L’alcool frelaté continue de faire des ravages
Six morts et douze autres personnes plus ou moins gravement intoxiquées : tel était, mardi midi, le bilan provisoire de l’affaire de la distribution et de la consommation d’alcool frelaté. Face à l’ampleur prise par le problème en l’espace seulement de quelques jours, le ministère de la Santé a décidé qu’un vaste contrôle de tous les bars et restaurants allait être effectué dans l’ensemble du pays.
Tout a commencé jeudi dernier. La police de Karviná (Moravie du Nord, 350 kilomètres à l’est de Prague) annonçait alors que deux personnes âgées de la région étaient décédées après avoir bu un spiritueux probablement coupé au méthanol. Le lendemain, après qu’une troisième victime a été recensée à l’hôpital d’Ostrava, la police, avec la coopération des hygiénistes, annonçait être parvenue à remonter jusqu’à la source de cet alcool frelaté. Un homme de 36 ans était alors arrêté.
L’affaire ne s’arrête pas là pour autant, puisque une quinzaine d’autres personnes ont été intoxiquées depuis, dont trois mortellement, tandis que d’autres ont été frappés de cécité et placées dans un coma artificiel. Face à ce qui ressemble désormais fort à une épidémie, les services d’hygiène et le ministère de la Santé entendent donc réagir au plus vite, comme l’explique le ministre Leoš Heger :
« Nous appelons tous les hygiénistes dans les régions à contrôler les bars, restaurants et autres établissements publics où des spiritueux sont proposés à la consommation. L’objectif est de mener une enquête pour que nous puissions nous faire une idée plus concrète de la gravité de la situation dans le pays, même si d’après les informations dont nous disposons actuellement, la situation peut déjà être qualifiée de grave. C’est même une situation exceptionnelle, et pour moi, c’est clairement un acte criminel. »Les résultats des premières analyses devraient être connus dans les prochains jours, voire prochaines heures. Toutefois, le ministère de la Santé n’est pas autorisé à contrôler la distribution d’alcool dans les commerces et sur les marchés, où des spiritueux sont régulièrement vendus. C’est donc l’Inspection nationale agricole et alimentaire (SZPI), qui dépend du ministère de l’Agriculture, qui se charge de la chose. Son directeur, Jindřich Pokora, précise que c’est d’abord l’origine des spiritueux qui intéresse ses inspecteurs sur le terrain :
« Nous supposons qu’il s’agit d’alcool distribué en grandes quantités dans les petits commerces et ensuite vendu par ces magasins, sur les marchés ou dans les stands dans la rue. Nous soupçonnons également que la distribution de cet alcool touche essentiellement certaines régions bien précises où vit une population socialement défavorisée. Nous avons donc envoyé nos inspecteurs en priorité dans ces régions, où les spiritueux qui sont vendus à meilleur marché pourraient être frelatés. »Pas moins de seize des dix-huit victimes recensées depuis la semaine dernière résident effectivement en Moravie, et essentiellement dans le nord de celle-ci, où le taux du chômage est l’un des plus élevés en République tchèque. Le fléau de l’alcool frelaté, ou coupé au méthanol, s’étend néanmoins progressivement également au reste du pays puisque les deux autres personnes empoisonnées sont originaires de Prague et de Bohême centrale.