploitations d’huiles et de gaz de schiste. »Qu’est-ce qui est né de cette rencontre ? Une forme de coopération internationale contre les techniques de fracturation ?
« Les gens qui sont opposés aujourd’hui à la fracturation dans le monde entier sont stigmatisés ‘écologistes politiciens’ alors que nous ne sommes pas du tout sur cette posture. Ce qui a été justement décidé à Beroun, c’est de laisser indépendantes toutes les structures nationales. Par contre, nous allons coordonner des actions communes et nous avons créé un réseau qui s’appelle FrackFreeNetwork. Nous sommes restés cadrés sur la partie pragmatique. Nous souhaitons que les décideurs européens qui ont envie de se lancer dans le gaz de schiste prennent leurs responsabilités. Si dans quelques années, il y a des scandales sanitaires liés à ces exploitations, ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas. »
Pourquoi la conférence s’est-elle tenue à Beroun ? Il y a des projets de fracturation de roche ?
« A l’heure actuelle en Europe, les deux pays où l’exploitation est commencée sont l’Espagne et la Pologne. L’Allemagne avait également commencé des exploitations en Basse-Saxe. En République tchèque, il y a des permis qui ont été accordés à des compagnies pétrolières essentiellement étrangères, américaines, australiennes, anglaises. Elles ont donc des permis pour venir explorer le sous-sol de la République tchèque sur les terrains visés par les compagnies mais l’exploitation n’y est pas commencée. Vous avez en République tchèque un mouvement qui s’appelle Stop HS. Il est très actif et très connu en Europe et il a initié cette rencontre de tous ces pays et les a réunis à Beroun. »