La nomination de Jan Fischer enchevêtre sphère publique et sphère privée
Avec la nomination officielle, ce mercredi, du nouveau gouvernement intérimaire par le président de la République, Miloš Zeman, la situation politique pourrait sembler désormais apaisée. Mais le gouvernement d’experts, avec le Premier ministre Jiří Rusnok, nommé le 25 juin suite à la démission de Petr Nečas, a fait l’objet, avant même sa nomination, de nombreuses critiques. La dernière d’entre elles est relative au dernier ministre nommé, Jan Fischer.
Effectivement, le compte de campagne transparent de Jan Fischer a enregistré, mardi matin, le versement de 2 millions de couronnes (80 000 euros) de la part de David Sivora, membre de la Chambre de commerce tchéco-israélienne, et un peu moins d’un million de couronnes (40 000 euros) de Štefan Havlík. Lundi, un autre homme d’affaires, Ladislav Dráb, a, lui, versé la somme de 1,34 millions de couronnes (54 000 euros), tandis que le 4 juillet, un premier million de couronnes était déjà provenu de l’avocat Daniel Pal'ka ; ces deux derniers hommes ayant déjà soutenu Jan Fischer à hauteur de 4 millions de couronnes (160 000 euros) chacun lors de la campagne présidentielle. Jan Fischer a ainsi pu rembourser les dettes engendrées par sa campagne ; un remboursement conditionnant son accès au poste de ministre. Mais il n’a pas échappé aux nombreuses critiques, qui blâment ce remboursement soudain, ainsi que le fait qu’il s’agisse de personnes entretenant toutes des relations commerciales avec l’Etat. Le politologue Jan Bureš livre son point de vue sur cette situation et dénonce la rapidité et la manière de ce transfert soudain d’argent :
« À mon avis, il appartient maintenant aux journalistes de découvrir d’où vient exactement cet argent. La question est de savoir s’il sera possible de le savoir. Car même auprès des autres candidats à la présidentielle, par exemple auprès de l’actuel président de la République, Miloš Zeman, il n’a pas encore été possible de savoir quelles ont été les personnes qui ont sponsorisé leur campagne et à hauteur de combien de couronnes. Et je crains qu’on ne le sache jamais. Je crois que cette circonstance discrédite Jan Fischer aux yeux du public, car la situation est relativement claire et lisible. Nous sommes plus de six mois après l’élection présidentielle. Jan Fischer n’a pas réussi à rembourser ses dettes pendant plus de six mois, mais deux jours avant sa nomination au poste de ministre des Finances, respectivement six jours avant, il obtient la somme de cinq millions de couronnes. Je crois que c’est assez évident, que cela à avoir avec sa nomination. Il n’est pas possible de le nier. »Dirigée par l’ancien dissident John Bok, l’association Šalamoun, qui soutient un système judiciaire indépendant, a déposé, ce mercredi, une plainte pour suspicion de corruption auprès du procureur Jana Hercegová, afin de faire la lumière sur l’origine exacte des millions destinés à Jan Fischer. Journaliste à l’hebdomadaire Reflex, Jiří X. Doležal a lui aussi porté plainte. Il s’est expliqué au micro de Radio Prague :
« Ce qui s’est passé autour du président Miloš Zeman, c’est exactement la même chose qui s’est déroulée autour des trois prétendus ‘trafiquants’ du parti civique démocrate (ODS) (Petr Tluchoř, Ivan Fuksa et Marek Šnajdr s'étaient vu offrir des postes lucratifs à la tête d'entreprises publiques, en ayant refusé de voter pour une loi essentielle de leur propre parti; en échange de quoi ils avaient renoncé à leurs fonctions de député. Ils sont tous les trois actuellement en détention préventive, ndlr). Cependant, ces ‘trafiquants’ sont en détention préventive, tandis que par exemple Jan Fischer se retrouve au ministère des Finances. Je crois qu’il n’est pas possible que l’Etat, ou du moins la justice, juge d’une manière différente les mêmes actions. »Alors que la formation d’un nouveau gouvernement devait permettre de résoudre la crise politique, il semble aujourd’hui plutôt qu’elle ne fait que l’accentuer. Et ce d’autant plus que la majorité parlementaire, actuellement hésitante, est le dernier pas nécessaire à l’approbation du nouveau gouvernement.