Décès de Lise London, veuve du héros de « L’Aveu »
C’est le Parti communiste français qui l’a annoncé à la presse, un parti auquel elle est restée fidèle jusqu’à la fin, malgré le désenchantement qu’il aurait pu lui faire subir : Lise London, ancienne résistance et veuve du héros de « L’aveu » est morte samedi, à Paris, à l’âge de 96 ans.
Le couple survit à toutes ces épreuves et part s’installer en Tchécoslovaquie après la guerre. Artur London, devient vice-ministre des Affaires étrangères dans le nouveau gouvernement communiste.
Seulement, les purges staliniennes guettent, et comme tant d’autres anciens brigadistes et résistants à l’étranger, Artur London tombe en disgrâce et est arrêté en 1951. Lise London :« Le procureur avait posé la question, plaidez-vous coupable ou non-coupable ? ‘Coupable !’ Cela a été pour moi une chose terrible. Je ne pouvais jamais imaginer qu’il y avait des méthodes qui font avouer la culpabilité à un innocent, d’autant que je connaissais mon mari. Les aveux, c’est terrible. J’avais cru aux procès de Moscou, tout le monde y avait cru, à cause des aveux. Mais peu à peu, je me suis rendue compte qu’il y avait des choses qui ne marchaient pas. Il y avait des mensonges, et je savais que c’en était. Je me disais : s’il y a un mensonge, tout peut être mensonge. Mais il fallait que lui me dise la vérité, ce qui n’a été possible qu’à Pâques 1953. »
Ainsi s’exprimait en 2003, au micro de Radio Prague, Lise London, ancienne collaboratrice de la station, devenue persona non grata après l’arrestation de son mari qu’elle avait apprise par les journaux. Démunie et un temps persuadée de la culpabilité de son mari, elle va ensuite tout faire pour le faire sortir de prison. Durant ses années de prison, Artur London écrit en français des textes destinés, non à être publiés, mais à informer le Parti communiste français. Il décrit les interrogatoires, tortures et procès infligés par le régime stalinien afin de lui extorquer des aveux. Il les transmet clandestinement à sa femme, glissés dans des paquets de papier à cigarettes. Ce sont ces textes qui serviront de base au roman L’Aveu sorti en 1968 au moment de l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie, et au film de Costa-Gavras tourné deux ans plus tard avec Yves Montand et Simone Signoret, deux compagnons de route du Parti communiste. C’est d’ailleurs autrefois le réalisateur Claude Lanzmann qui avait parlé à Costa-Gavras du livre « L’aveu ». Il s’était souvenu de cette époque lors de son passage à Prague en 2008.« Ce qui a été décisif pour moi, c’est le livre d’Artur London, L’Aveu. Ce livre m’a complètement bouleversé, complètement convaincu de la justesse absolue de ce que London disait et donc du mensonge radical des procès. Ce qui était très étonnant, c’est que cet homme qui avait littéralement abandonné par tout ce qu’il aimait, par tous les idéaux qu’il avait eus, qu’on avait condamné – non pas à mort puisqu’il est un des trois à ne pas avoir été condamné à mort – pour sionisme, en vérité par antisémitisme, et j’ai vu que London entreprenait d’une certaine façon de se relier au judaïsme. Puisqu’on le faisait juif malgré lui, autant le devenir de sa propre volonté. »Artur London, finalement libéré en 1956, se réfugie en France. Lui, comme Lise London, continuent de dénoncer les crimes du stalinisme et le régime de Gustáv Husák après 1968, mais restent toutefois fidèles à l’idéal communiste de leur jeunesse, un grand écart qui leur a été parfois reproché. Lise London, en 2003 :
« Il y a l’idéal, qui n’est pas un idéal d’aujourd’hui. Mon père était analphabète et ma mère très croyante. Quand elle parlait de Jésus, mon père lui disait que c’était un homme nous, le premier communiste, qui voulait la liberté, la fin de l’esclavage, la fraternité. C’est un idéal qui a donc toujours existé mais il faut voir dans la pratique comment il est transformé. »
Les obsèques de Lise London auront lieu le 5 avril au cimetière d’Ivry.