Jan Fischer, un futur président « ni gras ni salé » ?
A en croire les sondages mais aussi la majorité des spécialistes de la scène politique tchèque, il est l’un des principaux candidats, si ce n’est le favori, à la succession de Václav Klaus au Château de Prague en mars prochain. Ancien statisticien et Premier ministre de mai 2009 à juin 2010, sans parti politique mais membre du parti communiste avant la révolution de 1989, Jan Fischer est le sixième des neuf candidats à l’élection présidentielle dont nous vous proposons le portrait.
« Sincèrement, il m’est apparu sans aucune véritable opinion par rapport aux autres candidats. Il s’est efforcé de rester neutre, mais beaucoup trop à mon goût. »
Cet avis est celui d’un étudiant d’Olomouc, en Moravie. Mi-décembre, Jan Fischer avait donné une conférence à la faculté des lettres de l’université Jan Palacký. L’amphithéâtre qui peut accueillir jusqu’à 300 personnes était rempli à moitié. Une assistance qui donne une première idée de la popularité et de l’aura de l’ancien chef du gouvernement. Et à en croire le reportage réalisé par la Radio tchèque, l’auditoire présent n’est pas reparti spécialement convaincu par le discours tenu ce jour-là par Jan Fischer.
Ancien président de l’Office tchèque des statistiques, une institution dans laquelle il a passé l’essentiel de sa carrière depuis l’obtention de son diplôme de statisticien en 1974, Jan Fischer est longtemps resté dans l’ombre avant d’entamer sa carrière politique dans des circonstances pour le moins délicates au printemps 2009. Pour résoudre une crise gouvernementale qui avait abouti à l’adoption d’une motion de censure contre le cabinet de Mirek Topolánek en pleine présidence tchèque de l’Union européenne, le président de la République avait alors nommé Jan Fischer à la tête d’un gouvernement de transition en attendant les élections législatives de mai 2010.
Ces fonctions de Premier ministre d’un gouvernement composé pour l’essentiel d’indépendants, tout comme tout lui, Jan Fischer les avait honorées avec une certaine réussite. Une réussite qui, deux ans plus tard, l’a poussé à se lancer dans la course à la présidence de la République. Et c’est notamment sur cette absence de parti pris politique, sur cette indépendance revendiquée à haute voix, que Jan Fischer a basé sa campagne électorale. A la différence d’un Václav Klaus souvent critiqué pour défendre des positions personnelles, Jan Fischer se veut non seulement le président de tous les Tchèques, mais aussi un président du changement dans la vie politique tchèque :
« Tout d’abord je communiquerais différemment et plus souvent avec les responsables politiques. Je proposerais également des changements concrets, par exemple pour ce qui est du financement des partis ou de la déclaration de patrimoine de tous ceux qui intègrent la politique. En d’autres termes, la politique tchèque a besoin d’un nouveau mode de fonctionnement, de nouvelles impulsions et de nouvelles propositions. »
Malheureusement pour lui, même s’il déclare vouloir être au-dessus de la guéguerre des partis qui mine le bon fonctionnement du gouvernement et du Parlement, Jan Fischer ne dispose pas d’un passé apolitique, et encore moins d’une auréole d’opposant, qui plaide en sa faveur. De 1980 à 1989, Jan Fischer a en effet été membre du parti communiste. Une tâche sur le CV qui, selon lui, vingt-trois ans après la révolution, n’est toutefois pas indélébile :
« Je me présente comme un candidat indépendant, sans appartenance à aucun parti, avec le passé qui est le mien, qu’il soit bon ou mauvais, avec mon expérience et avec un programme. C’est aux électeurs qu’il appartient de décider si ma candidature répond ou pas à leurs attentes. Personnellement, je m’efforce de me faire une opinion complexe des personnes. Je ne les juge pas seulement sur leur appartenance antérieure ou non au parti communiste. Les gens connaissent mon passé. Ils connaissent les raisons des décisions que j’ai prises à une certaine époque. Me concernant, lorsque quelqu’un a été membre du parti communiste, ce n’est pas quelque chose qui me gêne. L’important est de replacer les choses dans leur contexte. C’est ma façon de voir les choses. Mais pour ce qui est de ma candidature, c’est aux autres de décider si cela les gêne ou pas, pas à moi. »
Ce sera en effet aux Tchèques de décider. Mais si l’on s’en tient encore aux sondages, que ce soit Jan Fischer ou Miloš Zeman, ce sont bien deux anciens membres du parti communiste que les électeurs pourraient devoir départarger au second tour de la présidentielle.