L’alcool frelaté fait des victimes en République tchèque
Trois personnes sont décédées, en fin de semaine dernière, en Moravie du Nord, après avoir bu de l’alcool coupé au méthanol. Depuis, l’affaire de l’alcool frelaté a pris de l’ampleur en s’élargissant à d’autres régions du pays : lundi après-midi, huit personnes fort probablement intoxiquées au méthanol étaient hospitalisées dans un état très grave. Une affaire qui préoccupe sérieusement les autorités tchèques, les décès dus à l’alcool frelaté étant rarissimes dans le pays.
Utilisé comme solvant, antigel ou carburant, le méthanol est un produit particulièrement toxique et dangereux. Il peut entraîner la cécité et, si la consommation dépasse 30 millilitres, la mort. Si les médecins tchèques enregistrent trois ou quatre cas d’empoisonnement au méthanol par an, il s’agit souvent d’une ingestion accidentelle qui n’entraîne pas de décès car le produit n’est en général consommé qu’en faible quantité.
Or trois personnes sont mortes récemment dans la région de Havířov, en Moravie du Nord, suite à la consommation de spiritueux clandestins contenant du méthanol – donc après avoir ingéré, à leur insu (car le goût de l’alcool reste inchangé), le produit toxique à forte dose.
« A chaque coin de rue, on vend au verre tout ce que vous voulez », avoue un des habitants de Šumbark, un des quartiers les plus défavorisés de la ville morave de Havířov, touchée, comme l’ensemble de cette région industrielle, par le chômage. Ici, les clients ne se soucient pas vraiment de la qualité de l’alcool servi dans les stands, bureaux de tabacs et petits magasins ouverts 24 heures sur 24. Ce qui compte, c’est le prix. Les autorités locales qui ont fermé ces derniers jours plusieurs stands de la ville et ont lancé des contrôles rigoureux auprès des vendeurs, estiment pourtant avoir mené une politique responsable en matière de lutte contre l’alcool de contrebande. Nous écoutons Eva Wojnarová, porte-parole de la mairie de Havířov :
« A Havířov, il existe une cinquantaine de stands et points de vente où l’on sert de l’alcool. Nous y effectuons régulièrement des contrôles, souvent en coopération avec la direction des douanes. Ces derniers mois, nous n’avons enregistré aucun cas où les vendeurs étaient incapables de prouver l’origine de l’alcool vendu. »Néanmoins, il est bien connu que la production et la vente illégales de l’alcool sont monnaie courante surtout dans le nord de la Moravie, à proximité de la frontière tchéco-polonaise : cette année, la police aurait déjà confisqué plusieurs milliers de litres d’alcool clandestin dans la région. A l’échelle nationale, la production illégale est estimée à 10%. En vérifiant l’origine de l’alcool mis à la vente en République tchèque, la Direction générale des douanes se concentre sur l’estampillage des bouteilles d’alcool et l’obligation de payer l’impôt sur la consommation. D’après le ministre de la Santé, Leoš Heger, ce système présente des lacunes :
« Je vais certainement discuter de la présente situation avec les représentants du service d’hygiène. Nous pourrions, par exemple, effectuer des contrôles dans des restaurants. Je pense que, de façon globale, le nombre de saisies dans les marchés vietnamiens par exemple ou d’opérations policières visant des contrebandiers est suffisant. Sauf que ces mesures se limitent aux contrôles douaniers, administratifs. Mais il faut également faire appel aux services d’hygiène, il faut se tourner désormais vers les restaurants et les bistros. »Ce week-end, alors que cinq personnes restaient hospitalisées dans un état critique en Moravie du Nord, d’autres cas d’une probable intoxication à l’alcool frelaté ont été décelés dans le sud de la Moravie, ainsi qu’à Příbram, à une soixantaine de kilomètres au sud de Prague. Sans avoir donné plus de précisions, la police a annoncé avoir arrêté et placé en détention un homme de 36 ans originaire de Havířov, soupçonné de distribuer de l’alcool illégal.