Alcool frelaté : des tests gratuits pour identifier les bouteilles dangereuses

Photo: Filip Jandourek, ČRo

En septembre 2012, la République tchèque a connu une crise sanitaire sans précédent. Des spiritueux coupés au méthanol se sont retrouvés en vente libre et ont causé de très nombreuses intoxications et le décès de 42 personnes. L’origine de cet alcool frelaté a finalement été identifiée et les responsables seront traduits devant la justice. Toutefois, une quantité non négligeable de bouteilles potentiellement dangereuses sont certainement en circulation. Aussi, le Service hygiénique tchèque proposait depuis fin décembre des tests gratuits permettant de détecter les boissons à risque, des tests qui ont rencontré un certain succès.

Photo: Filip Jandourek,  ČRo | Photo: Filip Jandourek,  ČRo
De nombreux Tchèques ont pu acheter une bouteille de vodka, de « tuzemák » ou de tout autre spiritueux lors de l’automne dernier. Mais refroidis par la crise sanitaire de l’alcool frelaté, ils auront préféré la poser sur une étagère ou la remettre au frigidaire en attendant des jours meilleurs plutôt que de risquer de s’intoxiquer. Depuis les vacances de Noël dernier, ces personnes peuvent enfin ressortir leurs bouteilles, les analyser et éventuellement les boire. Le Service hygiénique tchèque propose en effet des tests gratuits afin de s’assurer de la non-dangerosité de ces boissons.

Et ces analyses ont suscité un vif intérêt, preuve sans doute que le cas présenté ci-devant n’est pas si rare, puisque 8 000 citoyens les ont sollicitées et 7 000 échantillons ont pu être testés. Se félicitant du succès de cette opération le chef du Service hygiénique tchèque Vladimír Valenta en a présenté jeudi les résultats :

Vladimír Valenta,  photo: CT24
« 841 échantillons, c’est-à-dire 12% de l’ensemble testé, se sont avérés impropres. 262 contenaient du méthanol et les autres de l’isopropanol. Dans au moins 5% de ces cas, cela correspond à 40 échantillons, ces substances étaient présentes à des taux dangereux pour la santé. Cette action a coûté 7,5 millions de couronnes (environ 300 000 euros) et a permis de sauver quelques dizaines de vies humaines. Je considère donc qu’elle est totalement justifiée. »

Les bouteilles incriminées, essentiellement de la vodka et du « tuzemák », le fameux « rhum tchèque », sont surtout originaires des régions de Moravie-Silésie, d’Olomouc et de Zlín, territoires d’où était originaire l’alcool frelaté et où ont été recensés le plus de victimes du méthanol à l’automne dernier.

La fin de l’opération marque la fin de la gratuité des tests. Pour autant, cela ne signifie pas que toutes les bouteilles dangereuses sont liquidées. Aussi, les personnes qui auraient des doutes sur la nocivité d’une boisson peuvent toujours se procurer ces tests pour une somme comprise entre 20 et 60 euros.

Photo: Barbora Kmentová
De son côté, le ministère de la Santé souhaite que tous les établissements proposant de l’alcool à la vente soient titulaires de licences fournies par les producteurs. De plus, les stands dans les rues seront interdits sauf pour certains événements traditionnels tels les marchés de Noël où les spiritueux vendus ne devront cependant pas excéder les 15 degrés d’alcool. Mais Vladimír Valenta prévient que le risque existera toujours et qu’il est lié à des déterminismes sociaux :

« Un autre enseignement pour nous et le fait que cette affaire est dans une large mesure également le résultat d’une tolérance à l’alcool généralisé au sein de notre société ; il est disponible partout et sa consommation croît chez les jeunes. Ce sont bien sûr des problèmes, des environnements, une situation qui jouent un rôle dans une affaire comme celle-ci. »

Effet collatéral de cette crise sanitaire, la consommation d’alcool fort aurait toutefois diminué de 20% depuis le début de cette affaire. Marjana Martinic, la vice-présidente du Centre international des politiques en matière d’alcool note que la méfiance des Tchèques envers les spiritueux n’est guère étonnante. L’alcool frelaté est source de nombreux problèmes sanitaires en Afrique ou en Asie mais selon elle, l’intoxication massive en République tchèque, en plein cœur de l’Europe, est quelque chose d’inouï. Le docteur Marjana Martinic relativise cependant cette baisse de la consommation : « Les gens qui veulent boire, boiront encore. »